Rechercher
Rechercher

Actualités - REPORTAGES

Deuil - La dépouille mortelle du Amid a été rapatriée hier après-midi AIB - 16 heures : une explosion d'applaudissements, des cris de douleur .. (photos)

Après vingt-quatre ans d’exil, le Amid est enfin retourné au Liban. Seulement pas du tout comme l’avaient rêvé ses partisans, pas dans un cercueil. Hier à 16 heures, sa dépouille a été rapatriée, à bord d’un avion de la MEA. Des milliers de personnes, émues, n’ayant pas encore réalisé l’ampleur de la perte, étaient au rendez-vous pour accueillir leur héros. Peu avant l’atterrissage de l’avion, responsables politiques, parents, amis, sympathisants ont déferlé dans le salon d’honneur. En moins d’une heure, plusieurs centaines de personnes étaient déjà présentes, attendant l’arrivée du défunt. Jusque-là, l’ambiance était calme et les visages crispés évoquaient la gravité du moment. «On aurait tellement voulu voir aboutir son combat pour l’indépendance et la souveraineté du Liban. Il n’avait pas le droit de partir aussi tôt alors que sa lutte était pratiquement gagnée», s’exclame Pierre Eddé, membre du conseil exécutif du BN. Mais le grand moment d’émotion, c’est lorsque l’avion a touché terre. Tout le monde était en larmes. L’instant était poignant. La douleur indicible. Ce n’était pas tant la mort d’un être cher qui troublait tant les personnes présentes, mais l’idée que cet homme exilé depuis plus de deux décennies n’allait plus revoir son pays. Il n’allait surtout pas le connaître libéré. Au premier rang de la foule, le nouveau Amid du Bloc national, Carlos Eddé, et ses proches. Les officiels étaient nombreux également. Ceux qui comptaient parmi ses amis comme parmi ses ennemis sont venus le retrouver, pour rendre hommage, une dernière fois, à celui qui a courageusement dénoncé ou dit tout haut ce qu’ils pensaient tout bas. «Raymond Eddé a fondé une école politique qui s’est développée depuis le président Eddé, qui repose sur les principes et non sur les petites stratégies adoptées par le reste des hommes politiques», souligne un de ses partisans. La douleur se lisait sur les visages de ceux qui lui sont restés fidèles durant son long exil. Dans son refus obsessionnel de l’occupation, dans ses prises de position religieusement acquiescées et suivies à la lettre, le Amid était pour ses partisans plus qu’un chef de parti, il était le modèle. Pour le cercle des plus proches, ceux qui l’attendaient depuis des années, ceux qui voulaient le voir rentrer au pays en vainqueur, en héros, sa mort était on ne peut plus injuste. «On l’attendait, après le retrait de l’armée israélienne et celui espéré des syriens», nous confie sur un ton d’amertume, Clovis Chartouni, membre du conseil exécutif du Bloc national. Recouvert d’une branche de cèdre, symbole de sa libanité, le cercueil drapé était porté par les membres du conseil exécutif du Bloc national. La dépouille a été transportée hors de l’enceinte de l’aéroport où une foule immense l’attendait. Une explosion d’applaudissements s’est mêlée aux cris de la foule, au passage du cercueil. «C’est le Liban entier que nous portons à bout de bras», clament les partisans du Amid. «Ce n’est pas de cette manière que nous aurions voulu que tu nous reviennes», hurle une femme en noir, aux paupières enflées. Une immense banderole affichait la fameuse formule exprimée par l’évêque Antoun Akl, lors de la mort du président Émile Eddé, le père du défunt : «Ton cercueil est ton trône et leur trône est leur cercueil. Mort, tu es le véritable vivant, mais eux sont déjà morts bien qu’en vie». Le peuple tout entier l’attendait, pour le porter, pour l’acclamer. Le destin a été bien plus cruel. Raymond Eddé est retourné silencieux, muet. Après un tour à pied effectué sur un tronçon de la route de l’aéroport, le cortège s’est ensuite dirigé vers la région de la Galerie Semaan, en passant par Badaro, pour ensuite retourner à Sanayeh, au lieu de sa résidence. «Nous avons voulu traverser les deux secteurs de Beyrouth, en hommage à celui qui a toujours combattu le confessionnalisme sous toutes ses formes. Par respect aussi à celui qui fut adulé de tous les Libanais», commente Clovis Chartouni. Une autre explication a été donnée au symbolisme de cet itinéraire, à savoir que le cortège aurait pris, en sens inverse, le trajet pris par le Amid lorsqu’il avait quitté il y a 24 ans le Liban par l’aéroport, à la suite d’un attentat manqué. À cent mètres de sa demeure à Beyrouth, les partisans du chef du BN ont porté le cercueil jusqu’au grand salon. À l’entrée, le registre des condoléances recueillait les dernières pensées des Libanais pour ce géant de la politique libanaise. Toute l’admiration et l’amour d’une nation se sont déversés sur les pages du grand livre. «Le Amid, bien que mort, reste vivant dans la nation et dans le cœur des citoyens». «Toi qui as toujours eu les mains propres, que ni le sang, ni la corruption, ni la trahison n’avaient jamais entachées, toi, le libéral, toi le démocrate». «Que votre souvenir et vos principes guident le Liban et les Libanais pour construire un pays digne d’un grand homme comme vous». «Le Liban a perdu un des géants de la démocratie. Il est difficile voire même impossible à tout homme libanais qui s’intéresse à la chose publique de prôner la liberté, la démocratie et la dignité, sans avoir à l’esprit le souvenir de Raymond Eddé». L’homme est parti et c’est toute la conscience du Liban qui rejaillit.
Après vingt-quatre ans d’exil, le Amid est enfin retourné au Liban. Seulement pas du tout comme l’avaient rêvé ses partisans, pas dans un cercueil. Hier à 16 heures, sa dépouille a été rapatriée, à bord d’un avion de la MEA. Des milliers de personnes, émues, n’ayant pas encore réalisé l’ampleur de la perte, étaient au rendez-vous pour accueillir leur héros. Peu...