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Actualités - REPORTAGES

Quelques souvenirs Aimée Kettaneh : une histoire d'amitié (photo)

Aimée Kettaneh, elle aussi, se souvient : «Je ne sais plus où, quand, ni comment mon mari et moi-même avons connu Jean Royère. Je me souviens surtout d’une grande amitié. C’était un personnage extrêmement sympathique et attachant. Il adorait voyager et il nous arrivait parfois de faire des voyages ensemble, notamment en Iran. Nous lui rendions visite dans son appartement du Faubourg Saint-Honoré. Il aimait beaucoup recevoir, il était plein d’humour et très cultivé. Il avait des relations dans le monde entier. Lorsque j’ai voyagé avec Charles, mon mari, en Amérique latine, il nous a confié un plein carnet d’adresses et une foule de tuyaux. Nous avions un ami commun originaire d’Europe de l’Est. Le plus grand plaisir de Royère, lorsqu’il venait au Liban, était de se rendre dans un petit café de Chemlane surplombant la mer (NDLR : Kahwet el-Khaymé ?). J’ignore s’il existe encore. Pour ce qui est de ses meubles, j’avoue que je n’aimais pas tout. Mais il a créé pour notre maison de Aley une chambre à coucher et un boudoir que j’aimais beaucoup et où l’on retrouvait son amour pour les motifs végétaux. La table et la porte du boudoir étaient ornées de fleurs séchées sous verre et le dos du lit était fait d’un collage d’épis de blé. À l’époque, la région de Aley était très prisée par les estivants séoudiens. Une princesse arabe ayant aimé le travail que Royère avait réalisé chez nous l’a prié de se rendre dans son pays pour des travaux de décoration. Quant à mes meubles, j’ai quitté la maison de Aley précipitamment au début des années 80, sans rien emporter. La maison a été pillée. Mon grand regret est de ne pas avoir pu garder au moins un souvenir de cet homme qui fut avant tout un ami». Mme Boulos Fayad : « Entre l’horreur et l’attachement » C’est Jeanne Bersuder, la fille de Mme Boulos Fayad qui nous rapportera les souvenirs de sa mère : «Après la Deuxième Guerre mondiale, on ressentait dans le monde entier un besoin de changement. Comme nous faisions construire à Beyrouth un immeuble dont l’architecture était confiée à Nadim Majdalani, il allait de soi que la décoration devait être à la charge de Royère. Mon mari et moi-même n’avons pas eu de relation directe avec lui. C’était Nadim Majdalani qui s’occupait de tout. Royère, nous ne l’avons rencontré qu’une seule fois à l’occasion d’un court séjour qu’il effectuait à Beyrouth. C’est ma fille aînée, Paula – elle devait avoir vingt ans à l’époque – qui s’est chargée de choisir les accessoires à Paris. Lorsque les cartons sont arrivés, j’ai été littéralement horrifiée par les luminaires (j’ai d’ailleurs cru que c’était des emballages). Quant aux rideaux et autres imprimés, je n’ai pas pu les garder plus de deux ans. Par contre j’ai aimé les meubles. Notamment la salle à manger à motif “croisillons” que je garde encore à la fois pour son esthétique et pour son confort. Je n’ai d’ailleurs aucune envie de m’en débarrasser». Mme Bersuder nous confie un rire amusé de sa mère à la question de savoir comment elle a accepté cette concession à un style aussi audacieux pour l’époque. Elle l’explique par le fait qu’elle venait d’avoir quarante ans dans une société conservatrice où les choses bougeaient lentement. L’occasion lui était offerte, par la construction d’une maison neuve, de changer réellement de cadre. Majdalani avait l’art d’harmoniser son architecture avec le style de son associé. «D’ailleurs, Royère n’aurait jamais pu fonctionner au Liban sans Majdalani. Même les carreaux noir et beige revêtant le sol étaient dessinés dans l’esprit Royère. C’était un tout, parfaitement cohérent et pensé comme un ensemble. C’est une mode qui a d’ailleurs peu duré, constate Jeanne Bersuder. Très vite, une première vague de Libanais d’Égypte sont revenus, persuadés que Beyrouth était une province, et ont imposé un snobisme à l’anglaise, fait de bridge, de thé, de sandwiches au concombre et d’argenterie orientaliste. Beaucoup se sont piqués au jeu : Beyrouth est un microcosme où la copie est de bon aloi. C’en était fini de l’aventure Royère, avec un retour à un ameublement traditionnel que l’on croyait dépassé. Aujourd’hui, ma fille qui séjourne en Suède constate que Royère s’est fortement inspiré des goûts nordiques en matière d’ameublement. Quant à l’engouement actuel !…Comment expliquer la folie humaine ? Le design fonctionne comme une bourse. On peut y gagner beaucoup d’argent comme on peut beaucoup en perdre».
Aimée Kettaneh, elle aussi, se souvient : «Je ne sais plus où, quand, ni comment mon mari et moi-même avons connu Jean Royère. Je me souviens surtout d’une grande amitié. C’était un personnage extrêmement sympathique et attachant. Il adorait voyager et il nous arrivait parfois de faire des voyages ensemble, notamment en Iran. Nous lui rendions visite dans son appartement du...