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Actualités - ANALYSE

Des retombées politiques qui prennent la forme d'un clivage accentué

Le chapitre de la confrontation physique entre les étudiants et les forces de l’ordre semble maintenant clos. Mais les retombées politiques de ce bras de fer se perpétuent. En se subdivisant en de multiples variantes. Ainsi chez les jeunes, l’élan imprimé surtout par les aounistes entraîne maintenant de multiples courants actifs comme les FL, les libéraux ou le BN. Parallèlement, la flamboyante intervention du métropolite de Beyrouth Mgr Élias Audeh dimanche dernier a secoué l’Est, toutes générations confondues. Et le prélat a été ovationné en plein centre-ville où il assistait, aux côtés du patriarche Sfeir, à la reconsécration de la cathédrale maronite Saint-Georges. Le clivage se précise donc. Le pouvoir pour sa part affirme qu’il ne cherche qu’à faire appliquer la loi, à empêcher toute transgression. Sur les méthodes utilisées à cette fin, sur leur légalité même, les versions sont aussi nombreuses que les témoignages des protagonistes, les jeunes d’une part, les agents de l’ordre de l’autre. Selon des loyalistes «le samedi 15 avril dans l’après-midi, après le départ en tournée régionale du chef de l’État, des manifestants ont coupé l’autoroute Beyrouth-Jbeil, à hauteur d’Antélias. Un bouchon énorme s’est formé et les activistes ont entrepris de distribuer des tracts aux automobilistes en rade. Certains véhicules à plaques minéralogiques syriennes ont été attaqués. Au bout d’une demi-heure, les contestataires se sont dispersés. Les agents présents sur les lieux ne sont pas intervenus, contrevenant même à leur devoir. Ils auraient dû en effet protéger la libre circulation des voitures et exiger des manifestants qu’ils défilent dans les bordures uniquement. S’il en avait été ainsi, on en serait resté là et l’État se serait évité tous les remous qui ont suivi». Ces mêmes loyalistes indiquent qu’ultérieurement, «des poursuites ont été engagées à cause des agressions subies par les voitures à plaques syriennes et par certains passants. Les coupables ont fait l’objet de condamnations rendues par la justice, comme le veut la loi. Ce n’est pas du tout parce qu’il y a eu distribution de tracts que les arrestations ont été opérées, mais à cause des actes de violence enregistrés. Les autorités ont été dûment informées de ce qui s’est passé, pour qu’elles fassent comprendre à l’opinion qu’il n’y a pas du tout eu d’atteintes aux libertés publiques et de répression contre les jeunes. Cependant sur le plan médiatique, les activistes se sont montrés plus rapides que les responsables et ils ont réussi à faire accroire qu’ils n’étaient pas agresseurs mais agressés. Ils ont de la sorte réussi à mobiliser les jeunes de tous bords qui, le premier jour, se sont solidarisés avec eux. Mais les responsables des mouvements de divers partis ont fait machine arrière quand ils ont su quelle était la vérité et ils ont condamné le comportement des têtes brûlées. Il reste que l’affaire a été politisée et grossie à dessein. Les services sécuritaires sont en possession d’information montrant l’existence d’un plan antisyrien multiforme. Ainsi après l’autoroute, l’agitation a gagné le campus de l’USJ où l’on a vu des jeunes mettre le feu au drapeau syrien en réclamant le retrait des forces syriennes du Liban». Bien entendu cette version loyaliste des faits est récusée par les étudiants qui la qualifient de «poudre aux yeux destinée à couvrir ces coups qui ont conduit nos camarades à l’hôpital ou en prison». Selon certains jeunes, «il ne faut quand même pas se hâter d’accabler le pouvoir, les autorités politiques en tant que telles. Il est presque certain que les initiatives malencontreuses prises contre nous sont le fait de petits cadres qui ont voulu se faire bien noter des décideurs. Ils n’ont qu’une obsession : empêcher la distribution des tracts et ils ont probablement ignoré la portée des retombées politiques que cela pouvait avoir. Les réactions ont dû les étonner. Ils pensaient sans doute que nous allions de suite courber l’échine. Quand ils ont vu que nous ne nous taisions pas, ils ont fait de la surenchère. Ils nous ont accusés d’agir sur instructions de l’extérieur, pour servir les desseins de l’ennemi. Par ces allégations, ce sont ces responsables qui grossissent l’affaire et pas nous. La distribution de tracts par nos camarades est une action routinière et s’accompagne d’ailleurs d’une diffusion sur le web». Et d’indiquer qu’au lieu de calmer le jeu, les responsables l’ont exacerbé «au point de porter les éléments aounistes à distribuer devant les lieux de culte, le dimanche de Pâques, et dans toutes les régions ou presque, un libelle qui souligne qu’un gouvernement qui ne peut supporter l’expression d’une position politique opposante est incapable d’assumer des responsabilités nationales bien comprises. Le traitement qu’il a réservé aux jeunes est indigne d’un État civilisé». Toujours est-il que bien avant les événements, les autorités sécuritaires avaient vu venir le coup, si l’on peut dire. En effet, il y a cinq semaines, lors de la réunion que les organismes de sécurité tiennent chaque jeudi (en présence du procureur de la République et d’un délégué des forces syriennes), il a été discuté de l’éventualité d’une agitation axée sur la question de la présence syrienne. Un thème que le retrait israélien rendrait d’actualité. Les participants ont émis des avis différents. Certains ont estimé qu’il fallait se contenter d’observer le déroulement des événements potentiels et d’éviter le piège de la confrontation avec les jeunes. Ils ont ajouté qu’on devrait déployer des efforts préventifs et le cas échéant, de simple récupération politique des éventuelles actions de rue. Mais d’autres ont insisté pour une riposte musclée, en cas de mouvement séditieux. Ils ont souligné que si on laissait les jeunes en faire à leur tête, il se créerait assez rapidement un courant politique favorable à leurs vues. Ce qui provoquerait une tension d’ensemble dont le pays doit être prémuni. C’est ce qui semble se produire. À cette différence près qu’il y a eu intervention sur le terrain, ce que réprouve un ancien ministre, selon qui «si on avait laissé les jeunes s’amuser, le lendemain on n’en parlait plus. Alors que maintenant les Libanais ont l’air gravement divisés, au moment même où ils ont plus besoin que jamais d’être unis».
Le chapitre de la confrontation physique entre les étudiants et les forces de l’ordre semble maintenant clos. Mais les retombées politiques de ce bras de fer se perpétuent. En se subdivisant en de multiples variantes. Ainsi chez les jeunes, l’élan imprimé surtout par les aounistes entraîne maintenant de multiples courants actifs comme les FL, les libéraux ou le BN....