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Actualités - REPORTAGES

Traces, turquoise et ocre

«Elle a eu treize enfants, elle en a perdu onze, certains de soif, ou de faim, elle a connu cinq guerres, dont les deux mondiales, et elle ne m’a jamais, jamais raconté d’histoires de petits chaperons rouges, ce n’étaient, encore et toujours, que des histoires de guerre(s)». C’est Emmanuel Guiragossian qui parle ici de sa grand-mère, la mère de Paul, son père, celle qui lui a inculqué la guerre dans l’art, celle grâce à qui il est devenu le peintre «dramatique» du corps humain, le virtuose de l’abstraction anatomique. Le génocide arménien que sa grand-mère lui détaillait, et cette guerre du Liban qu’il vivait au quotidien, ont fini par faire se confondre, à ses yeux et dans son âme d’artiste-peintre-arménien-libanais, la vie avec la mort, «c’est maintenant, pour moi, la normalité, mon quotidien de professeur de peinture, de créateur», dit-il. Pas de natures mortes, d’hyperréalisme ou autres diableries daliennes, Emmanuel Guiragossian cultive, de par son arménité, les variations sur le même thème. «Je n’ai jamais dessiné autre chose que le corps humain, si, des animaux parfois», maintenant, tout son passé, celui de ses aïeux, est en lui, pour toujours. Mais attention, n’allez pas croire que tout ça a fait de lui un artiste morbide, un peintre de la désespérance, bien au contraire, «mon drame est gai maintenant», affirme-t-il. La preuve ? Pour peindre la mort, il a abandonné ses dominantes marron, bleu ultra ciel, vert sombre, ou noir, ses couleurs de prédilection, c’est désormais le turquoise, et l’ocre. 23 ans après son père, Emmanuel Guiragossian laisse, dans L’Orient-Le Jour, une trace, sa trace, pour que l’homme n’oublie jamais qu’il y a quatre-vingt-cinq ans…
«Elle a eu treize enfants, elle en a perdu onze, certains de soif, ou de faim, elle a connu cinq guerres, dont les deux mondiales, et elle ne m’a jamais, jamais raconté d’histoires de petits chaperons rouges, ce n’étaient, encore et toujours, que des histoires de guerre(s)». C’est Emmanuel Guiragossian qui parle ici de sa grand-mère, la mère de Paul, son père, celle qui...