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Actualités - REPORTAGES

La passion Elisa

«Ce qu’il y a de plus étrange pour un non-Arménien, c’est notre persévérance, celle de toutes les générations, à faire en sorte que le génocide soit enfin reconnu». Elle a 19 ans, Élisa, et toute la fougue, toute la passion, toute la candeur d’une jeune étudiante en Sciences-Po, engagée, consciente, et maîtrisant la question arménienne jusque dans ses moindres méandres… «Lors du dernier sommet de l’OSCE à Istanbul, le président turc Demirel a proposé au président arménien Kotcharian de lever le blocus turc et azéri sur l’Arménie, à condition que plus personne ne réclame la reconnaissance du génocide arménien, raconte-t-elle, mais vous pensez bien que le président Kotcharian a catégoriquement refusé, ce n’est pas comme son prédécesseur Ter Petrossian, qui était, lui, de mouvance turque, heureusement qu’à l’époque la diaspora avait posé son veto». Élisa a oublié le temps, pas si lointain que ça, où elle avait du mal à assumer son identité, son arménité, l’époque où elle devait souvent faire face aux quolibets plus taquins que méchants de ses camarades non arméniens. Maintenant, Élisa s’est lancée, elle veut perpétuer les traditions, sauvegarder une civilisation, une histoire, perfectionner son écriture et sa lecture de l’arménien : «Je le parle couramment, parfois instinctivement, lorsque je tombe sur un(e) autre “ian”, même si je suis dans un environnement arabe». Elle loue les partis et l’église qui ont toujours encadré la communauté et surtout ses jeunes, elle applaudit les associations apolitiques, «le Homentemen, l’Antranik, le Haïgazian, ils font un très bon travail, ils transmettent…» Il n’empêche, son dilemme demeure énorme lorsqu’on lui demande si elle se sent plus arménienne que libanaise, ou vice-versa. «Je suis libanaise et arménienne, arménienne et libanaise, tout autant, explose-t-elle, le Liban, c’est le cœur de la diaspora, même si pour l’instant c’est en train de se déplacer de plus en plus vers les USA, il n’en reste pas moins que Beyrouth a toujours été le pôle traditionnel de la renaissance arménienne, c’est là où se trouve, à Antélias, notre église mère…» Quant à la question, douloureuse, évidente, du génocide, de sa reconnaissance, Élisa la place sur le haut de la pile des priorités, juste devant le redressement et l’assainissement socio-économique de l’Arménie. «Ce n’est pas pour des raisons religieuses que le génocide a eu lieu, ça j’en suis sûre, les raisons sont ethno-culturelles : l’Arménien a toujours été considéré comme un sujet hyper actif dans l’Empire ottoman, et extrêmement dynamique», dit-elle avec toute la conviction du monde. Et elle ne parle pas uniquement Élisa, elle fait, elle (ré)agit, elle regarde certaines émissions à la télévision turque, elle «chatte» sur des sites Internet où elle s’emploie à convaincre des jeunes Turcs de la nécessité, de l’urgence d’une reconnaissance officielle du génocide arménien, «peine perdue, ils sont définitivement fermés, ils disent que j’ai été endoctrinée, comme tous les miens, mais eux aussi ils le sont, et jusqu’à la moelle».
«Ce qu’il y a de plus étrange pour un non-Arménien, c’est notre persévérance, celle de toutes les générations, à faire en sorte que le génocide soit enfin reconnu». Elle a 19 ans, Élisa, et toute la fougue, toute la passion, toute la candeur d’une jeune étudiante en Sciences-Po, engagée, consciente, et maîtrisant la question arménienne jusque dans ses moindres...