Le geste de Michel Eddé

L’ancien ministre de l’Enseignement supérieur et de la Culture, Michel Eddé, l’avait acheté à Drouot, la salle de ventes parisienne, le 7 avril 1998, le payant vingt-deux fois plus que son prix d’estimation parce qu’il y avait deux Arméniens de Los Angeles qui tenaient absolument à l’acheter, et il n’avait qu’une idée en tête : l’offrir au catholicos de Cilicie Aram Ier. Ce fut chose faite, le 14 avril dernier, et ce document, faisant partie de la collection du petit-fils du sultan ottoman Abdulhamid et concernant l’attentat dit du «Selamlik» du 21 juillet 1905, sera désormais conservé au musée de la «Maison de Cilicie». Ces «comptes rendus de l’enquête de la commission spéciale ordonnée par le sultan sur l’attentat et les événements pénibles» forment un recueil de soixante-seize pages de texte en turc et contenant trente-quatre photographies collées dont vingt-sept portraits des patriotes arméniens, auteurs de cet acte justicier. L’ouvrage est relié à deux plats de soie moirée crème et portant sur le dessus, estampés à l’or, la tughra du sultan, ainsi que de grands écoinçons foliacés, avec, sur le dessous, une mandorle meublée du croissant et de l’étoile. Les premières photographies sont celles des principaux justiciers, dont le Belge Édouard Joris et son épouse ; suivent celles des autres patriotes arméniens, Mikaelian, Kanderian, Ohannessan, Ghurabian, le libraire Kahvedjian, le portier Arakial, Minassian, l’intermédiaire Manouk, Archak d’Erzeroum, etc., puis la photographie d’un coupé identique à la voiture de l’attentat, les bombes retrouvées chez les patriotes, les pains de mélinite, les mèches et cordons de mise à feu… Ces actes de la commission extraordinaire ont été publiés à Istambul, aux éditions de l’Imprimerie nationale et ont été traduits à Ankara, à l’initiative de M. Eddé, par l’un des rares survivants connaissant à la fois et le turc et l’arabe.