Rencontre arabe - Les journalistes suivront l'événement sur grand écran Le Sérail est fin prêt pour l'Heure H(photo)

Le Grand Sérail, siège de la présidence du Conseil, semble brusquement trop petit. Les drapeaux multicolores des 21 pays arabes participant à la 113e réunion du Conseil ministériel de la Ligue réchauffent un peu l’impressionnant bâtiment autour duquel des pots de fleurs printanières ont fait leur apparition depuis hier, en dépit de la politique officielle d’austérité. En plus de 25 ans de crises multiples c’est la première fois qu’un événement d’une telle importance se tient au Liban et les milieux officiels veulent mettre le paquet pour que la réunion des ministres des Affaires étrangères arabes soit un succès. Le Grand Sérail est transformé en une véritable ruche et les renforts venus du ministère de l’Information et des services de l’ordre s’activent dans tous les sens entre la salle qui abritera les réunions des ministres (initialement prévue pour la tenue des réunions du Conseil des ministres avant que celui-ci ne soit doté d’un bâtiment propre), les divers bureaux – notamment celui du directeur général de la présidence du Conseil, M. Hicham Chaar, réquisitionné pour le secrétaire général de la Ligue, le Dr Esmat Abdel Méguid – et la salle des banquets où déjeuneront les membres des délégations. Au total, plus de 130 couverts ont déjà été dressés sur de jolies petites tables rondes recouvertes de nappes aux couleurs pastel, sous la supervision d’une équipe venue de l’hôtel Bristol. Dans la salle de réunion qui généralement paraît immense mais où depuis hier, les chaises se touchent afin de loger les membres des diverses délégations arabes et les 50 rédacteurs en chef et autres responsables de médias conviés à la séance d’ouverture, tout est désormais prêt pour l’heure H prévue à midi. Seuls les journalistes chargés de couvrir la réunion seront les oubliés de l’événement. N’ayant pas fixé de plafond pour le nombre de reporters, autorisé pour chaque média, le service d’information de la présidence du Conseil s’est vu débordé par les demandes présentées, plus de 300 dont une centaine pour Télé-Liban seulement. La chaîne officielle chargée de retransmettre en direct la séance d’ouverture a mis pratiquement tous ses journalistes et techniciens à contribution, afin d’être à la hauteur de la mission. Mais en raison du grand nombre de journalistes et pour ne pas avoir à rejeter des demandes, le service d’information a préféré cantonner les journalistes dans une aile secondaire, loin de l’événement, qu’ils ne pourront suivre qu’à travers un écran géant. Ils ne pourront avoir de contact direct avec les divers membres des délégations arabes que si ceux-ci s’aventurent dans l’aile des journalistes…même frustrés, ils seront quand même nombreux à guetter à travers les vitres l’arrivée des ministres arabes. Pour diverses raisons, certains sont plus attendus que d’autres, le Dr Esmat Abdel Méguid bien sûr qui fait figure de maître des cérémonies, mais aussi le ministre égyptien des Affaires étrangères, M. Amr Moussa, dont le pays semble être à l’origine de cette manifestation de solidarité, le ministre séoudien, l’émir Séoud el-Fayçal, dont le pays s’est souvent tenu aux côtés du Liban pendant les heures de crise, le ministre libyen, Abdel Rahamne Mohammed Cholkom, qui ne décolère pas depuis que le président de la Chambre, M. Nabih Berry, a remis à l’ordre du jour la disparition de l’imam Sadr. Des milieux diplomatiques ne cachent d’ailleurs pas leur étonnement devant la réaction du chef de l’Assemblée, qui selon eux, se comporte comme le chef du mouvement Amal bien plus que comme le numéro 2 de la République libanaise. Rappelons que M. Berry avait initialement prévu de donner samedi soir un dîner en l’honneur des ministres arabes, mais il a refusé de convier la délégation libyenne. Relancé par le chef de l’État, il a préféré annuler son dîner qui a été remplacé par des agapes au palais de Baabda. Les milieux officiels pensent en effet que ce n’est pas le moment de rouvrir ces contentieux, alors que le Liban accueille la réunion du Conseil de la Ligue et a besoin de tout soutien pour faire face aux visées israéliennes. D’ailleurs, dès son arrivée à l’AIB, hier, le ministre libyen a été harcelé par les journalistes de la chaîne NBN (proche de Berry) au point qu’il a répondu plutôt violemment à leurs questions. Le ministre syrien Farouk el-Chareh est aussi guetté avec impatience par les journalistes puisque le sort du Liban est étroitement lié à celui de la Syrie alors que l’annonce du retrait israélien du Sud en juillet a soulevé de nombreux points d’interrogation sur la concomitance des deux volets. Le Palestinien Farouk Kaddoumi est aussi très sollicité surtout depuis la dernière déclaration du président Émile Lahoud sur l’incapacité du Liban à contrôler les activités des combattants palestiniens à partir de son territoire après le retrait israélien. Reste aussi, bien sûr, le ministre irakien, M. Saïd Sahhaf, dont c’est la seconde visite au Liban depuis la reprise officielle des relations entre les deux pays. Il y aussi le Jordanien, M. Abdel Ilah Khatib, dont le pays est très impliqué dans le processus de paix dans la région, le Koweïtien cheikh Sabah el-Ahmed el-Sabah, dont le pays a fait preuve d’une grande solidarité avec le Liban, et tous les autres, le prince héritier du Qatar, les ministres émirien, bahreïni, soudanais, omanais, algérien, tunisien, etc... qui ont répondu présent à l’appel du Dr Abdel Méguid, au point que pour la première fois depuis longtemps, le Liban se sent véritablement entouré et soutenu par ses frères arabes. Que cette soudaine solidarité soit motivée par la gravité de la situation régionale qui risque de rejaillir sur l’ensemble des pays arabes ou que le ton final de la rencontre arabe soit à la modération pour ne pas compromettre les chances de reprise des négociations de paix entre les Syriens et les Israéliens et entre les Palestiniens et les Israéliens n’enlève rien à l’importance de l’événement. Les Libanais qui, depuis hier, ont vu leur capitale grouiller de délégations arabes l’ont bien compris.