Un accroc grave à la cohabitation

La cohabitation entre Jacques Chirac et Lionel Jospin connaît, pour la première fois, un accroc grave dans le domaine de la politique étrangère, après les déclarations pro-israéliennes du Premier ministre français. Les propos de M. Jospin constituent en effet une double entorse aux règles généralement acceptées de la cohabitation. Sur le fond, il s’est démarqué de la politique menée depuis plusieurs années par la France au Proche-Orient en faveur d’un dialogue équilibré. Dans la forme, il a brisé un tabou qui veut que la politique étrangère, considérée du temps du général Charles de Gaulle comme le «domaine réservé» du président, soit au moins un «domaine partagé», formule inventée par l’ancien président socialiste François Mitterrand. Le chef du gouvernement avait laissé prévoir cette incartade, montrant, à plusieurs reprises depuis la fin de l’année, qu’il entendait peser davantage sur la diplomatie française. À l’exception d’un article d’Édouard Balladur, alors Premier ministre, sur la politique étrangère de la France – qui avait provoqué des grincements de dents de la présidence de François Mitterrand à l’époque – l’entrée de Lionel Jospin dans le «domaine partagé» est donc sans précédent.