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Actualités - CONFERENCES INTERNATIONALES

Organisations - Débat ouvert depuis hier à l'ESCWA Monde arabe et culture : les intellectuels ont la parole (photo)

Quarante-deux intellectuels venus de tous les pays arabes sont rassemblés depuis hier à l’Escwa (Commission économique et sociale pour l’Asie de l’Ouest) pour discuter de l’évolution de cette organisation et du rôle qu’elle pourrait jouer dans les prochaines années. Le «brainstorming», qui se poursuivra aujourd’hui, a donné lieu à une sévère autocritique du monde arabe, ou plus exactement de la culture dominante, des peuples et des gouvernements de la région. Tenues à l’initiative du Dr Hazem Béblaoui, secrétaire exécutif de l’Escwa et secrétaire général adjoint des Nations unies, les séances de réflexion devraient fixer les priorités de la Commission pour les années à venir. Depuis sa création, a souligné le Dr Béblaoui, la Commission est le lien entre le monde arabe et les Nations unies. «Elle a pour rôle de transmettre les valeurs de l’institution vers le monde arabe et de faire entendre la voix de la région à l’organisation internationale». L’Escwa est, depuis vingt-cinq ans, le miroir de la région. Créée après le deuxième choc pétrolier, elle est le témoin des conflits qui ont touché le monde arabe : la guerre du Liban, la guerre Irak-Iran et la guerre du Golfe. Contrairement, aux autres commissions régionales (Europe, Amérique latine, Afrique, Asie pacifique), elle n’a jamais pu accomplir pleinement son rôle. «Les pays arabes, notamment ceux du Golfe, n’ont pas éprouvé le sentiment d’appartenir réellement à cette Commission des Nations unies», a indiqué un observateur qui s’est basé notamment sur un ouvrage publié l’année dernière par la Commission et intitulé Les 25 ans de l’Escwa : les développements politiques, économiques, et sociaux. La séance d’hier a commencé par des interventions du Dr Béblaoui, de M. Riad Tabbara, l’un des coauteurs de l’ouvrage portant sur les 25 ans de l’Escwa, et de M. Mehdi Hafez, conseiller régional de l’Onudi (Organisation des Nations unies pour le développement industriel). Tous trois ont défini le cadre des discussions : le rôle que l’Escwa et ses pays membres sont appelés à jouer, dans les années à venir, pour produire ce «développement humain durable» qui est l’un des concepts-clés de l’organisation, et ce dans les domaines de la coordination de la politique régionale, de la coopération entre les pays membres, du système de développement à suivre, sans compter le rôle du pétrole, des ressources hydrauliques et de l’environnement, les défis de la mondialisation, du développement social, de la bonne gouvernance et des droits de l’homme, de l’action de la société civile, du règlement pacifique des conflits régionaux et de la répartition équitable des revenus nationaux. Proche-Orient et droits de l’homme Les intervenants, trop nombreux pour être tous nommés, n’ont pas été tendres à l’égard du monde arabe. C’est avec lucidité qu’ils ont procédé à l’autocritique de cette culture dans laquelle baigne la région. Avec un humour féroce, un intellectuel égyptien a comparé les systèmes politiques du monde arabe à ceux de l’Égypte des Pharaons. «Mais actuellement, c’est chaque petit chef dans la plus petite entreprise publique ou privée de la région qui se prend pour un pharaon», a-t-il dit. Pour cet autre intellectuel, il est indispensable, si l’on veut que ces discussions portent leurs fruits, de ne plus recourir, comme on le fait systématiquement dans le monde arabe, aux termes «Il faut» et «Il va falloir». Ce sont des actes concrets que le monde arabe a besoin et non de recommandations entamées inévitablement du groupe verbal «il faut». Certains ont mis en cause la culture arabo-musulmane, assimilée trop vite par l’ensemble des intervenants à «la culture arabe». Selon plusieurs intervenants, les maux du monde arabe ont leur source dans une défaillance propre à notre culture. «La démocratie, les droits de l’homme, la libération des femmes, le développement font-ils effectivement partie de nos traditions ?» s’est interrogé l’un d’eux, avant de souligner qu’«il est grand temps que les habitants de la région incluent ces notions dans leur culture». Évoquant la souveraineté limitée de nombreux pays arabes, certains ont affirmé qu’avant de devenir nationale, l’indépendance doit commencer par être personnelle. «Mais tous les hommes naissent-ils libres et égaux dans cette partie du monde ?» s’est-on demandé en cours de séance. En matière de violation des droits de l’homme et de poussée démographique, il semble que la zone Escwa se situe loin derrière le continent africain, ont fait valoir certains, qui n’ont pas vu là une remarque dérogatoire pour l’Afrique. Avant d’entamer un développement social et économique généralisé, ce sont les capacités humaines qu’il est donc nécessaire de construire, et cela en inculquant une nouvelle culture à chacun, ont avancé de nombreux intervenants. Cette culture se traduirait par une ouverture à l’autre et par une redéfinition de soi. «Sommes-nous des Arabes ou des musulmans qui font face à un Occident bénéficiant d’une technologie avancée et que certains milieux diabolisent à l’envi ?» «Nous blâmons pour nos malheurs actuels l’Empire ottoman, ainsi que les mandataires anglais et français, a encore fait valoir un intellectuel. Mais une fois acquise l’indépendance des pays arabes, les pouvoirs de la région ont-ils mieux agi que les colonisateurs ?» Indignation Beaucoup d’intervenants se sont indignés, en cours de séance, contre plusieurs phénomènes qui touchent le monde arabe, notamment la course aux armements, les divers systèmes éducatifs, le manque de culture, la marginalisation des associations civiles, la dilapidation des fonds publics, la fuite des cerveaux et la violation des droits de l’homme. Les réunions se poursuivront jusqu’à demain vendredi. Des recommandations seront adoptées. Seront-elles appliquées ? Le fait de donner la parole aux intellectuels pour définir une politique à suivre est déjà une première dans notre région. Reconnaître ses erreurs est aussi un pas en avant. Cependant, les changements effectifs pourraient prendre du temps.
Quarante-deux intellectuels venus de tous les pays arabes sont rassemblés depuis hier à l’Escwa (Commission économique et sociale pour l’Asie de l’Ouest) pour discuter de l’évolution de cette organisation et du rôle qu’elle pourrait jouer dans les prochaines années. Le «brainstorming», qui se poursuivra aujourd’hui, a donné lieu à une sévère autocritique du...