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Actualités - REPORTAGES

Armée Rouge - Masao Adachi épouse son ex-infirmière Oumayya Abboud De la prison de Roumié à la cage dorée, l'itinéraire d'un militant(photos)

Il n’y a qu’au Liban que se produisent de tels événements, la légèreté, la débrouillardise et l’humour rendant tout possible, même un mariage en prison, avec la bénédiction des autorités, (représentées par l’avocat général Rabiha Ammache Kaddoura), entre une infirmière libanaise Oumayya Abboud et un membre de l’Armée rouge japonaise, Masao Adachi, dont le sort n’a pas encore été décidé. Le militant d’extrême gauche, scénariste de son métier, n’aurait pas pu trouver un meilleur sujet pour un scénario à succès. La salle d’études, la plus vaste pièce de la prison de Roumié, transformée hâtivement en église, la cérémonie religieuse s’est déroulée le plus sérieusement du monde avec quarante prisonniers en guise de servants de la messe et de comité d’accueil et en présence d’une vingtaine d’invités, dont le député Najah Wakim dans le rôle de témoin du marié. Des prisonniers transformés en enfants de chœur, des agents de l’ordre émoustillés, des journalistes dissipés, un prêtre énervé, menaçant de vider la salle, et des invités anachroniques : avocats dont les épouses ont transformé la cérémonie en défilé de mode, proches de la mariée dissimulant mal leur émotion et compagnons de cellule du marié... Bref la prison de Roumié, généralement si sinistre, semblait hier prise de folie. Une ovation pour Wakim Officiellement, c’est le bâtiment des détenus condamnés, où Masao Adachi et ses trois compagnons finiront le 7 mars prochain de purger une peine de trois ans, qui sert de théâtre aux opérations, mais en réalité, toute la prison était mobilisée, les détenus se pressant derrière les barreaux pour regarder ce défilé incongru, traversant la cour qui leur sert de promenade quotidienne. Et, lorsque le député Najah Wakim arrive en compagnie de son épouse et de son fils, c’est une véritable ovation qui l’accueille. Prisonniers condamnés, ou attendant d’être jugés, mineurs délinquants, tous scandent d’une seule voix «Wa-kim, Wa-kim», poussant ce dernier à les saluer sans les voir et provoquant cette réflexion chez un spectateur : «Dommage que les détenus ne bénéficient pas du droit de vote !». Les quarante prisonniers sélectionnés pour organiser et assister à la cérémonie ont revêtu leurs habits de fête et prennent très au sérieux leur rôle. Ils ont aligné les chaises en plastique en rangs serrés, réservant les places de premier plan aux proches et officiels et reléguant les journalistes juste devant les détenus. Des détenus populaires Deux petites icônes de la Vierge, deux tableaux – l’un représentant une église, l’autre une mosquée – et une croix orthodoxe sont hâtivement accrochés sur les murs gris et humides, devant un autel de fortune. C’est surtout Arthur, un condamné à perpétuité, en tôle depuis 16 ans, qui joue le rôle de maître des cérémonies. Arthur est coiffeur de son état et c’est lui qui a fait la toilette du marié. «Il était ému comme un enfant, raconte-t-il. Je n’arrive pas à y croire, répétait-il en permanence». Les quatre membres de l’Armée rouge, Masao Adachi, Kozo Okamoto, Haro Wako et Kazuo Tohira sont très populaires chez les détenus, même s’ils ont un problème de langue. Il faut d’ailleurs voir ces repris de justice aux mines patibulaires, mal à l’aise dans leurs beaux habits, émus comme des adolescents à l’idée d’assister à ce mariage. Ils en sont tous convaincus, entre Adachi et Oumayya Abboud c’est une vraie histoire d’amour. Les criminels de Roumié seraient-ils fleur bleue ? «Je les voyais pendant les rares visites autorisées, précise un des prisonniers. Ils se dévoraient des yeux, à défaut de pouvoir se toucher». Une clameur monte soudain de la cour. Le marié arrive accompagné de ses compagnons de cellule, le célèbre Kozo Okamoto (unique survivant de l’opération de Lod en 1972), l’air un peu perdu, est solidement encadré par les deux autres. Masao Adachi serre dans ses bras sa fille Séi Harada, venue spécialement du Japon pour assister à la cérémonie. Adachi en a deux autres, mais c’est la cadette Séi dont il est visiblement le plus proche, elle avait d’ailleurs été arrêtée avec lui, le 15 février 1997, pour être relâchée quelques jours plus tard. Séi a apporté des friandises, mais ce sont surtout les corbeilles de fleurs et les bouquets qui impressionnent les arrivants. Les proches de la mariée, notamment sa tante, la mère de Soha Béchara, ainsi que les avocats Béchara Abou Saad et Hani Sleimane s’installent aux premières places et vers 14h10, la fiancée arrive, vêtue d’un tailleur pantalon blanc. Najah Wakim est aux côtés du marié pour l’accueillir et ce dernier se tourne vers les journalistes. «Je suis très, très heureux», lance-t-il. La cérémonie religieuse peut commencer, mais comme les journalistes font un boucan d’enfer, le prêtre Georges Maalouf menace de vider la salle. Malgré les circonstances exceptionnelles, il n’est pas question de raccourcir l’office religieux, qui se prolonge pendant une heure. Une grande absente : la cinquième membre de l’Armée rouge, Mariko Yamamoto, détenue à la prison des femmes à Baabda. Dès qu’on prononce son nom, les visages se troublent. «Elle est fatiguée. Il est difficile d’assurer son transport jusqu’ici...» Les excuses se multiplient, mais en réalité, Mariko, ayant eu une liaison avec Adachi, n’est pas satisfaite de ce mariage. La cérémonie terminée, la foule réclame un baiser qui arrache des sourires envieux aux prisonniers. La direction de la prison étant particulièrement clémente, les nouveaux mariés ont droit à un aparté dans le bureau du colonel Zoueiyed. Ensuite, Oumayya Adachi retrouvera le chemin de la liberté, laissant son mari dans sa cellule. Jusqu’au 7 mars, dernier jour de la peine des membres de l’Armée rouge, elle n’aura droit qu’à trois visites d’une demi-heure par semaine. Mais, pour que Masao ne broie pas du noir, ses compagnons lui ont préparé une soirée du tonnerre, certains d’entre eux ayant de belles voix de barytons, et des friandises ont été apportées par la mariée et le comité des amis de Kozo Okamoto. «C’est le mariage le moins cher du monde, lance l’un d’eux, le prêtre ayant refusé de recevoir de l’argent et la cocktail party n’ayant coûté que quelques centaines de dollars». Et maintenant ? Les partisans des membres de l’Armée rouge estiment qu’en autorisant ce mariage en prison, les autorités se dirigent vers l’octroi de l’asile politique aux 5 Japonais. «Maintenant, disent-ils, Masao Adachi a une famille au Liban, des attaches, voire des racines. Concernant les autres, Dar el-Fatwa a donné son autorisation pour qu’ils se convertissent à l’islam, ce qui devrait faciliter leur intégration au Liban. Il y a deux semaines, la formule était de les envoyer à Cuba. Mais apparemment, les autorités seraient prêtes à leur accorder l’asile politique. Ce qui est sûr, toutefois, c’est qu’ils connaîtront tous le même sort». Un happy end sur tous les plans attendrait-il donc les 5 Japonais ? Hier, en sortant de la prison de Roumié, Najah Wakim et ses compagnons y croyaient ferme. Il est vrai qu’ils ont tout fait pour rendre possible un tel épilogue.
Il n’y a qu’au Liban que se produisent de tels événements, la légèreté, la débrouillardise et l’humour rendant tout possible, même un mariage en prison, avec la bénédiction des autorités, (représentées par l’avocat général Rabiha Ammache Kaddoura), entre une infirmière libanaise Oumayya Abboud et un membre de l’Armée rouge japonaise, Masao Adachi, dont le sort...