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Actualités - REPORTAGES

Environnement - Messieurs les députés, de grâce, légiférez Un code d'écologie pour sauver ce qui reste du Liban(photos)

Adopté en Conseil des ministres en 1997, le code d’écologie comprend 102 articles sur la protection de l’environnement ainsi que la gestion des ressources naturelles et prévoit la création d’un conseil national. Ce projet, élaboré par des spécialistes et des juristes sous la houlette de l’ancien ministre Akram Chéhayeb, restera en 1998 dans les tiroirs des députés. En 1999, il est enfin soumis à la commission parlementaire de l’Agriculture, de l’Environnement et des Municipalités. Aujourd’hui, c’est la commission de l’Administration et de la Justice, présidée par M. Chaker Abou Sleiman, qui planche sur le projet. «Vivement approuvé» par la Banque mondiale, le code de l’environnement attend le feu vert des représentants du peuple. Le projet comporte des dispositions institutionnelles, administratives et techniques. Il se propose de réglementer presque tout ce qui peut avoir rapport à la qualité de vie : paysage, air, eaux, mer, sol et même odeurs. Un texte un peu trop utopique qui veut serrer la vis – ce qui est une bonne chose – aux vandales. Mais on se demande si l’État aura simplement les moyens d’appliquer ces dispositions. Si généreuses qu’elles ont l’air don quichotesque dans ce pays où les intérêts privés s’immiscent dans les affaires politique. Il reste qu’une fois la nécessité d’une législation admise, il est bon, pour le principe, que le texte soit exhaustif. Comme c’est le cas avec ce nouveau code. Le problème de l’environnement est crucial pour notre avenir, car il concerne la santé de la population et la conservation de nos ressources naturelles, très fragiles. Dans un premier chapitre, la loi définit le cadre juridique destiné à la mise en œuvre d’une politique nationale pour prévenir et réprimer toute forme de dégradation, de pollution et de nuisance. Le projet veille à l’application des conventions internationales et régionales afin de promouvoir un développement durable des ressources naturelles et d’assurer un cadre de vie écologiquement stable. Dans l’article 5, le législateur propose d’instaurer le principe de «pollueur-payant» et d’interdire formellement toute activité entraînant des effets préjudiciables irréversibles sur les ressources naturelles tels l’eau, l’air et les sols. Un plan directeur fera l’objet d’une révision tous les deux ans. Cette réécriture, qui tiendra compte des progrès en matière de recherche scientifique et de technologie, dressera un bilan des activités entreprises en faveur de l’environnement, mais aussi des atteintes qui lui sont portées et des risques qui ont été identifiés. Les mécanismes de contrôle Dans ce contexte, l’article 8 prévoit d’initier des études et des recherches en vue de déterminer les mesures à prendre pour lutter contre les nuisances. Un inventaire détaillé des établissements (économiques, industriels ou hospitaliers) susceptibles de présenter une menace réelle ou potentielle sur l’environnement sera dressé. Pour obtenir l’autorisation de fonctionner, ces entreprises devront remplir les conditions exigées par les législations et les règlements nouveaux. Elles devront aussi répondre aux normes et aux standards relatifs à la qualité de l’air, de l’eau et du sol… En conséquence, on va instaurer les mécanismes de contrôle (tests, prélèvements, analyses, etc.) pour déterminer les charges et les concentrations de pollution. À cette fin, le projet favorise la recherche scientifique ou technologique, ainsi que les échanges avec les organismes publics ou privés étrangers. Par ailleurs, le code d’écologie définit les modalités de protection des différentes catégories de la faune et de la flore. Il inclut la création de zones écologiques à statut dérogatoire du droit commun. Des programmes d’enseignement (même technique), relatifs à la protection de l’environnement et à la préservation du patrimoine historique et culturel seront introduits dans les établissements scolaires et universitaires. Parallèlement, des campagnes d’information et de sensibilisation du public seront menées en collaboration avec les médias. Pour se préserver de bien de malheurs, tout projet, qu’il soit privé ou public, sera soumis à une étude d’impact. Avant d’entreprendre les grands travaux (exploitation de carrière, construction, production, etc.), les promoteurs devront évaluer les risques ou les répercussions sur l’environnement et l’homme. Un plan d’atténuation et une analyse du coût des mesures envisagées pour enrayer les dégâts seront également exigés. L’étude d’impact sera financée par l’auteur du projet qui fera appel à des experts agréés. Elle sera ensuite soumise pour examen aux autorités compétentes. Ces conditions devraient permettre, par exemple, le reboisement de certaines régions défigurées par les carrières de pierres. Rappelons que leur exploitation à coups de charges explosives et d’engins mécaniques, monstres frappant et creusant les entrailles des montagnes, ont détruit la beauté de nos sites, menacé la santé de la population, mis en danger le patrimoine, dévié les cours d’eau, rasé la végétation et détérioré le microclimat. Qualité de l’air Un chapitre est réservé à la protection de l’atmosphère et à la lutte contre les odeurs incommodantes. Toute personne, tout immeuble, tout établissement industriel, commercial, touristique ou artisanal, ou encore tout véhicule, responsable d’émission de substances polluantes, fera l’objet d’une mise en demeure par l’autorité locale compétente. Celle-ci en informera le ministère de l’Environnement qui pourra ordonner la fermeture de l’établissement, ou encore faire exécuter les mesures nécessaires (réparation des dégâts) aux frais de l’institution responsable. Dans un autre chapitre, il est clairement souligné que ces installations doivent avoir les moyens d’autosurveillance ou d’audit environnemental pour mesurer régulièrement l’émission des substances polluantes de leur activité. D’année en année, la plage se rétrécit comme une peau de chagrin. La côte s’offrant de plus en plus à l’architecture effrénée ne consent plus que de petites fenêtres sur la grande bleue. Pire encore, on extrait le sable, on remblaie la mer, et à coups de pelles et de dollars, on anéantit un milieu important pour la production des micro-organismes. «Il existe un équilibre ayant mis des milliers d’années à se mettre en place entre la côte et le plateau continental. Si cet équilibre vient à être rompu par les travaux de l’homme nous risquons de voir nos écosystèmes menacés», disent les spécialistes. Ils ajoutent : «La moindre erreur peut avoir des conséquences dramatiques sur l’homme et l’environnement». Il faut rappeler que les lois libanaises considèrent la plage domaine public. Selon une règle générale établie au moment du cadastre, l’État possède jusqu’à 60 mètres à l’intérieur des terres. En application d’une loi entérinée il y a quelques années par la commission parlementaire de l’Administration et de la Justice, la plage et la mer ne peuvent pas faire l’objet d’une appropriation privée et ne doivent être exploitées qu’au titre de l’intérêt général. Aujourd’hui, le code d’écologie souligne que «l’occupation du domaine public maritime n’est pas autorisée si elle entrave le libre accès aux domaines maritime et fluvial, et la circulation sur les côtes ou les grèves». Par ailleurs, toute opération de déversement, d’immersion ou d’incinération dans les eaux maritimes est interdite. La liste des matières portant atteinte au milieu marin sera approuvée par un décret ministériel. Des mesures seront également prises pour prévenir toute pollution d’origine tellurique ou provenant des navires. L’eau L’eau est une denrée vitale. Une matière première rare, convoitée, objet de pression, source possible de conflits économiques et de guerres. Au Liban, les ressources en eau se tarissent, alors que les besoins augmentent. Pire, des études ont montré la présence certaine, à teneur élevée, dans l’eau et les aliments de base, de résidus de métaux lourds, de pesticides, de colorants et autres produits toxiques. Aussi le code met-il l’accent sur la réglementation relative à la restauration de la qualité des eaux superficielles et souterraines. Sont fixées les modalités de déversements, d’écoulements, de dépôts de matières polluantes susceptibles de provoquer ou d’accroître la dégradation des eaux en modifiant leurs caractéristiques physiques, chimiques, biologiques et bactériologiques. Autour des points d’eau à exploiter seront établis des périmètres de protection, à l’intérieur desquels est prohibée toute activité polluante. Halte aussi à l’emploi inconsidéré des pesticides qui, utilisés pour éliminer les parasites s’attaquant aux récoltes ou aux végétaux, polluent l’atmosphère par volatilisation et migrent à travers le sol pour contaminer les sources et les nappes phréatiques. Les médecins ont maintes fois dénoncé leurs effets nocifs sur le système respiratoire. Une étude épidémiologique menée en 1997 a montré que la population de la Békaa présente autant de symptômes d’intoxication aux pesticides que les utilisateurs professionnels. Dorénavant, les engrais chimiques, les pesticides et les herbicides seront soumis à des modalités d’utilisation fixées par décret ministériel. Toute violation des dispositions applicables à ces substances toxiques et dangereuses entraînera la saisie du produit. Au programme également, l’interdiction de toute activité entraînant la désertification et la perte de terrains arables. Le patrimoine est la marque même de notre identité. Protéger les sites archéologiques, préserver la configuration naturelle de notre paysage, sauver ce qui reste des anciennes bâtisses (parce qu’un pays cela s’épanouit en phase, à travers l’évolution de l’architecture), devrait être un reflexe d’autoconservation. Le texte de loi souligne que «la protection du patrimoine fait partie intégrante de la politique de l’environnement». Aussi aucun permis de construire ne devrait être octroyé sans l’approbation du ministère de l’Environnement et des ministères concernés, et ce pour tout projet de construction envisagé dans les environs d’un site historique, qu’il soit ou non classé. Les conditions et les procédures d’approbation des plans feront l’objet d’«un décret pris en Conseil des ministres sur proposition conjointe du ministre de l’Environnement et des ministres concernés». Conformément aux dispositions de la loi 64/88 du 12 août 1988, tout détenteur de déchets industriels doit entreprendre, à ses frais, la collecte, le transport, le recyclage et le traitement final. Au programme également, le triage, le stockage, le levurage, le pressurage, et l’ élimination de certaines substances polluantes. Leur commercialisation, leur emballage et leur étiquetage seront soumis à des conditions bien déterminées. Le transport en transit, ou le stockage des déchets toxiques et des substances dangereuses seront interdits. Leur importation sera sujette à une autorisation préalable, dans des conditions déterminées par un décret d’application pris en Conseil des ministres. Tout enfouissement de déchets donnera lieu à un désenfouissement qui sera entrepris aux frais du pollueur. Celui-ci financera également l’opération d’assainissement du site contaminé. Nuisances sonores et bruits En vue de permettre un contrôle intégré, les normes et les standards nationaux des seuils sonores autorisés ainsi que les modalités de contrôle de leur application seront fixés par décret ministériel. Il s’agit plus particulièrement des décibels émis par les installations, les véhicules ou tout autre bien meuble. Pour qu’un bruit entre dans le cadre de ce chapitre, il faut qu’il provoque une gêne execessive ou qu’il porte atteinte à la santé et à l’environnement. Ces notions seront assez floues dans leur application… puisque l’appréciation de la «gêne execessive» reste à définir. Un chapitre est également consacré à la conservation de la diversité biologique. Un inventaire des espèces animales et végétales, plus particulièrement celles en danger d’extinction, sera établi. La réglementation de l’usage des produits chimiques ou des explosifs pour la chasse, la pêche et l’exploitation des carrières sera définie. On prévoit aussi : - L’établissement des plans de protection des habitats naturels et de développement des espèces animales et végétales; - La création de parcs nationaux et de réserves naturelles; - La protection des sites naturels; - La transformation des terrains non-aedificandi du domaine public ou privé en zone écologiquement protégéé, bénéficiant d’un plan de gestion et de protection appropriée; - La mise en place d’un système de contrôle d’accès aux ressources biologiques et bio-génétiques, et de leur utilisation conformément aux conventions et aux accords internationaux ratifiés par le Liban; - La réglementation des activités de recherche, de manipulation génétique et du commerce des espèces animales et végétales et des produits qui en sont dérivés. Pollueur-payeur Les mesures destinées à protéger l’environnement seront financées par les budgets de l’État et par la création d’un fonds national alimenté par des dons étatiques ou autres, des recettes provenant des taxes fiscales et parafiscales, des contributions des bailleurs de fonds internationaux ou du secteur privé, du produit des amendes infligées aux pollueurs. En effet, en vertu des articles 83, 84, 85 et 86, l’auteur d’une infraction sera passible de différentes peines prévues par les lois en vigueur. À titre d’exemple, il sera obligé de prendre à ses frais la réhabilitation du site pollué ou endommagé. De même, il devra supporter le coût des mesures prises par les autorités compétentes. Le chapitre des sanctions pénales fait état d’une amende variant entre deux millions et 20 millions de LL. Et d’un emprisonnement allant d’un mois à un an. Ainsi, sera passible de sanctions l’établissement qui n’établit pas une étude d’impact ou qui ne se conforme pas aux dispositions relatives à cette étude, ou encore qui entrave le droit de l’Administration publique d’effectuer ses inspections. En cas de récidive, les sanctions prévues sont doublées. Par ailleurs, tout exploitant d’une installation ou tout utilisateur de substances chimiques, toxiques ou dangereuses doit souscrire une assurance contre tout risque d’atteinte à l’environnement. Concernant les déchets toxiques, le montant des amendes prévues dans la loi 64/88 du 12 août 1988 est multiplié par 200. Toute personne qui viole cette loi est passible d’une amende variant entre 200 000 et 5 millions de LL. Ce pays est si petit qu’il est possible de le détruire à une vitesse déconcertante. Tenter de le préserver, en vert et contre tous, serait-il une gageure impossible à tenir ?
Adopté en Conseil des ministres en 1997, le code d’écologie comprend 102 articles sur la protection de l’environnement ainsi que la gestion des ressources naturelles et prévoit la création d’un conseil national. Ce projet, élaboré par des spécialistes et des juristes sous la houlette de l’ancien ministre Akram Chéhayeb, restera en 1998 dans les tiroirs des députés. En...