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Actualités - ANALYSE

Menaces et contre-menaces pour préparer la paix

Sur le plan militaire, et toute proportion gardée, les pleins pouvoirs accordés à Ehud Barak pour frapper les objectifs civils au Liban peuvent être comparés à la bombe atomique. Ils sont faits pour qu’on ne s’en serve pas. C’est ce qu’estime un observateur occidental à Beyrouth, qui ajoute que leur pouvoir dissuasif est supérieur à leur pouvoir offensif. Et d’enchaîner en comparant les effets aux katiouchas du Hezbollah. Pour précipiter les Israéliens dans les abris, il n’a pas été nécessaire de les tirer, la seule menace d’une salve a suffi. Cela dit, et indépendamment de pareilles considérations, le chef de l’État continue de croire à une paix prochaine et à un retour aux «arrangements d’avril». Ces arrangements sont l’antichambre de la paix, ou encore une «phase de transition entre la guerre et la négociation», comme le dit le président du Conseil, et les États-Unis affirment vouloir y revenir. Certes, admettent les analystes, tout comme les pertes infligées aux soldats israéliens au Sud ont retourné l’opinion israélienne contre leur présence au Liban, les coups portés à l’infrastructure ont pour objectif de retourner l’opinion libanaise contre la Résistance. Mais ils ajoutent que, mûris par les années de guerre, les Libanais ont appris à rester solidaires dans l’épreuve, et jusque dans l’erreur s’il le faut, tant ils ont pris conscience que leur désaccord signe leur fin. Si tant est que les bombardements israéliens étaient, comme l’a affirmé cyniquement Madeleine Albright, «un message fort», il est certain que ce n’est pas au niveau de l’opinion qu’il trouvera un quelconque écho, du moins manifeste, comme le prouvent bien les manifestations de ces derniers jours, ajoute l’analyste. Face à cet extraordinaire jeu de pouvoir, et au nouvel équilibre de la terreur instauré au Liban, les observateurs estiment que l’Administration américaine et les divers protagonistes doivent faire vite, s’ils ne veulent pas rater le train de la paix. Selon ces observateurs, l’Administration américaine dispose d’au maximum trois mois pour parvenir à un règlement. Passé ce délai, l’enchaînement des échéances, dont l’engagement d’Ehud Barak à un retrait en juillet, même sans accord, ainsi que les présidentielles américaines, provoquera un bouleversement des données et renverra à une date indéterminée une reprise des pourparlers. C’est à se demander si le président Clinton est capable de réaliser cette paix qu’il désire, aussi bien pour des raisons politiques que pour sa gloire personnelle, et si Barak dispose de la profondeur politique nécessaire, et de la marge de manœuvre indispensable, pour prendre les «décisions difficiles» inévitables qui l’attendent. La partie que jouent en ce moment Barak et Clinton n’est pas facile. Un éclatement du gouvernement de coalition de Barak, que les États-Unis ont attendu comme on attend l’aurore, quatre années Likoud durant, serait une catastrophe pour la politique américaine. C’est sans doute pour lui permettre de faire face à son opinion que les États-Unis ont donné le feu vert à la frappe du 8 février, sans pour autant rompre les ponts de la paix jetés en direction de Damas. Seul un Barak fort peut signer la «paix des braves» avec la Syrie poursuit la source précitée. Pour braver les durs de sa coalition gouvernementale et restituer la totalité du Golan, il est indispensable que Barak le fasse la tête haute, ce qui serait impensable si l’armée israélienne sort humiliée du Liban. C’est la principale raison pour laquelle le président Clinton n’exerce aucune pression sur Barak. Le conditionnement de l’opinion à la paix prend du temps. Les déclarations de Barak prouvent qu’il est aussi conscient que l’était Rabin de la nécessité d’une paix avec la Syrie. Mais il doit tenir compte des durs de sa coalition, qui ont menacé de démissionner si le Golan est restitué dans sa totalité, et des manifestations hostiles à un retrait du Golan. Les sources diplomatiques n’écartent pas l’hypothèse que c’est uniquement pour des raisons tactiques qu’Ehud Barak a refusé de s’engager à Sheperdstown. Entre-temps, la plus élémentaire sagesse politique commande de supposer que les négociations secrètes se poursuivent (ou ont repris), au sujet du tracé des frontières du 4 juin 67, auquel les Israéliens doivent se replier pour que Damas accepte de négocier. Pour leur part, les États-Unis multiplient les promesses financières et militaires, dont un pacte de défense et des satellites-espions, sans parler des milliards de dollars pour le démantèlement des colonies du Golan et le retrait du Liban. Toutefois, ces promesses se heurtent à la position qu’adoptera le Congrès US, à la veille des élections. L’approbation du Congrès, à majorité républicaine, jouera en effet en faveur des démocrates. La paix au Moyen-Orient est aujourd’hui à deux adhésions de distance : celle de la majorité israélienne et celle du Congrès US. Cette conjonction d’intérêts est-elle donc inscrite dans les astres ?
Sur le plan militaire, et toute proportion gardée, les pleins pouvoirs accordés à Ehud Barak pour frapper les objectifs civils au Liban peuvent être comparés à la bombe atomique. Ils sont faits pour qu’on ne s’en serve pas. C’est ce qu’estime un observateur occidental à Beyrouth, qui ajoute que leur pouvoir dissuasif est supérieur à leur pouvoir offensif. Et...