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Actualités - DISCOURS

21 députés ont (longuement) pris la parole hier Loyalistes et opposants dans une même mêlée

Au troisième jour du débat parlementaire, les députés multiplient les signes d’essoufflement, se faisant de plus en plus rares dans un hémicycle qui comptait à peine une trentaine de parlementaires dans la journée. Ceux qui décident de rester, prêtent une oreille distraite à leurs collègues-orateurs. Loin de se décourager, ces derniers se lancent dans d’interminables et parfois fastidieux exposés, constituant un pot-pourri de divers sujets : les problèmes du secteur de l’éducation, la situation au Liban-Sud, les dangers du confessionnalisme, les défis de la paix. Si l’intervention de M. Nicolas Ghosn se distingue des autres, c’est surtout parce qu’elle est–fait extrêmement rare–concise. Au total, 21 députés ont pris la parole hier. Tous mettent l’accent sur la détérioration économique et sur l’exacerbation des difficultés socio-économiques de la population, reprenant pour la plupart les points exhaustivement développés mardi et mercredi par leurs collègues. La plupart s’accordent aussi à juger que le gouvernement devrait revoir sa politique et accorder davantage d’attention au dossier social, dans la mesure où aucune amélioration n’a été constatée à ce niveau depuis que l’équipe de M. Hoss a commencé à appliquer son programme de redressement. M. Jihad Samad (Denniyé) insiste comme les deux autres députés de la région, Ahmed Fatfat et Saleh Kheir, sur la nécessité pour l’État de s’attaquer au problème de sous-développement à Denniyé, où certains villages restent sans réseau routier et hydraulique, pour contrer les mouvements insurrectionnels. Le problème de sous-développement des zones rurales revient comme un leitmotiv dans les interventions des députés Nicolas Ghosn, Mohamed Ali el-Mays, Abdel Rahman Abdel Rahman, Mahmoud Awad, Bahiya Hariri, Misbah Ahdab. M. Marwan Farès, qui s’exprime apparemment au non du bloc des députés du PSNS, se lance dans un long discours politico-idéologique sur les dangers du sionisme et du confessionnalisme «qui pave la voie à de nouvelles guerres» alors que M. Assem Kanso plaide vigoureusement en faveur de l’établissement d’un État providence avant de formuler une série de remarques sur la politique fiscale, financière et économique du gouvernement. Le député s’exprime contre l’instauration de la TVA estimant qu’elle accablera les couches les plus défavorisées de la population. Il appelle en outre l’équipe de M. Hoss à revoir sa politique agricole expliquant que les difficultés du secteur de l’agriculture sont principalement dues au coût élevé de la production qui freine le pouvoir concurrentiel de ce secteur. Mme Hariri, qui prononce un discours de politique générale, ne commente les orientations économiques et financières que pour mettre en garde contre une austérité qui touche des secteurs vitaux et pour accuser le gouvernement d’exacerber le marasme économique. «Le Cabinet a torpillé la stabilité économique en raison de la politique vindicative qu’il applique», dit-elle en affirmant constater une «confusion au niveau des chiffres du budget». Pour elle, cette même «confusion» caractérise l’action du gouvernement et constitue «la principale cause du vide politique et diplomatique». L’équipe de M. Hoss, poursuit, elle, «est devenue prisonnière d’une situation qu’elle a elle-même provoquée et qui se traduit par des plaintes quotidiennes et par une sombre vision de l’avenir». Mme Hariri s’insurge aussi contre l’information officielle «dont les pratiques provoqueront immanquablement une paralysie de la vie démocratique et hypothèqueront la liberté d’expression». Riposte cinglante de Zaher Khatib C’est M. Zaher Khatib qui ripostera à ces critiques. En fait, le député de l’Iqlim el-Kharroub tire à boulets rouges sur l’ensemble des pôles de l’opposition qui se sont acharnés contre le gouvernement au cours des trois derniers jours. Il s’attaque particulièrement à M. Rafic Hariri ainsi qu’à son ancien ministre de l’Information, M. Bassem Sabeh, mais sans nommer ce dernier, accusant l’ancienne équipe ministérielle d’être la cause de tous les maux dont le Liban souffre aujourd’hui. Les 9 ministres présents ont tous les yeux rivés sur lui. Le député accuse M. Hariri d’avoir «causé par sa politique le cancer qui ronge le corps libanais». «Il n’est pas étonnant dès lors que nous souffrions aujourd’hui de nombreux maux». Selon lui, le conflit politique autour du budget reflète en fait «un conflit entre deux théories économiques défendues l’une par l’ancien ministre Fouad Siniora – contre qui des poursuites judiciaires sont engagées pour dilapidation de fonds publics – et l’autre par M. Corm». Tout en considérant que les attaques contre le ministre «ne doivent pas dès lors étonner», M. Khatib prend à partie, avec une violence inouïe, M. Sabeh, toujours sans le nommer, fustigeant sa «démagogie». «Il n’y a rien de plus facile qu’un discours politique qui se fonde sur une série de questions et de lamentations. “Ils” ont désigné le gouvernement comme étant le Cabinet», des sans-le-sou «oubliant que si le pays est aujourd’hui ruiné, c’est à cause d’eux». “Ils” se montrent aujourd’hui particulièrement loquaces alors qu’“ils” nous brimaient parce que nous osions revendiquer une vie digne et réclamer le respect des libertés», fulmine-t-il. Prenant le contre-pied du raisonnement de M. Khatib, M. Nadim Salem trouve que l’équipe de M. Sélim Hoss «n’a pas réussi à concrétiser les principes contenus dans le discours d’investiture du président de la République» et déplore qu’elle n’ait toujours pas réussi à trouver une solution à la crise économique. Il dénonce le «clientélisme» qui caractérise, selon lui, les nominations administratives et met en doute les prévisions budgétaires du ministre des Finances. M. Salem s’attarde sur les problèmes de sécurité qui ont secoué dernièrement le pays, et critique sévèrement dans ce cadre, le ministre de l’Intérieur, M. Michel Murr. «Il n’a convoqué le Conseil central de sécurité que 20 jours après les incidents de Denniyé, annonçant au terme de la réunion que la sécurité est maintenue et que nul ne pourra l’ébranler. Pense-t-il réellement que les Libanais l’ont cru ? Les Libanais n’ont pas oublié qu’il avait annoncé que l’enquête sur l’assassinat des quatre juges à Saïda s’achèvera rapidement. Ils n’ont pas non plus oublié qu’un mandat d’arrêt avait été délivré à l’encontre du chef de “la révolte des affamés” qui demeure libre». Le député de Jezzine reproche en outre à l’information officielle d’«ignorer les hommes politiques opposants» et rappelle ses réserves au sujet de la loi électorale tout en appelant les Libanais à se rendre massivement aux urnes. M. Misbah el-Ahdab ne manque pas de relever l’absence de députés au débat avant de formuler une série de critiques à l’égard du gouvernement. Selon lui, le déficit «ne se limite pas seulement au budget de l’État mais s’étend également à la politique du gouvernement qui s’est montré incapable de réaliser la réforme administrative, d’élaborer une loi électorale (acceptable) et de résoudre les problèmes qui se sont posés sur le plan de la sécurité». Auparavant, il avait attribué aux «pratiques anarchiques et déséquilibrées de certains ministres, et notamment les philosophes parmi eux», la responsabilité du marasme économique et des difficultés sociales. Le flot de critiques se poursuit. M. Pierre Daccache, qui soulève une série de problèmes d’infrastructure, constate que «le gouvernement a perdu une grande part de son crédit politique», parce qu’il n’a pu réaliser certaines des promesses qu’il avait formulées, notamment, en ce qui concerne la réforme administrative tout en rendant hommage au «courage et à la noblesse des positions de M. Hoss», M. Daccache considère que le Liban ne pourra pas espérer un règlement de la crise dans laquelle il se débat, «en l’absence d’une politique définissant sans équivoque la vocation économique du pays». Même s’il prend ses distances par rapport aux deux courants loyaliste et opposant – «doit-on adopter le langage inutile du loyalisme ou le langage stérile de l’opposition» – M. Estéphan Doueihy n’en est pas moins critique à l’égard du gouvernement, faisant valoir que les résultats de son action se font toujours attendre au niveau économique. Plus virulents, M. Akram Chehayeb et cheikh Ibrahim el-Amine el-Sayyed tiennent chacun un discours politique, s’inscrivant dans le prolongement des diatribes contre M. Hoss. L’équipe de M. Hoss «est tellement occupée à critiquer les gouvernements précédents et à s’opposer à l’opposition qu’elle semble oublier qu’elle est au pouvoir», déclare M. Chehayeb. Le ton est ainsi donné. Il s’en prend à M. Corm, lui reprochant de «ne pas reconnaître les problèmes qui se posent dans le pays», et constate que la confusion constitue sa principale caractéristique. Le député du Hezbollah est presque aussi sévère mais beaucoup plus nuancé. Avant de commenter la politique du gouvernement, il déplore le discours politique dans le pays et les échanges de critiques. «Les interventions des députés poussent la population au désespoir. Entre un Parlement qui suscite le désespoir et un gouvernement paralysé, vers qui la population peut-elle se retourner» ? L’argumentation développée par la suite par le député du Hezbollah s’articule autour de l’idée suivante : «Les orientations du pouvoir sont bonnes mais c’est le mécanisme qu’il applique pour atteindre ses objectifs qui est mauvais». Le député du Hezbollah plaide en faveur de l’abolition du confessionnalisme politique, estimant que «si les Libanais ont parfois l’impression que l’État n’existe pas, c’est parce que cet État est édifié sur une base politique confessionnelle». L’intervention de M. Camille Ziadé est plus technique. Le député du Kesrouan déplore que le projet de budget ne propose pas de solutions à la crise dans le pays, mais relève «des chiffres positifs au niveau des finances publiques et de la stabilité monétaire». Il se félicite de ce que la loi de Finances ne prévoit pas un nouveau train de taxes, et juge, contrairement à M. Kanso, qu’elle table sur les taxes directes beaucoup plus que sur les taxes indirectes. M. Ziadé conteste l’absence de mesures fiscales qui peuvent inciter les entreprises à créer de nouvelles opportunités de travail et d’autres qui puissent contribuer à atténuer la crise socio-économique. Il insiste sur la nécessité de favoriser l’instauration d’un «régime économique productif» et propose une série de mesures dont l’application est, selon lui, susceptible de stimuler l’économie nationale. Sur le plan politique, M. Ziadé considère que l’établissement d’un environnement politique sain commande «une démocratie authentique que seule peut garantir une loi électorale moderne et juste permettant à la population de choisir ses représentants à travers des élections libres et régulières». Il met l’accent aussi sur le fait que l’autorité exécutive doit être assumée par un «gouvernement fort, capable et représentatif et non pas par un Cabinet dont les initiatives et les réalisations laissent à désirer, pour être en mesure de faire face aux défis qui se poseront et de prendre les mesures adéquates», à la veille d’un éventuel règlement régional. M. Moustapha Saad s’en prend vivement à l’ancien chef du gouvernement, M. Rafic Hariri, l’accusant, sans le nommer, de verser des salaires à certains fonctionnaires de l’État. Il critique ensuite ceux qui reprochent au gouvernement de n’avoir pas réussi à resorber la crise économique, soulignant qu’il faudrait au moins trois ans à l’État pour venir à bout de tous les problèmes financiers et économiques qui se posent dans le pays. Prenant à son tour la parole, M. Jamil Chammas ne ménage ni l’opposition, ni le gouvernement. Il reproche à M. Corm de s’être «contenté de critiquer le gouvernement précédent au lieu d’exposer ses réalisations» et à l’opposition d’avoir critiqué le Cabinet «sans évoquer ses erreurs passées». Il provoque l’hilarité de ses collègues en comparant les pôles de l’opposition au héros d’un feuilleton américain (GR dans Dallas). La salle explose de nouveau de rire lorsqu’il confond, dans une citation, «Noé» et «Lot», deux personnages bibliques. Le chef du gouvernement, qu’on n’avait même pas vu sourire au cours des trois derniers jours, rit à gorge déployée. Nayla Moawad : Polémique stérile Après M. Mohamed Kabbara qui juge que le projet de budget est «moins qu’ordinaire», c’est Mme Nayla Moawad qui prend la parole. Elle regrette la «polémique stérile entre un gouvernement qui axe son discours sur l’ampleur des problèmes légués par l’ancien Cabinet et une opposition qui accuse l’équipe de M. Hoss d’exacerber la crise économique». Après avoir exposé les facteurs qui ont débouché sur une détérioration de la vie économique et sociale, Mme Moawad estime que si le problème s’est dernièrement exacerbé, «c’est parce que le gouvernement actuel suit la même politique financière appliquée par les gouvernements précédents». «Nous croyons toujours que les solutions résident dans une amélioration de la perception des impôts, dans de nouvelles impositions et dans une réduction des dépenses d’investissements», note-t-elle, estimant que le gouvernement vit dans «la hantise du déficit budgétaire». Mme Moawad reproche aussi au Cabinet de comprimer les prestations sociales, prétextant la politique d’austérité qu’il suit. Elle insiste particulièrement sur les secteurs de l’hospitalisation et de l’éducation, notamment au niveau primaire. Pour elle, la solution à la crise économique réside dans «la quête d’une base économique qui favoriserait la croissance, la concurrence en même temps que la vocation économique du Liban à l’avenir». Elle insiste sur le coût élevé de la production, des communications et de l’accès à l’information, «qui freinent la croissance économique et qui empêchent le Liban d’être compétitif». Mme Moawad souligne aussi à quel point la vétusté de l’administration affecte les investissements au Liban. «J’aurai souhaité, président, que vous présentiez une demande pour un permis d’ouverture d’un établissement commercial ou industriel afin que vous vous rendiez compte du temps que les formalités prennent», s’exclame-t-elle. Dernier à prendre la parole, M. Hussein Husseini s’étend longuement sur l’absence «chronique» d’un plan de développement équilibré des régions. Il insiste, comme M. Saad, sur le fait que la période d’un an et quatre mois n’est pas suffisante pour juger le gouvernement sur ses réalisations. M. Husseini prend vigoureusement la défense du gouvernement, tout en exprimant des réserves sur la loi portant création du Conseil économique et social, dont le texte a, selon lui, favorisé les tiraillements politiques et confessionnels qui ont marqué l’élection du CES. Après avoir préconisé une révision de cette loi, M. Hussein appelle à un dialogue islamo-chrétien qui déboucherait sur l’abolition du confessionnalisme politique. Il considère par ailleurs que les dépenses prévues pour financer le processus du retour des déplacés «accablent le budget» mais insiste sur le fait qu’elles «sont indispensables dans la mesure où le retour des déplacés est étroitement lié à la coexistence». Selon lui, le Liban a commis une erreur lorsqu’il n’a pas profité de l’aide que le Vatican et la France étaient prêts à lui fournir pour l’assister dans ses démarches visant à clore le dossier des déplacés. «Surtout que le coût de ce projet s’est avéré nettement supérieur aux capacités financières de l’État», ajoute-t-il.
Au troisième jour du débat parlementaire, les députés multiplient les signes d’essoufflement, se faisant de plus en plus rares dans un hémicycle qui comptait à peine une trentaine de parlementaires dans la journée. Ceux qui décident de rester, prêtent une oreille distraite à leurs collègues-orateurs. Loin de se décourager, ces derniers se lancent dans d’interminables et...