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Actualités - REPORTAGES

Enquête - 8000 réfugiés rêvent encore du Liban, terre d'asile Entre les contraintes politiques et le droit humanitaire, des vies en suspens

Ils sont huit mille officiellement répertoriés, quatre mille ont obtenu le statut de réfugiés par le HCR (Haut comité des réfugiés relevant de l’Onu) et quatre mille autres attendent encore la réponse aux demandes présentées. En principe, ils vivent au Liban en transit, le temps de trouver une terre d’accueil plus hospitalière pour redémarrer une nouvelle vie, mais, comme c’est souvent le cas, le provisoire s’éternise et leurs conditions de vie, loin de s’améliorer, se dégradent, le Liban serrant de plus en plus les vis, afin d’éviter que d’autres, essentiellement les Palestiniens, ne soient tentés de s’installer sur son territoire. Oasis de liberté dans un environnement rigide voire dictatorial, le Liban a longtemps été le refuge de ceux qui, dans la région, fuyaient leurs pays pour des raisons politiques ou religieuses. Sans être officiellement accordé, le droit d’asile y était reconnu tacitement, la loi libanaise interdisant le rapatriement de toute personne susceptible d’être poursuivie pour ses idées dans son propre pays. Ainsi, les fauteurs de troubles et autres victimes des renversements de régimes dans la région ont fait les beaux jours de Beyrouth, capitale de tous les recherchés et de ceux qui rêvaient d’un retour en grâce dans leurs patries. La guerre interne aidant, les frontières sont littéralement devenues des passoires et le nombre de réfugiés n’a cessé d’augmenter, alors que marquée par toutes les épreuves subies, la population libanaise est devenue de moins en moins hospitalière. Aujourd’hui, le Liban a décidé de se reprendre en main et de mettre un peu d’ordre sur son territoire, pour se préparer à la grande bataille du sort définitif des réfugiés palestiniens... Mais ce sont les autres réfugiés qui en paient le prix. Une seule organisation s’occupe encore d’eux et cherche à rappeler que, contraints pour diverses raisons à quitter leur patrie, ils n’en demeurent pas moins des êtres humains qui méritent la compassion, voire la solidarité. Le Conseil des Églises du Moyen-Orient (Cemo), en collaboration avec le HCR, est la seule institution à se pencher sur leur sort, pour améliorer leurs conditions de survie et les aider à trouver une terre pour se réinstaller. Le Cemo, une aide humanitaire «Nous les aidons sur un plan purement humanitaire, quels que soient leurs pays d’origine ou leurs confessions», explique Mme Aline Papazian, responsable du projet des réfugiés au Cemo. Mais pour bénéficier de l’aide du Cemo, ils doivent obtenir le statut de réfugié octroyé par le HCR. Les conditions pour cela sont assez strictes et ce statut a été défini par la Convention de Genève de 1961. Cette convention, le Liban ne l’a pourtant pas signée, toujours par crainte que cela n’entraîne pour lui des responsabilités dans l’accueil définitif des Palestiniens. Mais, pour l’instant, la non-signature signifie que la situation des 4 000 réfugiés reconnus par le HCR est précaire, puisque les autorités libanaises ne reconnaissent pas officiellement ce statut. Les 4 000 personnes, venues essentiellement d’Irak (d’abord des assyriens et des chaldéens, mais maintenant des chiites surtout), mais aussi du Soudan, de la Somalie et d’Afghanistan vivent donc dans des circonstances dramatiques, dans l’indifférence presque générale. Mais le pire est encore que, depuis l’amélioration des relations entre le Liban et l’Irak, certains réfugiés originaires de ce pays ont été récemment rapatriés, le Liban se lavant les mains de leur sort définitif... Dans ce quartier perdu entre Choueifate et Hay Sellom, on ne les appelle que «les étrangers». Eux, ce sont quelques familles soudanaises qui louent un immeuble entier pour cacher leur misère matérielle et spirituelle. Certaines sont arrivées il y a plus de dix ans, d’autres au cours de la dernière décennie, mais toutes ont perdu leurs illusions sur un avenir meilleur. Les Soudanais qui viennent au Liban sont en général des chrétiens originaires du Sud. La guerre qui s’est installée dans cette région les a poussés à fuir vers le Nord. Mais le régime militaire du général Omar Béchir qui, selon eux, sert d’écran aux intégristes dirigés par Hassan Turabi, a tôt fait de les chasser de cette région aussi, en imposant la charia islamique à tous les citoyens. Au Soudan, les filières traditionnelles leur parlent du Liban comme d’un véritable paradis de liberté et d’opportunités. Non seulement on peut y exercer son culte sans contraintes, mais de plus, on peut travailler et même poursuivre des études. Ils s’en vont donc riches d’espoirs et effectuent leur première escale en Égypte. Là, on leur promet un visa pour le Liban qui arrive rarement et, au bout de quelques mois, ils entrent en Syrie qui dispense les citoyens des pays arabes de visas d’entrée, avant de passer la frontière syro-libanaise sans autorisation et vont rejoindre leurs compatriotes dans leur survie terne et sans horizons. Première démarche : se rendre au bureau du HCR afin de présenter une demande pour obtenir le statut de réfugiés. Une peur justifiée... «Ce n’est pas évident, précise Mme Papazian, la définition du réfugié telle que prévue dans la Convention de Genève est assez stricte. Il faut prouver avoir été persécuté dans son pays ou en tout cas avoir une peur justifiée pour bénéficier de la protection du HCR». En fait, tous les pays arabes, exceptés l’Égypte et le Yémen, n’ont pas signé la Convention de Genève et, par conséquent, ne reconnaissent pas officiellement le statut de réfugiés. Car lorsqu’un pays signe cette convention, il devient une terre d’asile et doit donc adapter sa législation aux impératifs qui en découlent : intégration, droit du travail. Or, à cause du problème palestinien, les pays arabes ont toujours refusé de se lancer dans cette aventure, mais cela ne les a pas empêchés d’accueillir des réfugiés de pays voisins, conformément aux alliances ou aux conflits. Lorsque le HCR accorde la carte de réfugié, le Cemo peut commencer son travail. Il distribue des fonds symboliques, (environ 400 dollars américains tous les trois mois) et les aide à placer leurs enfants dans les écoles. Un accord vient d’ailleurs d’être conclu avec le ministère de l’Éducation, autorisant les écoles publiques à accueillir les enfants des réfugiés du HCR, à condition d’avoir des places, la priorité allant bien sûr aux Libanais. Le Cemo, en application avec le programme du HCR, pourvoit aussi à une partie des frais médicaux des réfugiés. Mais en principe, tout cela est provisoire, la mission essentielle du HCR étant de trouver un troisième pays pour que les réfugiés puissent s’y installer et prendre un nouveau départ. Les pays d’accueil traditionnels sont le Canada, les États-Unis et la Nouvelle-Zélande. Mais ces pays ayant fixé des quotas d’accueil, les demandes traînent plusieurs années. Il arrive parfois que la situation change dans le pays d’origine, autorisant les réfugiés à y retourner. Dans ce cas, ceux-ci ont le choix, mais s’ils refusent de le faire, la carte de réfugié leur est retirée. Lorsque le Cemo a commencé son activité en coopération avec le HCR, plusieurs assyriens et chaldéens d’Irak venaient d’arriver au Liban. Ayant obtenu le statut de réfugiés, ceux-ci ont pu être aidés par le Cemo qui, dans le cadre de son programme d’aide aux réfugiés, ne peut dépenser un dollar sans l’approbation du HCR. Ces Irakiens se sont en général installés à Sid el-Baouchrié, à Jal el-Dib et à Antélias. Certains Soudanais se sont aussi installés dans cette région et même à Jounieh, mais d’autres, les plus nombreux, ont préféré le secteur entre Choueifate et Hay Sellom où les locaux sont moins chers. Les Irakiens chiites se sont réfugiés au Sud , à Haret Hreik et à Bir el-Abed alors que les Afghans ont préféré s’installer à Baalbeck et la plupart d’entre eux ont épousé des Libanaises. En fait, ils vont généralement là où ils sont le mieux tolérés et surtout là où ils trouvent du travail, dans des stations d’essence, des restaurants, des complexes balnéaires, etc., un travail au noir bien sûr. D’ailleurs, depuis quelque temps, la Sûreté générale multiplie ses descentes dans ces lieux et il lui arrive souvent d’emmener les travailleurs étrangers, même munis de cartes du HCR. Objectif, décourager de plus en plus les demandeurs d’asile. Tiraillé entre la menace d’implantation des Palestiniens et la crise économique, le Liban veut mettre de l’ordre dans sa maison et rendre ses frontières moins perméables. Mais ces 8 000 personnes à la recherche d’un refuge constituent-elles réellement une menace pour lui ? À moins que, comme toujours, on ne s’en prenne qu’aux plus faibles.
Ils sont huit mille officiellement répertoriés, quatre mille ont obtenu le statut de réfugiés par le HCR (Haut comité des réfugiés relevant de l’Onu) et quatre mille autres attendent encore la réponse aux demandes présentées. En principe, ils vivent au Liban en transit, le temps de trouver une terre d’accueil plus hospitalière pour redémarrer une nouvelle vie, mais,...