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Actualités - REPORTAGES

Les illusions perdues

Ici, le courant électrique est coupé presque tous les soirs. Mais, en dépit de l’obscurité, une musique lancinante s’échappe des fenêtres qui ferment mal. C’est le royaume des Soudanais, à mi-chemin entre Choueifate et Hay Sellom. L’installation étant sommaire, c’est toute une histoire pour trouver une bougie. Des enfants aux peaux sombres et luisantes vont et viennent dans la salle commune glaciale et à peine meublée. Pauvres, ces familles le sont certainement, mais elles n’en restent pas moins dignes, insistant pour offrir du thé, alors que les enfants lorgnent le sucre avec convoitise. N est une belle jeune fille, à la taille haute et élancée. Elle a fui son pays, dans l’espoir de reprendre ses études universitaires au Liban, mais elle se retrouve enfermée avec les enfants du mari de sa tante, vivant dans un taudis, sans la moindre issue en perspective. Au Soudan, elle était obligée de porter le foulard islamique et ne pouvait plus apprendre ce qu’elle voulait. Mais au Liban, l’université ne lui est même pas accessible, alors que l’ensemble de la société est raciste. À 20 ans, elle végète, avec pour unique espoir la possibilité d’émigrer un jour aux États-Unis. Le mari de sa tante, F, veuf depuis un an avec quatre filles en bas âge, était professeur d’université dans son pays. Il y enseignait l’histoire et la religion chrétienne. Après avoir subi de fortes pressions, il a été emprisonné à plusieurs reprises sans jamais avoir droit à un procès et, finalement, il montre sans fausse honte les traces de torture sur son corps. Du Liban, où il séjourne depuis cinq ans, il n’attend plus qu’un transit expéditif, mais sa connaissance de la nature humaine et des régimes arabes lui a appris qu’il ne faut plus miser sur la rapidité. D’ailleurs, pour cet homme douloureusement coupé de ses racines, le temps n’a plus d’importance. Tout ce qu’il espère encore c’est d’assurer l’avenir de ses filles. «Ma famille, c’est ma terre. En la perdant, j’ai tout perdu, mais je souhaite que mes enfants soient épargnés», dit-il. Son unique recours, c’est le Cemo, qui l’aide dans la mesure du possible, mais F n’est pas encore au bout de ses peines.
Ici, le courant électrique est coupé presque tous les soirs. Mais, en dépit de l’obscurité, une musique lancinante s’échappe des fenêtres qui ferment mal. C’est le royaume des Soudanais, à mi-chemin entre Choueifate et Hay Sellom. L’installation étant sommaire, c’est toute une histoire pour trouver une bougie. Des enfants aux peaux sombres et luisantes vont et...