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Actualités - REPORTAGES

Il nous faut plus de temps, réclame le directeur du Centre (photos)

Le Centre d’accueil et de réhabilitation pour les enfants des rues est actuellement dirigé par une association, l’Institut évangélique libanais pour le travail social et le développement. Son siège est un local appartenant à l’association et appelé La Maison de l’espoir, initialement destiné à l’éducation d’enfants handicapés. M. Jean Eter, responsable actuel du Centre et directeur de l’association, fait le bilan de sa récente expérience et souhaite disposer d’un certain délai pour mener à bien la réhabilitation des enfants. «L’idée d’un projet pour les enfants des rues existe au ministère des Affaires sociales depuis dix ans», explique M. Eter. «Cependant, beaucoup d’obstacles ont entravé sa réalisation, jusqu’à l’arrivée du président Émile Lahoud au pouvoir. C’est son épouse qui a pris cette cause à cœur. Après avoir étudié le dossier, elle a encouragé les trois ministères concernés (Justice, Affaires sociales et Intérieur) à entamer sa réalisation». À travers le Conseil national des services sociaux, le ministère des Affaires sociales a proposé ce projet aux associations du pays. «La Société évangélique libanaise souhaitait justement réaliser un projet qui ait une portée nationale», poursuit-il. «Les discussions qui ont précédé la signature du texte de l’accord entre le ministère et nous ont duré plus que prévu, parce que le projet (le premier du genre au Moyen-Orient) nécessitait des études et une préparation minutieuse». C’est ainsi que le Centre a été inauguré en octobre dernier. Dans le cadre de ce projet, la Société évangélique est considérée comme le partenaire de l’État. Elle offre le personnel et les services et reçoit un financement du ministère. Elle a aménagé le bâtiment avec l’aide du ministère et de l’Unicef. Existe-t-il un plan d’agrandissement du Centre ? (Une tournée dans les locaux permet de constater qu’il y a de nouveaux lits ajoutés dans les chambres). «Ce Centre devrait recevoir les enfants abandonnés de tout le Liban», précise M. Eter. «Nous avons commencé à nous occuper de Beyrouth, mais d’autres régions suivront : Tripoli, Saïda, Tyr, Nabatiyeh et Zahlé». «L’une de nos principales préoccupations», poursuit-il, «est que l’enfant des rues ne se retrouve pas au poste de police. Ce n’est pas un endroit pour lui. Voilà pourquoi nous avons insisté dès le début pour que l’enfant soit directement transféré chez nous par les forces de l’ordre». Une mine d’or pour les parents Même si le Centre abrite actuellement une vingtaine de jeunes pensionnaires, le nombre d’enfants qui y ont passé est de plus de cent, malgré le jeune âge de l’institution. La raison : chaque mercredi, les parents désireux de récupérer leurs enfants peuvent se rendre au Centre. Et cela n’est pas toujours pour satisfaire les responsables qui préfèrent disposer de plus de temps pour la réhabilitation des jeunes. «Ces enfants sont très souvent une mine d’or pour les parents», dit M. Eter. «Un père qui a six enfants dans les rues se fait deux cent mille livres par jour. Dans nos réunions avec les ministères, nous avons demandé qu’une période minimum de séjour de trois ou six mois soit imposée dans tous les cas. Nous aurions au moins le temps de leur apprendre le minimum». Mais ces enfants, une fois rendus aux parents, reviennent-ils à la rue ? «Non, nous avons une clause prévue à cet effet dans le texte de l’accord», répond-il. «Quand les parents viennent réclamer l’enfant, la Sûreté générale les soumet à une enquête. Il faut savoir que ces personnes sont souvent étrangères. Si leur séjour est illégal, elles sont renvoyées chez eux ou emprisonnées. À ce moment-là, les parents sont obligés de signer un accord de principe qui stipule que si leurs enfants sont retrouvés dans la rue, ils (les parents) risqueront la prison». Mais sont-ils réellement emprisonnés dans de tels cas ? M. Eter ne peut répondre à la question. L’Orient-Le Jour a contacté le responsable des FSI concerné par l’affaire qui n’est malheureusement pas disponible avant plusieurs jours pour cause de voyage. Mais on ne peut s’empêcher de penser que d’éventuelles failles dans l’application de cette loi ôteraient tout sens à l’initiative. «Cet aspect ne fait pas partie de notre travail», affirme M. Eter. «Mais ce que nous exigeons, c’est d’avoir du temps pour réhabiliter l’enfant afin de lui inculquer le minimum d’éducation et de valeurs sociales, notamment le sens de ses droits en tant que mineur». En parle-t-il avec les ministères concernés ? «Nous soulevons la question à chaque réunion», souligne-t-il. «Le ministre des Affaires sociales a promis d’etudier avec son homologue de la Justice la possibilité de prolonger le séjour des enfants. Mais l’affaire est restée là. Toutefois, il faut que quelque chose se fasse dans ce sens parce qu’il est impossible qu’une association supposée réhabiliter des enfants n’ait pas les moyens de le faire !» Un interrogatoire en douceur M. Eter raconte l’arrivée typique d’un nouveau pensionnaire. «Les FSI déposent l’enfant chez nous», dit-il. «L’éducatrice lui donne tout de suite des biscuits et du jus de fruit, histoire de le détendre un peu. Mais il faut comprendre que lui ne sait pas où il va. Il doit subir en premier un interrogatoire effectué par les forces de l’ordre en présence d’une assistante sociale du Comité de protection des mineurs. Selon l’accord que nous avons signé, cet interrogatoire doit se faire en douceur. Il faut que l’enfant sente dès le début que nous le respectons. Les interrogatoires portent évidemment sur leurs activités lucratives (où va l’argent, à qui il profite, s’il y a des réseaux qui exploitent ces enfants, etc.)». Après l’interrogatoire, le procureur général appelle le Centre pour s’informer de l’issue de l’enquête et donner l’ordre d’accepter l’enfant ou de le remettre à ses parents. Celui-ci est ensuite pris en charge par les éducatrices qui lui donnent un bain (certains enfants n’en ont pas pris depuis des mois, assure M. Eter). Les débuts de l’association étaient évidemment difficiles. Avec ses quatorze ans de travail social, M. Eter déclare avoir quand même été très surpris du contact avec les enfants des rues. «Ils sont très différents de tout ce que nous avons connu auparavant», raconte-t-il. «Ils sont parfois très difficiles à manier et ce n’est pas de leur faute. Mais nous découvrons petit à petit qu’ils ont un très bon fond et un besoin considérable d’affection. Ils s’accrochent énormément à leurs éducateurs et finissent par considérer le Centre comme leur propre maison». Les histoires que les enfants racontent à leurs éducateurs dès qu’ils se sentent plus proches d’eux cachent de véritables tragédies : abus physiques, sexuels, famine, exploitation (l’argent qu’ils gagnent n’est jamais à eux). Ces enfants ressentent de plus une certaine douleur à voir les jeunes de leur âge aller à l’école alors qu’ils n’ont jamais connu un établissement scolaire. C’est en fait une infraction à la loi sur la scolarisation obligatoire jusqu’à douze ans (théoriquement) en vigueur au Liban. M. Eter ajoute que les progrès de l’enfant au Centre se font à tous les niveaux : éducation, faculté de concentration, vie quotidienne... Quand l’enfant commence à raconter sa vie, il est alors possible aux éducateurs de pénétrer un peu plus dans sa psychologie. Une psychologue se charge des cas trop délicats, comme l’homosexualité, qui résultent le plus souvent d’abus commis contre l’enfant lors de sa vie errante. Réhabiliter les parents pour réussir Quand un enfant reste longtemps au Centre sans que ses parents le réclament, il est dirigé vers une association ou une école technique, à laquelle sa réhabilitation lui aura permis d’accéder. «Ces enfants sont le plus souvent très intelligents et très mûrs socialement», constate M. Eter. «Ils peuvent facilement communiquer avec un adulte. Nous sommes souvent étonnés des progrès qu’ils font. Ils commencent à avoir une ambition dans la vie, à considérer leurs éducateurs comme des modèles... À leur arrivée, ils se sentent coupables de ne plus contribuer à la survie de leur famille. De notre part, nous tentons de leur apprendre leurs droits en tant qu’enfants, sans jamais toutefois les monter contre leurs parents». Il poursuit : «Mais notre but reste de convaincre les parents d’envoyer leurs enfants à l’école, surtout pour les étrangers vivant au Liban. Certains n’ont même jamais entendu parler de l’école publique ! Il faut empêcher que ces enfants ne deviennent des délinquants. La bonne nouvelle, c’est qu’ils ne sont pas trop nombreux et que leur situation peut être gérée par l’État». Dans cet objectif, les responsables du Centre débattent actuellement avec les ministères de la possibilité de former un comité chargé de visiter les parents et de leur parler des écoles publiques. Sans la réhabilitation des parents, celle des enfants devient une mission difficile. «Au Liban, cela est faisable parce que le pays est petit et que la bonne volonté de l’État est réelle», dit M. Eter. «Mais pour cela, il faut une nouvelle loi, un décret ou une décision ministérielle, afin qu’un suivi puisse être assuré auprès de l’enfant dans son environnement». Enfin, M. Eter précise que le Centre a un autre objectif à moyen terme : la réhabilitation et l’accueil des jeunes filles de moins de treize ans tombées dans la prostitution.
Le Centre d’accueil et de réhabilitation pour les enfants des rues est actuellement dirigé par une association, l’Institut évangélique libanais pour le travail social et le développement. Son siège est un local appartenant à l’association et appelé La Maison de l’espoir, initialement destiné à l’éducation d’enfants handicapés. M. Jean Eter, responsable actuel du...