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Actualités - REPORTAGES

Droit d'asile - L'affaire des 5 membres de l'Armée rouge revient sur le tapis Un compromis en vue entre le Liban et le Japon(photo)

Depuis ce fameux 15 février 1997, où l’affaire dite «des détenus asiatiques» a éclaté, le sort de Kozo Okamoto, de Masao Adachi et de leurs compagnons n’a cessé de préoccuper les autorités libanaises. Les 5 membres de l’Armée rouge japonaise, arrêtés dans des circonstances rocambolesques – qui avaient montré à l’époque un incroyable manque de coordination entre les diverses institutions étatiques –, ont posé un véritable dilemme aux responsables libanais : faut-il les extrader vers le Japon, comme le réclament de façon pressante les autorités nippones, ou au contraire leur accorder l’asile politique comme le réclament leurs nombreux partisans et peut-être les Syriens ? En 1997, les responsables libanais s’étaient accordé un répit, la Cour criminelle de Beyrouth ayant condamné les 5 Japonais à trois ans de prison pour falsification de papiers officiels. Mais ce délai expire le 7 mars et l’État libanais, soumis dès à présent à de fortes pressions des deux côtés, devra régler définitivement ce problème. On parle d’ailleurs d’un compromis... Officiellement, c’est le procureur général près la Cour de cassation Adnane Addoum qui étudie le dossier des membres de l’Armée rouge. C’est lui qui verra si la demande d’extradition présentée par les autorités nippones est acceptable sur le plan juridique avant de soumettre sa décision à l’approbation du Conseil des ministres. L’avocate générale près la Cour de cassation, Mme Rabiha Ammache Kaddoura, a d’ailleurs entendu, selon ses instructions, Kozo Okamoto à ce sujet. Pour le Liban, l’affaire est délicate car le Japon, qui a déjà fourni des aides financières au Liban et qui promet de les augmenter, ne cache pas son désir, en contrepartie, de récupérer Kozo Okamoto, Masao Adachi, Mariko Yamamoto, Haruo Wako et Kazuo Hikodachi, afin de les juger selon la loi de leur pays. Toutefois, en l’absence d’un traité d’extradition entre le Liban et le Japon, le code pénal libanais (article 35) interdit aux autorités d’extrader une personne poursuivie dans son pays pour un crime politique. De plus, ces personnes, notamment Kozo Okamoto et Masao Adachi (le chef de la bande), sont considérées par une large fraction de la population comme des «héros de la cause arabe». Elles ont, en effet, participé à la lutte contre Israël aux côtés des Palestiniens et Okamoto est le seul survivant de l’attaque contre l’aéroport de Lod en 1972. Arrêté par les Israéliens, il a été emprisonné pendant 13 ans et soumis à de terribles tortures qui l’obligent à suivre régulièrement un traitement médical très contraignant. Ce n’est qu’en 1985 qu’il a fait l’objet d’un échange entre Israël et les palestiniens. Il s’est alors installé dans la région, se déplaçant entre le Liban, la Syrie et d’autres pays arabes. Incapable désormais d’accomplir la moindre tâche, il est surtout un symbole bien plus qu’une menace réelle. Une arrestation rocambolesque Mais justement, au Liban et au Japon, les symboles ont une grande importance. Depuis des années, le Japon essaie de récupérer cet homme, qui continue à être médiatisé dans son pays. Recevant, dans le cadre d’une mission officielle, le responsable de la Sûreté de l’État, le brigadier Ali Makki, les autorités nippones lui auraient suggéré d’arrêter Kozo et ses compagnons installés dans un appartement à Beyrouth-Ouest dans le cadre d’une rafle contre ceux qui utilisent de faux papiers. Makki étant incapable d’identifier les personnes demandées par le Japon, ce dernier a envoyé sur place deux «espions», Takayaki Morishima et Yushiyoki Shamoto, afin de mener les hommes du brigadier Makki vers les membres de l’Armée rouge. Shamoto aurait réussi à nouer une relation intime avec Séi Harada, la fille de Masao Adachi, et se serait ainsi introduit dans le cercle des intimes de Kozo. L’affaire était donc dans le sac et il ne restait plus qu’à convaincre le brigadier Makki de remplir son rôle. Les hommes de la Sûreté générale sont donc envoyés à l’appartement de Kozo et de Masao, le 15 février 1997, et tout le monde est arrêté y compris les deux indicateurs qui avaient pris soin de photographier la scène de l’arrestation. Complètement dépassées par une opération qu’elles croyaient de pure routine, les autorités libanaises ont alors fait preuve d’un grand cafouillage : certains responsables ont nié connaître l’identité des détenus, d’autres ont affirmé qu’il s’agissait bel et bien de membres de l’armée rouge. Le Liban officiel a essayé ainsi de gagner du temps afin de voir comment régler cette affaire, d’autant que les Syriens commençaient à protester vivement, précisant que livrer Okamoto au Japon est une concession prématurée, voire non souhaitée. Mais les autorités japonaises avaient pris leurs précautions et elles ont alors exhibé les photos prises lors de la rafle qui montrent bien qu’il s’agit des membres de l’Armée rouge. Après maints rebondissements, il a été convenu de rapatrier «les deux espions» et la fille d’Adachi et d’inculper les 5 autres pour faux et usage de faux. Le procès a été rapidement mené pour éviter les récupérations politiques et les 5 membres de l’Armée rouge ont été condamnés le 31 juillet 97 à 3 ans de prison. Tout au long de leur période de détention, les 5 Japonais ont bénéficié d’un traitement privilégié, Kozo et Adachi recevant régulièrement les visites de leurs amis libanais et notamment de l’infirmière Oumayya Abboud qui avait été arrêtée en même temps qu’eux puis acquittée lors du procès. Celle-ci, bien qu’éprouvée par sa longue arrestation, n’a jamais voulu couper les liens avec ses anciens compagnons et continue à leur apporter régulièrement de la nourriture et à leur administrer un traitement d’acupuncture. Masao Adachi, qui l’a initiée à ce domaine, donne lui aussi des soins à son voisin de cellule, l’ancien député et ministre Chahé Barsoumian, qui souffrirait de douleurs au dos. Leur vie s’est donc plus ou moins organisée à la prison de Roumié où ils figurent parmi les détenus les plus populaires. Certains d’entre eux ont même réalisé des cartes de vœux pour les fêtes de fin d’année. Mais aujourd’hui, ils ne cachent plus une certaine inquiétude quant à leur sort après leur libération le 7 mars, trois ans jour pour jour après le mandat d’arrêt délivré à leur encontre. Déjà, lors de leur procès, ils avaient tous, ainsi que leurs avocats, dont les députés Zaher Khatib et Najah Wakim, réclamé l’asile politique au Liban. Mais dans son jugement, la Cour criminelle du Mont-Liban n’en avait pas tenu compte, se contentant d’examiner les crimes qui leur avaient été imputés lors de leur arrestation. Selon le journaliste écrivain britannique Patrick Seale, les membres de l’Armée rouge avaient apparemment établi un réseau de fabrication de faux passeports jordaniens, qui servaient, entre autres, aux déplacements de l’une des responsables du groupe d’Abou Nidal, Halima Nemr, récemment arrêtée par les autorités autrichiennes. Mais ce n’est pas pour leur passé militant ou pour leurs connexions douteuses que les membres de l’Armée rouge ont été condamnés au Liban. La cour a simplement estimé qu’ils étaient en situation illégale au Liban et qu’ils étaient détenteurs de faux papiers d’identité et de matériel pour fabriquer de faux visas et passeports. Certaines voix ont d’ailleurs laissé entendre que pour éviter de les extrader, les autorités judiciaires pourraient décider de les juger pour les crimes dont ils sont accusés au Japon, mais il est fort probable que cette idée ne soit pas retenue. Dans les couloirs du Palais de justice, on parle d’un compromis avec le Japon qui permettrait au Liban d’extrader trois des membres de l’Armée rouge : Mariko Yamamoto (59 ans), Haruo Wako (51 ans) et Kazuo Hikodachi (47 ans), et d’accorder l’asile politique aux deux autres, Kozo Okamoto et Masao Adachi. Ces deux derniers encourant des peines graves dans leur pays et étant devenus pratiquement non opérationnels : Adachi a soixante ans et c’est un homme malade, Kozo (52 ans) est devenu totalement inoffensif après sa longue détention en Israël. D’ailleurs, à ses visiteurs, Kozo aurait déclaré qu’il se suiciderait si les autorités libanaises décidaient de l’extrader et devant le tribunal, c’est d’une toute petite voix qu’il avait lancé : «Après l’opération de Lod, je croyais être le bienvenu dans tous les pays arabes». En lui accordant l’asile politique, le Liban ferait, contrairement à ses frères, preuve de fidélité à la mémoire collective arabe. La décision finale ne sera connue que le 7 mars.
Depuis ce fameux 15 février 1997, où l’affaire dite «des détenus asiatiques» a éclaté, le sort de Kozo Okamoto, de Masao Adachi et de leurs compagnons n’a cessé de préoccuper les autorités libanaises. Les 5 membres de l’Armée rouge japonaise, arrêtés dans des circonstances rocambolesques – qui avaient montré à l’époque un incroyable manque de coordination...