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Actualités - REPORTAGES

Développement - Préparation à la paix au Liban-Sud I - Une étude du PNUD souligne les points forts et les faiblesses de la région

Soumis à une guerre d’usure qui dure depuis près de trente ans, le Liban-Sud ose à peine espérer que le bout du tunnel pourrait, enfin, apparaître. Si un accord de paix global est réellement conclu dans les prochains mois avec Israël – comme l’affirment certains milieux diplomatiques –, la population du Sud pourra bénéficier d’un climat de sécurité et de stabilité après de longues années de crise chronique. C’est alors qu’un long processus de reconstruction et de développement sera enclenché dans les régions méridionales. Quelle est la situation présente des habitants du Sud au niveau socio-économique ? Quels sont les besoins réels de la population sur ce plan ? Quel est l’état de l’infrastructure de la région ? Quels sont les grands projets qui devraient être mis en chantier dans les différents domaines afin de permettre aux habitants de remonter la pente et de redresser la situation dans laquelle ils se trouvent ? Autant de questions qui ont fait l’objet d’une étude exhaustive élaborée à la fin de l’année dernière par le Programme des Nations unies pour le développement (Pnud), en étroite collaboration avec l’État libanais. Intitulé Programme régional de développement économique et social du Liban-Sud, le rapport du Pnud fait office de véritable plan directeur pour l’ensemble de la zone de sécurité et pour les régions qui l’entourent. Nous reproduirons à partir d’aujourd’hui de larges extraits de cette étude. Intitulée le constat, la première section du rapport présente la situation actuelle au Liban-Sud. Les hommes, le territoire, l’eau, l’activité économique, les infrastructures et les équipements y sont abordés. Ce sont ces mêmes éléments qui sont repris dans le chapitre ayant pour titre Le potentiel. Le projet, le phasage et la réalisation sont ensuite abordés. Comme toutes les régions périphériques du pays, le Liban-Sud devrait bénéficier d’un plan de développement économique et social intégré. Cependant, le soutien qui devrait être accordé à la zone occupée par Israël revêt un caractère stratégique. À cause du conflit qui y persiste depuis plus de trente ans, le Sud a développé certaines particularités. Très peu touchée par l’urbanisation, la région recèle plusieurs sites naturels préservés mais manque de l’infrastructure adéquate (réseaux d’eau potable, d’eau usées, de télécommunication). Riche en fleuves, le Sud n’exploite pas cependant ses ressources en eau. Une population jeune mais non qualifiée Les cinq cazas de Tyr, Marjeyoun, Jezzine, Hasbaya et Bint-Jbeil totalisaient, en 1996, 261 000 habitants (résidents permanents), soit 8,4 % de la population du Liban (estimée à 3,1 millions d’habitants en 1996) ou encore 60 % de la population des deux mohafazats du Sud et de Nabatieh réunis (433 000 habitants environ). On peut estimer que la population de la zone occupée représente de 26 % à 29 % de la population des cinq cazas. La population résidente de la zone occupée est estimée à quelque 68 000 à 75 000 habitants, et celle des zones Finul et «Poche de Tyr» réunies à environ 186 000 à 193 000 (dont probablement plus de 30 000 pour la seule ville de Tyr), en 1996. Deux enseignements majeurs peuvent être tirés de ces chiffres : – la très faible proportion de résidents, par rapport aux inscrits, dans la zone occupée : 22 % au lieu d’un ratio de 69 % observé en zone non occupée (le ratio le plus bas étant observé dans le caza de Jezzine avec seulement 11 % des inscrits); – la population inscrite mais non résidente de ces cinq cazas se chiffre à plus de 360 000 personnes. Ces personnes résident dans d’autres régions libanaises ou à l’étranger. Certaines ont migré de leur propre chef et d’autres ont été contraintes à partir. Les inscrits non-résidents qui sont restés au Liban sont domiciliés en majorité dans le caza de Baabda (49 % d’entre eux), dans Beyrouth (14%) et dans le Caza du Metn (14 % également). Une partie importante des migrations (probablement plus de la moitié) est explicable par un mouvement ordinaire d’exode rural ou de changement volontaire de lieu de résidence. Aussi, n’est-il pas étonnant que l’on estime, sur la base d’une enquête réalisée en 1998, que seules 18 % des personnes originaires du Sud et établies dans d’autres régions libanaises soient disposées à revenir dans le Sud après l’achèvement du conflit, cette proportion tombant à 16 % pour les populations qui sont établies à l’étranger. Les cinq cazas du secteur (Tyr, Jezzine, Bint-Jbeil, Marjeyoun, Hasbaya) comptaient en 1996 un total de 56 000 ménages environ, avec une taille moyenne de l’ordre de 4,8 personnes par ménage. La taille minimum des ménages est observée à Jezzine, avec 3,5 personnes par ménage, et la taille maximum à Tyr avec 5,1 personnes par ménage. Dans la zone occupée, on peu estimer le nombre de ménages à 15 000 environ. On constate une sur-représentation de chefs de ménage de sexe féminin, phénomène très caractéristique dans les cazas de Jezzine, Marjeyoun et Bint-Jbeil, avec une proportion atteignant respectivement 21 %, 19,5 % et 18,5 % contre une moyenne nationale de l’ordre de 14 %. Comparé aux ratios nationaux, le secteur étudié se caractérise par une population jeune, un illettrisme encore important, un taux de chômage plus élevé que dans le reste du pays et une inégalité hommes-femmes importante quant au taux d’illettrisme. Les conditions de logement Les cinq cazas du secteur (Tyr, Jezzine, Bint-Jbeil, Marjeyoun, Hasbaya) comptent 78 000 logements environ, dont 70 % de résidences principales (54 400), 10 % de résidences secondaires (7 800) et 18 % de logements vacants (14 000). Le taux de vacance avoisine les 20 % dans les cazas de Bint-Jbeil et Jezzine. L’habitat dans les cinq cazas étudiés est essentiellement constitué de maisons individuelles, avec une proportion allant jusqu’à 79 % dans le caza de Marjeyoun. Mais l’habitat collectif domine dans le caza de Tyr, en liaison avec le cadre urbain de la majeure partie de la population (la dominance du collectif est également observée dans le caza de Nabatieh). Les cinq cazas comptent 10 000 actifs (27 % de la population et un ratio de 1, 27 actif par ménage), dont 18 000 environ dans la zone occupée. Le taux d’activité (27 %) est plus faible que le taux national (31 %), en raison sans doute d’une plus grande jeunesse de la population et d’un taux d’activité féminine inférieur à la moyenne nationale. La part des femmes dans la population active est très faible dans les cazas de Hasbaya (12,9 %), de Tyr (13,1 %) et de Bint-Jbeil (16,9 %). Mais elle dépasse le ratio moyen national (20,7 % en 1996) dans les cazas de Marjeyoun (24,2 %) et de Jezzine (22 %). Les taux de chômage les plus élevés ont été observés dans les cazas de Jezzine (11,2 %) et de Bint-Jbeil (10,7 %), à comparer au taux national (7,6 % en 1996). Le chômage frappe surtout les femmes et les jeunes de 20 à 24 ans (47,1 % d’entre eux dans la caza de Jezzine, 29,5 % dans la caza de Bint-Jbeil, 18,5 % dans la caza de Hasbaya). La proportion de travailleurs non qualifiés varie entre 20 % et 24 % selon les cazas. L’artisanat occupe une proportion similaire parmi les actifs. Les agriculteurs qualifiés sont prédominants à Marjeyoun (24,5 %) alors que les professions intellectuelles occupent 24,8 % des actifs à Jezzine, ce caza se distinguant aussi par la forte proportion d’actifs du secteur public (28 %, contre 15,7 % au niveau national). Le travail occasionnel et saisonnier est prédominant dans les cinq cazas, notamment à Marjeyoun (52 %), Bint-Jbeil (46 %) et Hasbaya (43 %), alors que le taux national n’excède pas 16 %. L’agriculture occupe 32 % des actifs à Marjeyoun, 25,4 % à Bint-Jbeil, 23,3 % à Tyr et 22 % à Hasbaya. Jezzine se distingue par la forte proportion d’actifs de l’enseignement (19 %). Au niveau des revenus, l’enquête sur les conditions de vie des ménages en 1997 effectuée par l’Administration centrale de la statistique montre que les ménages du Sud sont globalement plus pauvres que la moyenne nationale, cette pauvreté étant plus accentuée dans le mohafazat du Sud (qui comprend le caza de Tyr) que dans le mohafazat de Nabatieh. Ainsi 10,4 % des ménages du mohafazat du Sud et 7 % des ménages du mohafazat de Nabatieh ont un revenu mensuel inférieur au salaire minimum (300 000 LL, soit 200 $), pour 4,8 personnes par ménage. Or au niveau national, la proportion de ménages se trouvant dans cette situation est de 5,8 %. De même, 33,2 % des ménages du mohafazat du Sud et 21,5 % de ceux de Nabatieh disposent d’un revenu mensuel inférieur à 330 $, contre un ration national de 18,8 %. L’eau du Liban dans le contexte régional Le Liban paraît, a priori, privilégié par ses ressources en eau. Mais on sait que ces ressources sont irrégulièrement réparties sur l’année, avec 5 mois (janvier à mai) qui totalisent 75 % des précipitations, 2 mois (juin et juillet) qui en totalisent 16 % et 5 mois qui en totalisent 9 %. À cette répartition inégale s’ajoutent les difficultés de contrôle des cours d’eau dans leur course vers la mer ainsi que les conditions géologiques propices à l’infiltration. Si bien que les ressources en eau susceptibles d’être gérées au Liban se situent, de l’avis des experts, y compris de la FAO, à un plafond de 2,2 à 2,5 milliards de m3 par an, bien en deçà des 4,8 milliards comptabilisés à partir des précipitations, et avec les difficultés saisonnières susmentionnées. Le Liban ne reçoit pratiquement aucun apport d’eau des pays voisins. En revanche, l’Oronte et le Nahr el-Kebir fournissent à la Syrie quelque 510 millions de m3 par an, et le flux du Hasbani et de son affluent le Wazzani vers Israël fournissent, à ce dernier, dans le contexte d’occupation actuel, la quasi-totalité de leur débit, soit quelque 150 millions de m3 par an, auxquels s’ajoute un volume probablement équivalent d’eaux souterraines non encore exploitées qui s’écoulent en direction du Sud. Le Hasbani est un affluent du Jourdain dont le bassin versant intéresse cinq pays : le Liban, la Syrie, Israël, la Palestine et la Jordanie. En cas d’avènement de la paix au Proche-Orient, la question du partage des eaux du Jourdain sera à nouveau posée, ce qui est naturel pour un cours d’eau international. Le Liban-Sud est, évidemment, intéressé au premier chef par les développements concernant l’eau, en particulier celles du Hasbani et du Wazzani. Alors que le plan Johnston prévoyait 35 millions de m3 par an pour le développement des terres libanaises du bassin versant du Hasbani, les besoins de cette région se situeraient plutôt à plus de 59 millions de m3 par an, dont 45 millions pour l’irrigation de 4 250 ha et 14 millions pour satisfaire les besoins domestiques, industriels et touristiques. Le Liban n’utilise actuellement que 7 millions de m3 pour irriguer 675 ha et pour les usages domestiques, ce qui est d’évidence insuffisant.
Soumis à une guerre d’usure qui dure depuis près de trente ans, le Liban-Sud ose à peine espérer que le bout du tunnel pourrait, enfin, apparaître. Si un accord de paix global est réellement conclu dans les prochains mois avec Israël – comme l’affirment certains milieux diplomatiques –, la population du Sud pourra bénéficier d’un climat de sécurité et de stabilité...