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Actualités - REPORTAGES

SOCIÉTÉ - Miser sur l’actualité et les clients de passage Vendre des journaux à la rue Hamra : une tâche difficile

Ils sont neuf à la rue Hamra. Neuf kiosques à journaux où l’on trouve aussi bien les imprimés arabes que le courrier international, notamment des publications françaises, anglaises, américaines, voire italiennes et allemandes. Les kiosques sont récents, (depuis 1991), mais les vendeurs de journaux, eux, ont hérité le métier de leurs pères. Avant les événements, ils vendaient à l’étalage sur les trottoirs de Hamra et du centre-ville. Avec la guerre, ceux qui ont décidé de ne pas changer de métier se sont tous retrouvés tout au long de la rue Hamra. Une région qui, avec le temps, a perdu son charme et ses vrais habitants. Ils sont tous originaires de Tebnine, au Liban-Sud. Leurs pères, pour certains leurs grands-pères, sont arrivés, au début des années cinquante, de la zone méridionale du pays afin de gagner leur vie dans la capitale. «Chaque village du Liban-Sud a sa spécialité à Beyrouth, certains ont vendu du pain, d’autres des tapis, les habitants de Tebnine ont choisi les publications», indique Naïm dont le père s’est établi sur les trottoirs de la rue Hamra au cours des années cinquante. «À la fin des années soixante et jusqu’à la guerre, on déposait les revues et les journaux devant le trottoir du Red Shoe, de 7h à 8h30, ensuite, quand le magasin ouvrait ses portes on se mettait ici», indique Naïm. Ici, c’est l’entrée de l’immeuble qui loge le Café de Paris. Un endroit renommé avant la guerre. «Parfois on restait là, sur le trottoir, jusqu’à deux heures du matin à vendre des revues et des journaux», raconte-t-il. «Hamra en ces temps-là ne dormait pas», dit-il. Et comme pour donner la preuve qu’il ne ment pas, Naïm fait un grand geste de la main montrant les cinémas, les cafés… «Tout ceci était plein à craquer, il fallait faire la queue pour entrer au cinéma», déclare-t-il avec amertume. «Les ambassadeurs, les diplomates, les avocats, les jeunes étudiants, les profs d’université, les journalistes, les touristes… tous étaient nos clients. Hamra, en ces temps-là, vendait 60 % des publications quotidiennes au Liban», dit-il. Et comme pour se persuader et persuader son interlocuteur, il avance des chiffres. «Avant la guerre, de 7h à 8h30 devant le Red Shoe, on vendait en moyenne des journaux et des revues à 220 mille livres ; actuellement, on vend pour la même somme durant une journée entière», souligne-t-il. Des 100 Times Magazine par semaine avant 1975, Naïm en vend 7. Des 40 Le Monde et 40 Herald Tribune, il en écoule actuellement 6 au quotidien. Naïm se souvient de ses attentes devant les rotatives de l’imprimerie de L’Orient tous les matins à 5h à la rue Allenby. «J’en vendais 75 par jour, maintenant c’est à peine si j’arrive à écouler 15 numéros», ajoute-t-il. Pour le courrier international et la presse francophone et anglophone, Naïm mise sur des clients fidèles, qui achètent les mêmes publications depuis plusieurs années. Des murs ouverts sur le monde Hassan est lui aussi originaire de Tebnine. Le jeune homme a hérité du métier de son père qui s’était établi à la rue Hamra en 1966. Hassan est un homme engagé. On le remarque tout de suite à ses explications : «Je vends des revues de toutes les langues sauf celles qui sont publiées en hébreu, je vends également toutes sortes de magazines sauf ceux qui montrent des photos indécentes», indique-t-il. Mais, en fin de compte, s’il ne propose pas à sa clientèle les publications israéliennes et érotiques c’est parce que la loi libanaise les interdit ? «Non, pas du tout, c’est parce que j’ai des principes», s’obstine-t-il à affirmer. À proximité du cinéma Strand, Saïd, 19 ans, tient en été et en week-end le petit kiosque de son grand-père maternel. Assis dans la minuscule chambre en bois, il lit les publications françaises et américaines, notamment les News Hebdo, les People Magazines et les mensuels spécialisés. Lui qui ne reste pas à la maison pour ne pas se disputer continuellement, comme tous les jeunes de son âge, avec ses parents, a trouvé refuge au kiosque de Hamra «un endroit aux murs ouverts sur le monde». «Grâce à toutes ces publications, je suis au courant de tout ce qui passe au Liban et à l’étranger, et ce sur tous les plans», explique-t-il. À la rentrée universitaire, il suivra des cours de journalisme et de documentation à l’université libanaise. Est-ce que le kiosque à journaux a influencé ses choix ? «J’aime être entouré de livres et de journaux, de choses écrites, j’aime en prendre soin», dit-il en souriant. Comme son grand-père Saïd connaît les clients et leurs préférences. Le Safir et le Nahar sont les mieux vendus chez la clientèle masculine de Hamra. Les femmes achètent surtout des People Magazines publiées en langues arabe et française. Le top trois des revues françaises ? «Paris-Match ; Voici, et Gala», indique Saïd qui connaît également le nom des clients, peu nombreux, qui achètent les News Hebdo et les mensuels féminins ou économiques français. Avant de choisir la rue Hamra en 1976, Abou Riyad, également originaire de Tebnine, travaillait depuis les années cinquante à Bab-Idriss. La vente des journaux avant la guerre ? Abou Riyad préfère ne pas évoquer cette époque. «Maintenant j’ai une clientèle très fidèle, pas aussi nombreuse que celle de Bab-Idriss», dit-il. «Avant la guerre, je vendais un quotidien libanais qui n’existe plus, Le Soir, qui était distribué l’après-midi», ajoute Abou Riyad qui, depuis quelques années, ferme son kiosque à 14h30. Lui, qui compte désormais sur l’actualité pour faire des gains, sait dès le matin comment la journée s’annonce. Patricia KHODER
Ils sont neuf à la rue Hamra. Neuf kiosques à journaux où l’on trouve aussi bien les imprimés arabes que le courrier international, notamment des publications françaises, anglaises, américaines, voire italiennes et allemandes. Les kiosques sont récents, (depuis 1991), mais les vendeurs de journaux, eux, ont hérité le métier de leurs pères. Avant les événements, ils...