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Actualités - REPORTAGES

Éducation - Mgr Camille Zeidan invite le gouvernement à réduire les charges financières imposées aux établissements scolaires III - Les écoles catholiques en crise, les enseignants privés des augmentations de salaires

À l’heure où la crise économique touche les différentes couches de la société libanaise, le secrétaire général des écoles catholiques, Mgr Camille Zeidan, multiplie les mises en garde contre les risques d’essoufflement des écoles privées, minées depuis plusieurs années déjà par les scolarités impayées et les fonds d’aides consacrés aux élèves les plus démunis. Las de la politique laxiste menée par le gouvernement, il décide aujourd’hui de réagir et de geler les dernières augmentations de salaires des enseignants, afin que l’État baisse les charges et taxes imposées aux établissements scolaires. (1) Depuis l’année scolaire 92-93 et jusqu’à l’année 98-99, les salaires des enseignants ont augmenté de 326 %, alors que les scolarités n’ont haussé que de 206 %, explique Mgr Zeidan. De nouveau, au cours de l’année scolaire 1999-2000, la loi a imposé aux écoles privées une nouvelle augmentation des salaires des enseignants, en deux étapes. La première, dont l’application était prévue pour juillet dernier, concerne les enseignants des classes secondaires, alors que la seconde intéresse le reste des enseignants et devrait, en principe, se concrétiser en janvier prochain. Si quelques rares écoles privées ont déjà appliqué la loi, le secrétariat des écoles catholiques en a carrément gelé l’entrée en vigueur, appuyé par l’association des Makassed, ainsi que par la direction des écoles orthodoxes, afin de pousser le gouvernement à réduire les lourdes charges qu’il impose aux établissements scolaires, et pour éviter de faire subir aux parents d’élèves une nouvelle augmentation des scolarités. Des charges trop lourdes Car les écoles privées sont littéralement englouties sous les charges et les taxes, dont elles doivent s’acquitter sans réduction aucune. Aussi l’électricité, l’eau, les taxes municipales, l’essence et le mazout sont-ils facturés plein tarif, incitant bon nombre d’établissements à user d’ingéniosité pour faire des économies. À titre d’exemple, le collège Notre-Dame de Jamhour préfère utiliser son générateur pour réduire le montant des factures d’électricité, alors qu’au collège du Mont La Salle, chaque bus scolaire transporte dorénavant un nombre d’élèves supérieur à celui de l’année passée. À ces fardeaux, s’ajoute le paiement d’autres charges à fonds perdus, imposées par l’État aux établissements scolaires, déplore Mgr Zeidan. Ainsi, explique-t-il, chaque école paie 8,5 % des salaires de tous ses employés à la caisse des indemnités de fin de service, alors que les contractuels ne bénéficient pas des indemnités. De plus, ajoute-t-il, les établissements paient 12,5 % environ de chaque salaire à la sécurité sociale, alors que les employés à temps partiel et les travailleurs étrangers n’en bénéficient pas. Ce qui contraint bon nombre d’établissements à contracter une assurance médicale à leurs employés qui ne peuvent bénéficier de la couverture sociale. Et d’insister sur la nécessité pour le gouvernement d’instaurer une loi équitable, de servir tous ceux qui cotisent, qu’ils soient contractuels, travailleurs à mi-temps ou travailleurs étrangers, ou alors, de réduire les charges des établissements vis-à-vis de ces employés. À l’heure actuelle, et malgré les nombreuses pétitions adressées par les six grands groupes de l’enseignement privé du Liban, à savoir, le secrétariat général des écoles catholiques, l’association de bienfaisance islamique Amiliyé, les écoles orthodoxes du Liban, l’association de bienfaisance islamique des Makassed, l’association Arfan ainsi que les écoles évangélistes, le gouvernement continue de faire la sourde oreille. Et pourtant, remarque Mgr Zeidan, le syndicat des enseignants a reconnu la priorité d’un équilibre entre les charges des établissements et les augmentations de salaires des enseignants, dans un accord écrit avec les institutions scolaires. «Mais, déplore le secrétaire général, seule la loi sur les augmentations est passée, et rien n’a été fait pour diminuer les charges des établissements», insistant sur le fait que cela mènera inévitablement à une augmentation du coût de l’éducation, sans contrepartie. «Les établissements catholiques ont jusque-là fait l’effort de freiner l’augmentation des scolarités, reprend Mgr Zeidan, mais ils ne pourront pas supporter la dernière augmentation des salaires des enseignants sans une nouvelle hausse des scolarités. Et si les coûts de l’éducation deviennent supérieurs aux possibilités des parents, nous allons littéralement vers la faillite», prévient-il. C’est pourquoi tente-t-il de persuader le syndicat des enseignants qu’une augmentation des salaires n’est pas à leur avantage, car elle risque de mener à des dépôts de bilan et à des licenciements, surtout si la crise économique persiste. Et de reprendre : «Il est légitime qu’un enseignant ait un salaire décent, mais en même temps, il doit produire un travail qui justifie ce salaire et avoir la formation adéquate. Malheureusement, dans notre pays, les enseignants ne veulent travailler que quelques heures par jour, tout en exigeant des salaires élevés». Les écoles catholiques face aux impayés Entretemps, et dans l’attente d’une quelconque réaction de la part du gouvernement libanais, les établissements privés s’enlisent chaque année plus profondément dans le problème des scolarités impayées. Les seules statistiques disponibles à l’heure actuelle sont celles d’octobre 1999, représentant 41 milliards 900 millions de livres d’impayés au niveau des seules écoles catholiques. Écoles qui regroupent 200 000 élèves sur 500 000 élèves de l’ensemble des établissements privées. «Mais nous avons la certitude, regrette Mgr Zeidan, que le chiffre d’octobre 2000 sera de loin supérieur à celui de l’année précédente». «Et si le problème résulte essentiellement de la crise économique, explique-t-il, la hausse des salaires des enseignants n’a fait qu’empirer les choses, provoquant un déséquilibre dans les budgets, car parallèlement les revenus des familles n’ont pas évolué, alors que les charges et le coût de la vie n’ont cessé d’augmenter, et que faillites et chômage sont devenus chose courante». Quant aux instructions que le secrétariat donne pour traiter ce problème, elles sont claires, selon Mgr Zeidan. Les écoles catholiques aident systématiquement les personnes qui sont dans l’incapacité de payer les scolarités, dans la mesure de leurs possibilités, mais sont intraitables avec les fraudeurs, de plus en plus nombreux. Paradoxalement, constate-t-il, de nombreuses familles, réellement dans le besoin, ont honte d’avouer leur gêne et retirent leurs enfants de l’école privée, sans demander de bourse scolaire. «Il est évident que nous tentons de garder les enfants de ces familles démunies dans nos écoles sans qu’elles le demandent, mais nous nous heurtons souvent à des refus, par fierté». Parlant au nom de nombreuses écoles privées du pays, Mgr Zeidan dit que la majorité des institutions appartient à des communautés religieuses, chrétiennes ou musulmanes, et qu’elle se refuse à aller devant la justice pour régler les différends avec les parents d’élèves concernant les écolages impayés. Cependant, reprend le secrétaire général, si chacun se dérobe à ses obligations, c’est certainement la fin du système éducatif privé au Liban. C’est pourquoi l’entraide est nécessaire, de la part de tous, pour que le système continue de fonctionner. Ainsi, l’année passée, 23 milliards de livres ont été consacrés aux bourses et aides scolaires dans les écoles catholiques. Cependant, le secrétaire général des écoles catholiques constate que ce système ne peut fonctionner que dans les milieux aisés, car demande-t-il, «dans les régions où tous les élèves appartiennent à la classe défavorisée, qui peut aider ces enfants ?» «C’est d’ailleurs dans ces écoles accueillant des enfants de milieux défavorisés que l’on a assisté à une forte diminution du nombre d’élèves, allant parfois jusqu’à 50 % des effectifs», déplore-t-il. Un exode des élèves vers l’école publique est survenu, alors que de nombreux parents se sont abstenus de régler les sommes dues aux établissements. Dans l’incapacité de payer les salaires de leurs enseignants durant la période d’été, ceux-ci ont attendu la rentrée pour pouvoir le faire, mais ont souvent été contraints à réduire le nombre de sections et de licencier des enseignants, ne pouvant plus supporter le poids des scolarités impayées. Malgré ces graves problèmes, le nombre d’élèves des écoles catholiques n’a diminué que de 2 % environ, estime Mgr Zeidan. Cela s’explique par le fait que certaines écoles continuent à s’agrandir et à recevoir un nombre plus important d’élèves chaque année, alors que les petites écoles privées des régions pauvres sont réduites à fermer leurs portes, faute d’élèves et de moyens. L’avertissement que Mgr Zeidan lance au gouvernement libanais n’est pas un vain mot. «Car, conclut-il, à ce train, c’est tout l’enseignement qui est menacé d’effritement, alors que l’avenir de 52 000 enseignants est hypothéqué, avec toutes les conséquences sociales que leur licenciement pourrait provoquer…» C’est pourquoi il espère que le nouveau gouvernement prendra en considération la conjoncture actuelle et proposera des solutions adéquates, appelant aussi à une plus grande unité entre les membres de la famille scolaire, parents, enseignants et établissements, pour que l’enseignement privé puisse continuer à assurer une éducation de qualité aux enfants du Liban. (1) Voir L’Orient-Le Jour du mercredi 11 et du lundi 16 octobre.
À l’heure où la crise économique touche les différentes couches de la société libanaise, le secrétaire général des écoles catholiques, Mgr Camille Zeidan, multiplie les mises en garde contre les risques d’essoufflement des écoles privées, minées depuis plusieurs années déjà par les scolarités impayées et les fonds d’aides consacrés aux élèves les plus...