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Actualités - ANALYSE

Sensationnelle mais assez improbable : l’entrée du Hezbollah au gouvernement

On a souvent reproché au pouvoir issu de Taëf de tenir soigneusement à l’écart l’Est politique. On a rarement relevé, par contre, que le Hezbollah, qui contrôle depuis 1992 un bloc parlementaire de 10 membres (7,8 % d’une Assemblée qui compte 128 élus), n’a jamais fait partie du gouvernement. À dire vrai, il n’a jamais beaucoup insisté pour décrocher un maroquin. Une réserve qui s’explique par d’innombrables raisons, dont une certaine difficulté idéologique d’ajustage avec un système basé sur des compromis sinon sur des compromissions. Mais cette fois les donnes et les enjeux sont de taille. Et tout à fait différents des normes ordinaires. L’État libanais, dont la volonté politique réelle se cristallise bien plus dans l’Exécutif que dans le Législatif, est appelé à faire des choix décisifs, en raison de la conjoncture régionale. Il peut être amené à signer la paix (ce qui semble s’éloigner pour le moment) ou à se blinder solidement pour résister du mieux qu’il peut à un statu quo houleux. Dans tous les cas, il est intéressant pour n’importe quelle force politique d’avoir voix au chapitre. Tout comme il est important pour les décideurs régionaux que la partie libanaise sous contrôle parle d’une même voix, sans dissonances intestines, à l’heure des choix difficiles, comme la problématique signature de la paix. D’autre part, le Hezbollah et le Liban officiel, à force de petits pas positifs ces deux dernières années, ont fini par coller l’un à l’autre. Vu sous cet angle, il n’y a donc pas de raison que la jonction ne se trouve pas couronnée par l’entrée du parti au gouvernement. Mais, répétons-le, il y perdrait de sa liberté de mouvement politique. Il n’est pas étonnant d’entendre aujourd’hui ses cadres confier en privé que «le Hezb se tâte encore». Et d’ajouter : «Il faut voir comment les choses vont se présenter. Tant au niveau des nécessités d’ordre régional qu’à celui des arrangements intérieurs.» Cependant, ces militants indiquent que dans leur majorité, les membres du directoire du Hezbollah «répugnent à l’idée de rejoindre les allées du pouvoir officiel. Cela banaliserait par trop notre action socio-politique et nous aurions, ipso facto, beaucoup trop de concessions à faire concernant nos objectifs de réforme en profondeur de la vie politique. Nous ne pourrions plus faire de l’opposition, alors que cela pourrait s’imposer pour défendre le peuple. Il est préférable de travailler à travers une participation active et vigilante aux commissions parlementaires. Sans compter qu’en entrant au gouvernement nous nous trouverions automatiquement bridés en tant que force de résistance active sur le terrain. Ce qui est évidemment pour nous une priorité». Selon d’autres sources qui se disent informées, «Damas n’a pas demandé au Hezbollah de faire partie du prochain gouvernement, comme l’affirment certains». «D’ailleurs, affirment ces sources, les Syriens se tiennent cette fois strictement à l’écart du dossier gouvernemental. Ils ne soutiennent aucun ministrable et, inversement, n’opposent leur veto à la désignation d’aucune personnalité, à la représentation d’aucun courant». Il n’empêche que les souhaits qu’on leur attribue sont connus. Et respectés. Toujours est-il que la réserve sur laquelle le Hezbollah continue à se tenir fait sans doute les affaires du président Nabih Berry. Il peut de la sorte rafler la mise du côté de la représentation chiite. Et il s’en trouve si fort que, selon certains de ses supporters, «il entend empêcher M. Rafic Hariri de composer le menu ministériel à sa guise». «Le leader d’Amal, ajoutent ces sources, estime que selon la lettre et l’esprit de la Constitution, le Premier ministre désigné doit constituer son équipe en plein accord, c’est-à-dire en association, avec le chef de l’État qui lui-même doit agir en partenariat avec le président de la Chambre». De plus, et toujours selon ces sources, «M. Berry, qui est le patron du bloc parlementaire le plus gonflé numériquement, demande à avoir proportionnellement autant de ministres au gouvernement qu’il a de députés à la Chambre. Comme son bloc parlementaire direct (on ne compte pas les alliés) comprend 18 éléments, cela fait 14% et il voudrait donc nommer lui-même trois ministres sur les 24 que comprendrait le nouveau Cabinet. Bien entendu, pour ses trois délégués potentiels, il réclame aussi des portefeuilles-clés, dont les Finances auxquelles M. Hariri tient tant». Comme on voit, la sauce ne sera pas facile à lier. Et il est encore heureux que MM. Hariri et Berry soient des alliés. Philippe ABI-AKL
On a souvent reproché au pouvoir issu de Taëf de tenir soigneusement à l’écart l’Est politique. On a rarement relevé, par contre, que le Hezbollah, qui contrôle depuis 1992 un bloc parlementaire de 10 membres (7,8 % d’une Assemblée qui compte 128 élus), n’a jamais fait partie du gouvernement. À dire vrai, il n’a jamais beaucoup insisté pour décrocher un maroquin....