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Actualités - REPORTAGES

ENVIRONNEMENT - Un projet inédit et à multiples intérêts des Makassed À Tarik Jdidé, le tri à la source, c’est créatif !

Rien ne se perd, tout se crée… et surtout se transforme ! Certaines dames de Tarik Jdidé appliquent ce principe (un peu tronqué par rapport à l’original, il faut l’avouer) et font d’une pierre deux coups : elles contribuent à préserver l’environnement et s’assurent des rentrées. Comment ont-elles réussi ? Sur une initiative de l’Association des Makassed, le département de développement et d’environnement de cette institution a ouvert un centre qui organise des sessions de formation d’un style spécial : les dames apprennent à confectionner des objets artisanaux à partir de matériaux usés ou destinés à être jetés. Ce qui, fatalement, les conduit et un certain nombre de personnes de leur entourage à s’habituer au tri des déchets à la source… Énergique, passionnée par l’environnement qui est clairement pour elle plus qu’un métier, Bassima al-Khatib raconte l’origine d’une idée toute simple, mais qui fait boule de neige. «Lors d’un voyage au Caire, l’une de mes collègues a été séduite par un projet hors du commun, dit-elle. Dans un quartier pauvre, des habitants vivaient, littéralement, dans un dépotoir. Des associations écologiques et caritatives ont fait leur entrée dans ce nid de misère et ont enseigné aux habitants à mieux profiter de cette ressource de fortune : elles leur ont inculqué les notions de tri et de réutilisation, faisant revivre, dans le processus, des artisanats oubliés et des techniques de compostage». L’idée n’a évidemment pas été implantée telle quelle au Liban, mais elle a donné naissance à une initiative qui, outre ses bienfaits économiques pour les intéressées, prend l’allure d’une véritable campagne de sensibilisation au problème des déchets. «Nous travaillons actuellement dans le quartier de Tarik Jdidé puisque nous y sommes implantés d’une part, et que c’est une région peuplée par une classe moyenne et défavorisée d’autre part», poursuit Mme Khatib. Dans le cadre du Programme de gestion urbaine mené par les Nations unies en collaboration avec les Makassed, une première étude sur les déchets solides à Beyrouth et à Tripoli a été effectuée par le département d’études environnementales de l’AUB en 1996. Une seconde étude centrée plus spécifiquement sur Tarik Jdidé a suivi, réalisée par MAA-DATA, un bureau de statistiques, et a montré que les habitants de ce quartier seraient plutôt réceptifs à une perspective de tri à la source. Et c’est à partir de là que l’aventure commence… avec des campagnes de sensibilisation sur l’importance du tri des déchets à la maison et de la réutilisation des objets. Un échantillon de 500 foyers a été couvert jusqu’à présent, dont 275 ont coopéré avec le projet. Depuis, un récipient spécial coupé en deux leur a été offert : il est destiné au tri du verre et des tissus. Une personne de la part de l’association se charge de la collecte, auprès des foyers, deux fois par mois. Au centre, ces objets sont gardés s’ils peuvent être utilisés, et, dans le cas contraire, envoyés aux rares usines de recyclage toujours opérationnelles dans le pays. Plus économique à grande échelle Mais cela n’est qu’un volet du travail du département de développement et d’environnement. En même temps que les campagnes de sensibilisation, les volontaires qui ont fait du porte-à-porte ont aussi recueilli l’adhésion enthousiaste de dames désireuses d’apprendre des métiers artisanaux dans le nouveau «Centre de Tarik Jdidé pour le développement citadin», à partir des matériaux collectés. Ce faisant, elles doublaient l’intérêt de l’affaire par une perspective de rentrée financière supplémentaire. Les volontaires ont commencé à affluer en 1998, quand le centre a fini d’être aménagé. «Au début, elles n’étaient qu’une trentaine, mais plus de deux cents ont reçu des certificats depuis l’ouverture effective du Centre, explique Mme Khatib. Deux cents autres continuent de suivre les sessions. Elles payent une somme symbolique de dix mille livres libanaises». Il existe actuellement six spécialisations enseignées au centre. Une fois qu’elle maîtrise une ou plusieurs d’entre elles, la personne ayant suivi la session se trouve capable de créer des objets destinés à la vente. Elle peut écouler elle-même sa nouvelle marchandise ou la vendre dans une exposition permanente au centre. Mais, comme ce local n’est pas très indiqué pour la vente, étant éloigné des rues principales, l’administration du département a l’ambition d’acquérir un magasin commercialement plus rentable, surtout que de plus en plus de diplômées reviennent travailler sur place. Cependant, l’éternel spectre de l’insuffisance des fonds guette ce projet des Makassed, autant que ceux des autres associations, en ces temps difficiles. «Durant les deux premières années, le financement était assuré par le Programme de gestion urbaine des Nations unies, souligne Mme Khatib. Mais depuis la fin de ce programme, nous tentons de nous procurer un autre financement auprès des ambassades, des ministères ou des organisations nationales ou internationales. Parfois, nous sommes obligées de freiner nos activités ou de diminuer nos charges faute de fonds». Même si les ventes progressent, le centre continuera à ne pouvoir s’autofinancer qu’en partie. «Mais de toute façon, fait remarquer Mme Khatib, notre objectif, c’est surtout la sensibilisation aux techniques d’une bonne gestion de déchets. Voilà pourquoi nous n’avons pas hésité à nous lancer dans un projet somme toute coûteux : quelque cent mille dollars par an». Malgré les difficultés, le projet a-t-il des possibilités d’expansion ? «Pour nous attaquer, dans un premier temps, aux autres quartiers de Tarik Jdidé, nous devons travailler en collaboration avec les associations qui y sont actives, et qui les connaissent beaucoup mieux que nous, explique Mme Khatib. Nous leur transmettons l’idée et les aidons jusqu’à ce qu’elles l’appliquent». D’ailleurs, fait-elle remarquer, l’association est prête à une collaboration avec n’importe quelle autre formation qui désire l’implanter dans son milieu. «L’automne passé, nous avons organisé une session pour des représentants d’associations issus de diverses régions libanaises, explique-t-elle. Il est important pour nous que cette affaire fasse boule de neige et qu’elle se transmette à tous. Par ailleurs, nous essayons de répandre notre action à travers les différents centres des Makassed mêmes». Etant elle-même impliquée dans le domaine de l’environnement, comment conçoit-elle les avantages d’une politique nationale de gestion des déchets (actuellement quasi inexistante) ? «Tous ceux qui se lancent dans des programmes de tri savent qu’il est difficile de mener à bien leur action parce que les usines de recyclage sont encore peu nombreuses et inopérantes pour la plupart, explique Mme Khatib. Les associations peuvent obtenir des résultats dans leur champ d’action mais il est nécessaire que l’État prête main-forte aux usines». D’autre part, remarque-t-elle, le tri et la collecte, si coûteux à petite échelle, deviennent rentables à un niveau plus vaste. «Si une politique nationale était adoptée en ce sens, la collecte serait effectuée partout par une ou plusieurs sociétés, et il serait donc plus facile aux habitants de s’habituer au tri», souligne-t-elle. Toutes les personnes désireuses d’obtenir de plus amples informations sur le projet peuvent contacter le Centre de Tarik Jdidé au 01-646506. Suzanne BAAKLINI
Rien ne se perd, tout se crée… et surtout se transforme ! Certaines dames de Tarik Jdidé appliquent ce principe (un peu tronqué par rapport à l’original, il faut l’avouer) et font d’une pierre deux coups : elles contribuent à préserver l’environnement et s’assurent des rentrées. Comment ont-elles réussi ? Sur une initiative de l’Association des Makassed, le...