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Actualités - COMMUNIQUES ET DECLARATIONS

CONSULTATIONS - Une quarantaine de députés ont crié au scandale Vaste opposition parlementaire à la configuration du nouveau gouvernement

Décidément, M. Rafic Hariri prend un mauvais départ. Son équipe ministérielle n’a pas encore vu le jour et déjà, des voix s’élèvent pour contester aussi bien sa configuration politique que le procédé suivi pour la former. Hier, il semblait acquis, à moins d’un revirement de dernière minute aujourd’hui ou demain, que le nouveau gouvernement sera bel et bien formé des personnes dont les noms ont été filtrés à la presse au cours des deux derniers jours. Au Parlement où M. Hariri engageait les consultations parlementaires d’usage afin de soi-disant former son équipe, une quarantaine de députés ont crié au scandale. Il reste que la majorité, elle, semblait trouver normal que ces consultations (même si elles ne sont pas contraignantes) ne soient en définitive qu’une procédure de pure forme, que la composition du Cabinet soit décidée «ailleurs» bien avant la nomination du chef du gouvernement et que leur avis compte peu dans la formation de la nouvelle équipe qui ressemble étrangement de par sa configuration – si elle est bien sûr maintenue et à l’exception de quelques figures – à celles des gouvernements Hariri précédents. Les critiques portant sur la structure de l’équipe proposée s’articulent autour de trois points : sa composition qui a précédé la nomination du chef du gouvernement ; sa nature parce qu’elle est loin de répondre aux impératifs de l’entente nationale préconisée par de nombreux pôles politiques et les critères de choix des ministres, plus personnels que techniques. Si le chef du gouvernement veut apporter une modification quelconque à sa structure gouvernementale, ce serait essentiellement pour répondre aux vœux de son allié à la Chambre, M. Walid Joumblatt, un des principaux opposants à la formule retenue pour la nouvelle équipe ministérielle. M. Joumblatt, qui préside le troisième bloc le plus important de la Chambre, refuse de limiter sa représentation au Cabinet aux seuls ministres druzes. Il souhaite y être représenté par des députés chrétiens, ce qui va dans le sens de sa politique d’ouverture sur cette communauté et de son appel à une réconciliation nationale qui passerait par l’intégration de tous les courants représentés sur la scène locale à la vie politique. «Nous exigeons que le Rassemblement démocratique (bloc parlementaire qu’il préside) soit représenté par la plus vaste tranche politique et communautaire possible. Je refuse que la représentation de ce bloc qui comprend seize députés se limite au niveau druze. Nous avons appelé avant les élections à un dialogue franc, à l’unité nationale et à l’ouverture (sur les autres) et je tiens toujours à ces éléments. Voilà pourquoi je ne peux pas abandonner mes camarades au sein du bloc qui comprend des personnalités compétentes chrétiennes mais aussi sunnites et chiites parfaitement aptes à faire partie du gouvernement. Pour ce qui est des druzes, ils peuvent être représentés par des figures non partisanes. Je ne veux pas limiter la représentation druze à Walid Joumblatt ou au PSP», a-t-il déclaré au terme de l’entrevue de son bloc avec M. Hariri, place de l’Étoile. Le leader druze a affirmé avoir communiqué son point de vue au chef du gouvernement «tout comme j’en avais informé le président de la République qui s’est emporté parce que je me suis comparé à (Yasser) Arafat». Et d’ajouter : «Ce n’est pas lui que j’ai comparé à Arafat. Pauvre Arafat qui, de retour à Gaza, s’est doté d’une garde présidentielle pour pouvoir en recevoir les membres. Il n’a personne d’autre. Et nous, les députés, qu’on nous respecte au moins sur le plan de la forme. Comment ? En procédant à la désignation du chef du gouvernement avant la formation du Cabinet. C’est tout. Et puis, il y a tout le Mont-Liban qu’on oublie. Aucun député de ce caza n’est pressenti pour participer à ce gouvernement. Pourquoi ? À quoi servent les élections si on nous prend tellement à la légère ?». S’il faut tenir compte de la logique selon laquelle les blocs parlementaires les plus importants doivent être représentés à égalité au sein du gouvernement, M. Joumblatt doit avoir autant de ministres que M. Hariri, surtout que, comme ce dernier à Beyrouth, il a remporté une victoire éclatante au Chouf et à Aley. Mais le choix des nouveaux ministres répond à deux critères bien particuliers : les affinités et les liens personnels (avec les chefs de l’État et du Parlement, et, dans une moindre mesure, avec le président de la République) et une majorité favorable à la Syrie. C’est ce qui explique le mouvement de contestation parlementaire à la formule proposée et auquel même le bloc Hariri n’a pas échappé. «Nous étions tous d’accord sur la nécessité de former un gouvernement qui inspire confiance et nous avons aussi affirmé que tous les leaderships politiques et les régions doivent y être représentés», a déclaré M. Merhej au nom du bloc qui a tenu une réunion avant de se rendre place de l’Étoile pour les consultations. « Un partage de parts » Au cours de l’entrevue, M. Merhej a fait savoir au chef du gouvernement que la région d’Achrafieh doit être représentée au Cabinet et a proposé la nomination de M. Pierre Pharaon, élu le 3 septembre au siège grec-catholique de Beyrouth I, au sein de la nouvelle équipe, a-t-on appris de sources parlementaires. Le fait que la structure gouvernementale reflète un partage de parts a sans doute encouragé de nombreux députés à réclamer une meilleure participation de leurs blocs, régions ou communautés. Le Conseil supérieur de la communauté greque-catholique devait ainsi remettre au chef du gouvernement, en soirée, un mémorandum réclamant que Beyrouth et la Békaa soient représentés au sein du gouvernement par deux membres de la communauté, en l’occurrence MM. Michel Pharaon et Élias Skaff. Dans le même temps, Bkerké faisait indirectement savoir aux autorités qu’il conteste la représentation parlementaire au sein du gouvernement. Se faisant l’écho de ceux qui croient qu’il est possible de parvenir à une meilleure représentation régionale et communautaire dans la nouvelle équipe ministérielle, M. Nicolas Fattouche, qui s’est exprimé au nom du bloc populaire de la Békaa (Élie Skaff et Georges Kassarji), a proposé la nomination de M. Skaff parmi les ministres. Les députés arméniens ont pour leur part protesté contre le fait qu’ils ne sont représentés que par un seul ministre au lieu de deux, a-t-on appris de mêmes sources, tandis que le Hezbollah a catégoriquement annoncé qu’il n’est pas question pour lui de faire partie d’un gouvernement «formé sur base relations personnelles». «La phase délicate que nous vivons commande un dialogue concernant la vision politique qui sera appliquée et un consensus au sujet d’un programme gouvernemental. Mais, en l’absence de conditions propices à ce dialogue et parce que le gouvernement est formé sur base de relations personnelles et non pas d’un programme, nous ne pouvons pas faire partie d’une galère en ignorant dans quelle direction elle va s’engager et comment elle va se mouvoir», a déclaré M. Mohammed Raad au nom du bloc. Des réserves ont été également exprimées par M. Nassib Lahoud : «J’ai exprimé de nombreuses réserves au sujet des noms (de ministrables) filtrés à la presse. Mon appui à la candidature de M. Hariri ne peut pas être assimilé à un chèque à blanc signé en sa faveur. Je crains que la formation d’un tel gouvernement fondé sur la nomination de ministres parmi les sbires et les gendres ne porte un coup au capital-confiance dont bénéficie M. Hariri tout comme s’est tassé l’élan qui a ponctué l’élection du président Lahoud». À l’instar de M. Joumblatt, le député du Metn a affirmé avoir également exprimé des réserves au sujet des informations selon lesquelles le gouvernement a été formé depuis quelques jours, «ce qui est en contradiction totale avec notre système démocratique et avec Loi fondamentale». «Constituer les équipes ministérielles de cette façon est un défi au Parlement et dénote un mépris de la volonté populaire», a-t-il renchéri pendant que le bloc de MM. Maurice Fadel, Mohammed Safadi et Mohammed Kabbara soulignait que le gouvernement devrait «donner le coup d’envoi à un dialogue interlibanais». Les trois députés ont toutefois laissé entendre qu’ils se font peu d’illusions à ce sujet «parce que c’est le principe du partage des parts qui commande la formation du nouveau gouvernement». Même constat de la part des cinq députés de Kesrouan-Jbeil qui n’avaient pas soutenu la veille la candidature de M. Hariri à la tête du gouvernement : Georges Frem, Neemetallah Abi Nasr, Farès Souaïd, Nazem Khoury et Mansour el-Bone. «Nous avons participé à ces consultations au moment où l’opinion publique sent que tout a été décidé d’avance», a indiqué M. Frem au nom du bloc, avant de reprendre à son compte la prise de position de M. Joumblatt, faisant état d’une «injustice qui affecte une importante tranche de la population» en allusion aux chrétiens. Le député qui s’est exprimé en faveur de la formation d’un gouvernement fort a invité les leaderships du pays à «mettre fin aux pratiques qui se poursuivent pour renforcer le sentiment de marginalisation éprouvé par cette tranche du peuple». « Une formule explosive et un poids » Pour le deuxième bloc parlementaire du Kesrouan-Jbeil au nom duquel M. Boueiz s’est exprimé, la formule ministérielle filtrée à la presse est pour le moins «explosive». «Nous espérons qu’elle ne sera pas retenue et que les responsables réaliseront que cette formule lancée sur le marché médiatique n’est pas correcte. Nous craignons que les autorités de ce pays ne tombent sous ce poids gouvernemental qu’elles ne pourront pas supporter», a-t-il ajouté avant de se prononcer pour la formation d’un gouvernement de salut. Avantageusement représenté au sein du Cabinet, le bloc de M. Berry s’est contenté d’énumérer les dossiers auxquels le nouveau gouvernement doit s’attaquer. Quant aux parlementaires qui ont choisi de ne pas s’arrêter sur la formule ministérielle filtrée par la presse, ils se sont prononcés, en gros, en faveur de la formation d’un Cabinet d’entente nationale, représentatif, homogène et apte à résoudre la crise socio-économique. En tout dans la journée d’hier, M. Hariri a recueilli l’avis de 15 blocs parlementaires et de 10 députés. Seul M. Albert Moukheiber s’est excusé de ne pouvoir participer aux consultations pour des raisons de santé. Le chef du gouvernement doit s’entretenir aujourd’hui avec 18 parlementaires et se rendre ensuite à Baabda pour faire le point avec le chef de l’État, le général Émile Lahoud. On ignore la date à laquelle la composition du nouveau gouvernement sera annoncée, même si M. Hariri a indiqué, à sa sortie hier soir du Parlement, que ce ne sera pas avant vendredi. Selon certaines sources, les chefs de l’État et du gouvernement pourraient promulguer ce soir-même le décret de formation du Cabinet afin d’éviter que la polémique autour de la configuration de l’équipe qui succédera à celle de M. Hoss ne s’envenime. Devant les correspondants de presse accrédités à la Chambre, M. Hariri a tenté de minimiser l’importance de cette polémique, en indiquant que la composition de son équipe n’est pas prête «pour qu’on s’y oppose». Il a assuré qu’il tiendra compte de l’avis des parlementaires «conformément à notre système démocratique». Est-ce la raison pour laquelle il y avait eu en soirée un changement de dernière minute, concernant la représentation parlementaire chrétienne ? Pour contenir le mécontentement des maronites, il aurait été décidé de confier un portefeuille ministériel à un député maronite du Mont-Liban, M. Farid el-Khazen, (Jbeil-Kesrouan), à la place de M. Farid Raphael et non pas de Jean-Louis Cordahi, a-t-on appris de sources dignes de foi. Quelques changements – sans impact majeur cependant sur la nature politique du gouvernement – pourraient également intervenir au niveau de certains portefeuilles. On a ainsi appris que M. Chérif Fayad pourrait être nommé à la place de MM. Marwan Hamadé ou Akram Chéhayeb et que M. Fayez Chakar (Baas prosyrien de Baalbeck) remplacerait M. Nazih Beydoun (Baas du Liban-Sud) à l’Agriculture. Tilda Abou RIZK
Décidément, M. Rafic Hariri prend un mauvais départ. Son équipe ministérielle n’a pas encore vu le jour et déjà, des voix s’élèvent pour contester aussi bien sa configuration politique que le procédé suivi pour la former. Hier, il semblait acquis, à moins d’un revirement de dernière minute aujourd’hui ou demain, que le nouveau gouvernement sera bel et bien formé...