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Actualités - ANALYSE

Crise d’identité

 C’est à sa politique intérieure que l’on jugera le nouveau gouvernement et non au panache d’une politique extérieure toute faite et à laquelle il n’y a pas de substitut, tant que nos gouvernants seront les mêmes. À sa politique intérieure, en particulier à sa politique économique, pour autant qu’elle puisse être dissociée de la politique étrangère, mais surtout à sa manière de s’attaquer à la racine de la crise d’identité politique et nationale que vit en ce moment le Liban, et qui est sans doute son problème le plus grave. Aliéné, le Liban est de plus en plus étranger à son propre destin. Pour le patriarcat maronite, l’accord de Taëf, qui a transféré vers l’islam une partie du pouvoir exécutif, a été vidé de son sens par la Syrie qui, après avoir lié le Liban par un traité d’amitié (1991), refuse de discuter avec son gouvernement, non seulement de la présence de son armée, mais de celle d’une bonne partie de son peuple au Liban. Taëf a été vidé une deuxième fois de son sens quand on a manœuvré pour empêcher les véritables représentants de l’électorat chrétien de participer au pouvoir de décision. Or ce partage du pouvoir est le véritable esprit de la nouvelle Constitution. Il est le reflet de la volonté de vivre en commun. Mais c’est précisément là qu’il y a eu blocage. Des lois électorales taillées sur mesure ont doté le Liban d’un semblant de nouvelle classe politique dans laquelle il ne se reconnaît toujours pas, tandis que des erreurs de parcours étaient commises par certains de ces représentants qui se sont mis eux-mêmes hors-jeu. Et ce ne sont pas les quelques bonnes volontés incapables d’aller au bout de leurs idées qui peuvent arranger les choses. Et voilà qu’on en vient jusqu’à vouloir empêcher le patriarcat maronite de s’exprimer sur une aliénation dont il est victime. Mais enfin qu’est-ce que ce Liban sur lequel la communauté maronite, qui en est la matrice, est empêchée de se prononcer ? Entre le Liban de 1943 et celui de 1990, il y a décidément un hiatus historique que les Libanais, désorientés, ne parviennent ni à combler, ni à franchir. Créé pour servir la réconciliation nationale, le pacte national de Taëf est utilisé pour servir une exclusion nationale. Avec des références différentes qu’il leur est défendu de partager, les Libanais sont incapables de se rappeler leur propre vocation et naviguent avec incohérence entre le Liban de la Résistance, dont la référence est islamique, le Liban Monaco de l’Orient, le Liban laïc des droits de l’homme et du citoyen, etc. Encore, si l’atteinte à la mémoire collective se manifestait seulement au niveau des institutions ! Or elle est partout, jusque dans la vie quotidienne, jusque dans les plaques des voitures, les trottoirs, les cités sportives anonymes. Le jour, les enfants sont confiés à des écoles qui leur transmettent une mémoire tronquée, à travers un livre d’histoire censuré, dont les coupures seront éventuellement reconstituées plus tard par leurs propres efforts, s’ils en ont la vigueur intellectuelle. Il faut donc revenir à l’esprit de l’accord de Taëf. La Constitution n’ayant pas prévu d’attributions propres pour le président de la République, à l’exception d’un pouvoir suspensif provisoire, c’est donc sa personnalité qui va compter, plus que ses prérogatives. D’où l’importance d’un président fort et représentatif, incarnant la volonté de vivre en commun, et dans lequel tous les Libanais, à commencer par sa propre communauté, se reconnaissent. Pour que le système fonctionne, pour que la volonté de vivre en commun des Libanais soit sans ombres, il faut faire en sorte qu’il n’y ait pas ingérence externe dans les choix, par les communautés du Liban, de leurs représentants. Il est à peine besoin de souligner combien cette règle d’or a été bafouée durant les trois élections organisées depuis 1992. On aurait pu en compenser certains des effets à travers une bonne composition du gouvernement. En excluant aujourd’hui de ce dernier des personnalités représentatives qui ont la confiance des Libanais, les responsables commettent l’erreur historique de dire non à la réconciliation . Fady NOUN
 C’est à sa politique intérieure que l’on jugera le nouveau gouvernement et non au panache d’une politique extérieure toute faite et à laquelle il n’y a pas de substitut, tant que nos gouvernants seront les mêmes. À sa politique intérieure, en particulier à sa politique économique, pour autant qu’elle puisse être dissociée de la politique étrangère, mais...