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Actualités - CONFERENCES ET SEMINAIRES

COLLOQUE - Les droits de l’homme dans les médias libanais Après deux jours de débat, ce qui reste encore à faire…

Évoquer les droits de l’homme dans la presse libanaise, c’est poser avant tout le problème des contraintes qui pèsent sur nos médias. M. Antoine Messarra a beau relever le grand bond effectué par la presse écrite sur le plan de la mobilisation au service des libertés, côté télé, c’est encore la «Bérézina». Discuter pendant des heures au cours du colloque d’Amnesty International sur l’état des lieux ne change rien à une situation particulièrement dramatique, où, en dépit d’efforts individuels de la part des journalistes, le gros du travail demeure soumis à une politique générale de la chaîne, souvent confessionnelle ou sélective. Mais au moins, le dire permet de se défouler et accessoirement de susciter une prise de conscience populaire. En attendant les changements réels… Quelle stratégie peut-on adopter lorsque les médias obéissent avant tout aux contraintes politiques, sécuritaires, confessionnelles et aux exigences de la publicité ? C’est la principale conclusion qui se dégage du colloque de deux jours organisé par Amnesty International à l’occasion de l’ouverture de son bureau régional à Beyrouth. Selon la plupart des participants, souvent des journalistes confirmés ou des chercheurs spécialisés, la presse libanaise fait beaucoup d’efforts pour suivre les grands mouvements de défense des droits de l’homme, mais le résultat demeure insuffisant, faute de souffle, de continuité, de moyens, de formation et de liberté d’action. Les contraintes ne sont d’ailleurs pas seulement imposées par l’État et ses services, mais aussi par les propriétaires des médias, qu’ils aient des considérations confessionnelles, politiques ou commerciales. Résultat, la marge de manœuvre est de plus en plus réduite, et les médias se laissent souvent aller à un journalisme de complaisance, devenant, à leur corps défendant sans doute, les gardiens d’un ordre bien établi, celui de la censure invisible. Une prise de conscience des journalistes Bien entendu, la situation peut s’améliorer grâce à une prise de conscience des journalistes eux-mêmes et à un plus grand souci de vérité et d’objectivité de leur part. La plupart des participants au colloque ont d’ailleurs mis l’accent sur la nécessité de donner une formation de journalisme d’investigation aux nouveaux venus dans le métier de manière à ce qu’ils acquièrent très vite le réflexe de la recherche et des recoupements des informations. Les participants ont écouté attentivement Janane Mallat, productrice d’émissions à la LBCI et véritable âme du programme culte al-Chater yehki qui a cessé d’être diffusé depuis près de deux ans. S’aidant d’extraits des émissions qui ont enregistré le plus haut taux d’écoute, Mallat a raconté les difficultés auxquelles elle se heurtait avec son équipe dans la préparation du programme, le choix des invités et les réactions du public. Finalement, le problème ne serait pas seulement au niveau de la presse, mais aussi – surtout devrait-on dire – dans la société libanaise prisonnière de nombreux préjugés et victime encore de nombreux blocages. Certains thèmes qui s’inscrivent dans le cadre des droits de l’homme ont provoqué de violentes réactions et il a souvent été difficile de trouver des invités de qualité. Loin d’être théorique, l’intervention de Janane a permis de montrer concrètement les difficultés pour les médias de sensibiliser l’opinion publique sur des thèmes délicats. Le plus triste est d’ailleurs de constater que l’émission s’est arrêtée pour être remplacée par un programme de jeux et depuis, aucun talk show social n’a pu occuper la place d’al-Chater Yehki. Pour la presse écrite, c’est certes plus facile, puisque les témoignages peuvent rester anonymes et il n’y a pas le même souci de l’image. Mais le problème est surtout dans la continuité. À certaines périodes, mus par une campagne internationale, les médias se souviennent des droits de l’homme et multiplient les articles, puis l’affaire retombe dans l’oubli, alors que c’est tous les jours qu’il faut lutter pour elle en dénonçant les infractions, judiciaires, sociales, politiques ou autres. Le colloque a d’ailleurs consacré plusieurs séances à la lutte contre la discrimination et la violence à l’égard des femmes, mais nul n’a évoqué le problème du racisme dans la société libanaise, qui continue à maltraiter le personnel domestique indépendamment de sa nationalité. Beaucoup d’idées donc, le plus souvent constructives, des débats francs et quelques déclarations de bonnes intentions. Le colloque d’Amnesty International a en tout cas permis de faire le point sur une situation loin d’être idéale afin que les Libanais, fiers d’accueillir le bureau régional de l’association, ne s’endorment pas sur cet acquis.
Évoquer les droits de l’homme dans la presse libanaise, c’est poser avant tout le problème des contraintes qui pèsent sur nos médias. M. Antoine Messarra a beau relever le grand bond effectué par la presse écrite sur le plan de la mobilisation au service des libertés, côté télé, c’est encore la «Bérézina». Discuter pendant des heures au cours du colloque...