Rechercher
Rechercher

Actualités - ANALYSE

Gouvernement - Appel à une révision de la Constitution Le report des consultations continue à susciter des remous

C’est toujours le même refrain : la Constitution issue de Taëf est un top model d’imperfection et de lacunes. En dix ans, on croyait en avoir fait le tour. On s’aperçoit aujourd’hui que ce n’est jamais fini : cette innovation surprenante qu’est le report des consultations parlementaires pose en effet derechef, sous un angle inattendu, cette question des délais que les textes omettent. Ou traitent très mal, quand ils en fixent par exemple pour la signature du chef de l’État au bas des décrets et non pour celles des ministres. L’article 53 C (Constitution) expédie en deux temps trois mouvements la procédure de sélection d’un nouveau Premier ministre : «Le président de la République, dit l’alinéa numéro 2, désigne un chef de gouvernement en consultation avec le président de l’Assemblée sur base de consultations parlementaires impératives». Un point c’est tout, et dans ce procédé cavalier, nulle mention d’un délai quelconque. Une négligence due sans aucun doute à la hâte dans laquelle la Constitution a été élaborée, l’objectif étant de mettre fin au plus vite à l’état de guerre dans le pays. On peut également penser que les législateurs ont inconsciemment fait confiance à la logique même des choses. C’est-à-dire que, normalement, dès le démarrage d’une nouvelle législature, le jour même ou le lendemain, elle est censée élire un Premier ministre. On constate cependant que la pratique peut dévier de la norme sans qu’aucun reproche puisse être adressé aux autorités puisque les textes ne les obligent à rien. Dès lors, le gel des consultations parlementaires peut en principe se prolonger autant que la libre discrétion du régime le voudrait. Bien que la coutume, qui a presque force de loi, veuille que le chef de l’État entame la procédure «sinon immédiatement du moins dans un délai de quelques petits jours», comme le souligne l’un des principaux artisans de Taëf, le président Hussein Husseini. Qui confirme que le législateur n’avait pas cru devoir fixer des délais car «il lui semblait naturel que dès la démission d’un gouvernement, le président de la République entame les consultations. Car il n’est pas logique de laisser le pays à la merci d’un gouvernement démissionnaire qui ne peut qu’expédier les affaires courantes, dans un sens du reste restrictif, comme le signale l’alinéa 2 de l’article 67 C». Toujours est-il que plusieurs politiciens doublés de juristes estiment préférable qu’on corrige la faille dans le texte. D’autant que l’élasticité en matière de délais ne tolère plus de marge depuis que les consultations parlementaires sont devenues contraignantes. En d’autres termes, l’esprit du système a été modifié. De présidentiel, il est devenu parlementaire, le chef de l’État n’ayant plus à ce niveau qu’un rôle d’enregistreur. Pour ces professionnels, à la limite ce sont les députés et non le président de la République qui ont le droit de reporter les consultations, car elles les concernent à eux et non à lui. Seulement le problème de fond reste que plusieurs forces politiques refusent qu’on touche à la Constitution malgré ses indéniables défauts. Ces courants ont peur qu’en commençant par régler des problèmes assez superficiels, comme cette histoire de délais, on en vienne à changer un système qui les avantage. Le fait est qu’il y a plusieurs points à traiter. Ainsi l’article 64 C laisse à un Premier ministre désigné la latitude de prendre tout le temps qu’il veut pour former son équipe, ou pour n’en rien faire si cela lui chante, ce qui place les institutions en péril de blocage total. Le président Husseini estime cependant, en extrapolant, qu’il existe à ce propos une solution basée sur l’alinéa 3 de l’article 69 C aux termes duquel dès la démission du gouvernement, la Chambre se trouve automatiquement convoquée en session extraordinaire. À l’en croire, cela signifie que l’Assemblée est en droit de trancher si le Premier ministre pressenti tarde trop dans la formation de son équipe. Mais cette approche est controversée. D’autant que, comme le pays en a vécu l’expérience sous le régime précédent, l’article 53C de son côté ne dit pas que faire si le chef de l’État et le président du Conseil désigné ne parviennent pas à s’entendre sur la composition du Cabinet. Autre lacune de la Constitution : elle ne fixe pas de délai au président de la Chambre pour soumettre les projets de lois à l’Assemblée, ce qui fait qu’il lui est loisible de les passer sous son coude, comme on dit, quand la fantaisie lui en prend. Quant aux projets de loi revêtus du caractère d’urgence, il est bien dit quelque part que l’Assemblée doit les examiner dans un délai de 40 jours, mais il n’est pas précisé si ce délai commence à courir dès réception ou lors de l’inscription à l’ordre du jour. Ce qui fait que ces textes peuvent être aussi joyeusement enterrés que les projets ordinaires. De nombreux pôles militent donc pour une révision de la Constitution. M. Mohsen Dalloul souligne pour sa part que le dialogue à ce propos est une nécessité, que onze ans après Taëf, il est temps d’amender les dispositions défectueuses et de clarifier celles qui restent ambiguës. Émile KHOURY
C’est toujours le même refrain : la Constitution issue de Taëf est un top model d’imperfection et de lacunes. En dix ans, on croyait en avoir fait le tour. On s’aperçoit aujourd’hui que ce n’est jamais fini : cette innovation surprenante qu’est le report des consultations parlementaires pose en effet derechef, sous un angle inattendu, cette question des délais que les...