Évolution historique du Liban

 Or rien dans notre histoire ne justifie une pareille opposition. D’abord, il est difficile de parler de races pures, de nos jours, à propos de pays comme le nôtre. En second lieu : 1) L’histoire n’a jamais enregistré la moindre opposition, le moindre conflit entre Phéniciens et Arabes. Les premiers ont disparu de la scène mondiale huit siècles avant l’apparition de ces derniers. 2) Aussi bien les uns que les autres ont eu pour berceau la péninsule arabique et sont également connus pour être d’origine sémitique. On attribue l’origine du nom «phénicien» à celui de «Pouanit» par lequel les Égyptiens désignaient la côte arabique de la mer Rouge. 3) Les Phéniciens et les Arabes sont les deux seuls peuples de l’Orient à avoir rayonné culturellement et démographiquement jusqu’aux rives occidentales de la Méditerranée. L’empire ou la civilisation égyptienne, assyrienne, babylonienne n’ont jamais franchi, vers l’Ouest, les limites qui ouvrirent aux Phéniciens et aux Arabes l’Afrique occidentale, l’Espagne et les Îles de la Méditerranée. Il semble même que la présence d’éléments ethniques phéniciens ait attiré et facilité la conquête arabe : c’est le cas de rappeler que la Tunisie arabe avait été le territoire de Carthage, et que l’Espagne fut la terre de prédilection des Phéniciens avant d’être un joyau de l’empire arabe. L’arabisation du Liban aura donc été très loin de constituer un motif valable pour renier les Phéniciens qui nous ont légué, selon la belle formule de Charles Corm, «des gloires par milliers». Nagib Dahdah « Évolution historique du Liban » Beyrouth 1918