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Actualités - OPINION

Opinion Deux défis pour le ministre de la Culture

 Par le Dr Nabil Naaman(*) Réussir le sommet international de la francophonie à Beyrouth en automne 2001 et définir une politique culturelle pour le pays : tels sont les deux grands défis lancés au nouveau ministre de la Culture. Le premier des deux, le plus immédiat, est à la portée de vue et de main de Ghassan Salamé. Le choix qui s’est porté sur son nom par le pouvoir politique au Liban, avec la bénédiction des plus hautes autorités françaises, en témoigne. Choix d’autant plus méritoire pour le ministre et ses parrains libanais que Ghassan Salamé ne bénéficie ni du soutien d’un parti politique ni de l’onction populaire d’un mandat électif. Éminent politologue, écouté par de nombreux cercles du pouvoir à l’échelle internationale, il est également un homme de lettres, polyglotte, portant à la langue française, depuis notre tendre enfance, un attachement continu et singulier. N’avions-nous pas monté tous les deux puis joué Les fourberies de Scapin de Molière dès l’âge de 15 ans ? Les multiples relations qu’il a tissées depuis avec les milieux culturels et politiques en France et dans d’autres pays francophones lui confèrent des atouts majeurs pour réussir le sommet de Beyrouth qui – n’en doutons pas – sera un événement culturel, diplomatique mais également politique de premier plan, vraisemblablement le plus important de l’histoire moderne du Liban, ne serait-ce que par le nombre des représentants des pays ou entités francophones qui y participeront : une cinquantaine de chefs d’État, de Premiers ministre ou ministres à la tête desquels le président Chirac, premier gouvernant à avoir créé en 1986 un portefeuille de la Francophonie ; et un grand francophile, Boutros Boutros-Ghali, ancien secrétaire général des Nations unies, en charge désormais du secrétariat général de la francophonie à l’échelle internationale. La deuxième tâche de Ghassan Salamé – définir une politique culturelle pour le pays –, plus lointaine mais encore plus ambitieuse à long terme, sera autrement plus ardue, et pour cause ! Force est de constater, en effet, que les priorités au Liban ne sont pas actuellement d’ordre culturel. La situation politico-économique qui prévaut dans le pays en particulier et au Proche-Orient en général appelle, a priori en tout cas, des mesures d’urgence dans d’autres domaines. Mais peut-on continuer à reconstruire les infrastructures de la nation convalescente sans se soucier de la santé morale et spirituelle de ses citoyens ? La culture y a sa place, en apportant également quelques réponses qui passent par l’exemple français. En effet, la politique culturelle est une invention française. Elle est le fruit d’une préoccupation constante des pouvoirs monarchiques puis républicains de s’accaparer, au nom d’une mystique nationale, la protection d’un patrimoine. Rappelons que François Ier a été le premier monarque que l’on peut qualifier de protecteur des arts et des lettres, lui qui a créé en 1530 le collège des lecteurs du royaume qui deviendra plus tard le Collège de France. En 1635, Richelieu instituera l’Académie française, et Louis XIV en 1680, la Comédie française. Rousseau, Diderot, Voltaire et d’autres écrivains à l’époque des Lumières, nommés à l’étranger par le pouvoir politique à des postes diplomatiques, contribueront plus tard au rayonnement de la politique extérieure de la France en matière culturelle. Ainsi est née à travers les siècles l’idée d’une responsabilité politique qui n’a cessé de se développer en France depuis surtout un demi-siècle, encouragée par des personnalités (Malraux, Lang, Douste-Blazy) sous l’impulsion de chefs d’État eux-mêmes écrivains ou férus d’art (de Gaulle, Mitterrand ou Chirac). Le mot culture, qui éthymologiquement, désigne le travail de fertilisation de la terre, se mute pour signifier au sens figuré l’effort de fertilisation de l’esprit. Malraux, en gaulliste de la première heure, en favorisera la vision idéologique de grandeur ; Lang, le mitterrandien, l’option sociale et Douste-Blazy, le centriste, la dimension humaniste. Tous les trois seront confrontés malheureusement au même problème, celui du budget alloué par le pouvoir politique à leurs projets respectifs. En effet, les différents ministres de la Culture qui se sont succédé en France depuis le début de la Ve République, peinent à boucler leur budget annuel, tant les contraintes économiques sont incontournables et la rigueur le plus souvent en vigueur. Malraux lui-même, du haut de son génie visionnaire, n’arrachera du général de Gaulle que 0,43 % du budget de l’État, taux progressant héroïquement sous Pompidou à 0,61 %, mais n’atteignant pourtant jamais le 1 % que s’était fixé comme objectif le courageux Douste-Blazy. Même tracé lisiblement, le chemin qu’empruntera notre nouveau ministre de la Culture, novice en politique politicienne de surcroît, et bien que ne manquant ni d’atouts personnels ni de soutiens, sera long et semé d’embûches. Gageons que Ghassan Salamé pourra compter, en tout état de cause, sur l’appui massif et durable du citoyen qui attend de lui l’ouverture de deux grands chantiers : la sauvegarde du patrimoine – immense dans ce pays millénaire comme ses cèdres ! – et la culture pour tous. Mécènes du pays et d’ailleurs, nous vous lançons un cri du cœur : aidez-le à les mettre en œuvre ! * Cardiologue, président de l’ADNM, le Dr Naaman dirige en outre à Metz (France), où il est installé, la revue «Médicophonie».
 Par le Dr Nabil Naaman(*) Réussir le sommet international de la francophonie à Beyrouth en automne 2001 et définir une politique culturelle pour le pays : tels sont les deux grands défis lancés au nouveau ministre de la Culture. Le premier des deux, le plus immédiat, est à la portée de vue et de main de Ghassan Salamé. Le choix qui s’est porté sur son nom par le pouvoir...