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Actualités - ANALYSE

LIBAN-LIBYE - Nouvelle complication dans le dossier épineux de la normalisation Berry responsable de la disparition de l’imam Sadr, accuse l’agence Jana

Alors que l’on s’attendait à une amorce de détente dans les relations entre le Liban et la Libye après la visite à Tripoli du président du Conseil Rafic Hariri, la situation semble au contraire se détériorer. Le président de la Chambre, qui représente la partie la plus hostile à une normalisation des relations avec le régime de Kadhafi a, à l’occasion d’un congrès consacré à l’imam Moussa Sadr, appelé le gouvernement à engager des poursuites internationales contre la Libye. La riposte de Tripoli, comme on peut l’imaginer, ne s’est pas fait attendre. Hier, l’agence officielle d’information libyenne Jana (Jamahiriya Arab News Agency) a accusé M. Berry d’être lui-même à l’origine de la disparition de l’imam, afin de «pouvoir prendre sa place». La diplomatie libanaise et le président du Conseil sont plus qu’embarrassés. Ils avaient cru le contentieux libyen en voie de règlement, après notamment la visite de M. Hariri à Tripoli, dimanche dernier. Le colonel Kadhafi qui avait reçu le Premier ministre et la délégation qui l’accompagnait dans une tente dressée à proximité de la capitale, avait finalement consenti à revenir sur sa décision d’expulser tous les Libanais présents sur son territoire et de lever la suspension des accords économiques déjà conclus. Bref, en prenant des mesures drastiques contre les Libanais, le colonel avait cru obtenir gain de cause : amener M. Hariri, qui avait tout d’abord essayé de se maintenir en dehors de ce conflit, à se rendre à Tripoli et lui arracher des promesses fermes de régler dans le calme et la discrétion le contentieux qui oppose la Jamahiriya au mouvement Amal et à son chef Nabih Berry. Mais ce dernier s’est visiblement montré plus difficile que prévu à convaincre. En présence de tous les dignitaires religieux chiites et notamment du secrétaire général du Hezbollah, cheikh Hassan Nasrallah, le président de la Chambre a tenu des propos virulents à l’encontre du régime libyen, refusant toute tentative de normalisation des relations et appelant le gouvernement libanais à engager des poursuites internationales contre la Jamahirya. Tentative de sabotage ? Le message était clair : il s’agissait de saboter les résultats positifs de la visite de M. Hariri à Tripoli. D’autant que les entretiens entre M. Hariri et le colonel Kadhafi avaient été très francs et avaient permis de dégager chez les deux parties une nette volonté d’assainir le climat entre les deux pays et de tourner la page du passé, avec ses zones d’ombre et ses malentendus. Selon des sources informées, le colonel Kadhafi avait même utilisé des termes très élogieux pour parler du Liban, «ce petit pays qui a payé à la place de tous les frères arabes et qui a réussi à contraindre l’ennemi israélien à se retirer de son territoire». Le colonel aurait même précisé à son interlocuteur libanais que ses offres d’aide économique (achat de la récolte de pommes, envoi de carburant, etc.) s’inscrivaient dans le cadre «des remerciements du peuple libyen au peuple libanais pour les sacrifices consentis en faveur de la cause arabe». Bref, entre les deux hommes, le courant aurait passé, redonnant vie aux promesses du colonel. Le président du Conseil libanais était donc rentré à Beyrouth fier d’avoir réussi une mission qui s’annonçait pour le moins difficile. Et il comptait s’employer à convaincre le président de la Chambre de la nécessité pour le Liban de ne pas rompre ses relations avec le régime libyen, ayant particulièrement besoin dans la crise qu’il traverse actuellement de tout témoignage de sympathie, surtout s’il est associé à des aides économiques. M. Hariri a donc été totalement pris de court par le discours très violent du président de la Chambre à l’encontre du régime libyen dans le cadre du congrès organisé en hommage à l’imam Sadr disparu en 1978. Il ne fallait pas être très perspicace pour comprendre qu’il s’agissait principalement de saboter les résultats de sa visite à Tripoli. Le message était-il toutefois uniquement destiné à la consommation interne ou bien le président de la Chambre était-il réellement déterminé à aller jusqu’au bout dans ses revendications ? Alors que les milieux politiques s’employaient à analyser les mobiles de M. Berry, la Libye, elle, a préféré réagir violemment. L’agence officielle Jana a ainsi accusé hier le président de la Chambre libanais d’être «personnellement à l’origine de la disparition de l’imam Sadr, afin de prendre sa place à la tête de l’organisation à laquelle tous les deux appartiennent». Un mouvement récupéré… Il s’agit évidemment du mouvement Amal fondé par l’imam Sadr dans les années 70 et présidé depuis 1980 par Nabih Berry après un bref mandat de l’ancien président de la Chambre Hussein Husseini. Entre-temps, le mouvement que son fondateur avait voulu comme un réveil des déshérités, inspiré du chiisme iranien, a été récupéré par les Syriens, devenant ainsi pendant des années, le contrepoids du Hezbollah. Aujourd’hui, certes, la donne est différente, mais M. Berry a fait de l’hostilité de son mouvement au régime libyen un véritable cheval de bataille. Au cours du fameux congrès en hommage à l’imam Sadr, il s’était même demandé pourquoi le régime libyen réagissait de la sorte alors que lui-même réitère les mêmes revendications depuis qu’il est à la tête du Parlement libanais. Une source libyenne autorisée précise à ce sujet que Tripoli souhaitait sincèrement ouvrir une nouvelle page avec le Liban après l’avènement du régime du président Lahoud et depuis la libération du Sud. Le chef de la Révolution libyenne aurait même promis, en contrepartie d’une normalisation des relations, des crédits et des aides illimités. Mais se voyant sans cesse rejeté, il aurait riposté violemment, dans l’espoir de provoquer une réaction de la part des responsables libanais et de les amener à clore définitivement le contentieux qui oppose les deux pays. La même source libyenne laisse entendre que les accusations de l’agence Jana ne remettent pas en cause les accords conclus lors de la visite de M. Hariri à Tripoli. Pas encore du moins. Mais la situation est visiblement appelée à se développer. D’autant que M. Berry, qui n’a pas réagi aux accusations libyennes, pourrait bien le faire au cours des prochains jours en prenant des positions encore plus violentes. Selon certaines sources, la proposition de former une commission d’enquête mixte sur les circonstances de la disparition de l’imam Sadr pourrait être remise sur le tapis. Mais il est bien évident que le président de la Chambre ne peut en aucun cas accepter d’être mis en cause dans cette affaire. L’accusation est trop grosse. Mais il est permis d’espérer que les âmes de bonne volonté sont toujours là, qui veillent au grain et qui pourraient rétablir le calme après la tempête. Scarlett HADDAD
Alors que l’on s’attendait à une amorce de détente dans les relations entre le Liban et la Libye après la visite à Tripoli du président du Conseil Rafic Hariri, la situation semble au contraire se détériorer. Le président de la Chambre, qui représente la partie la plus hostile à une normalisation des relations avec le régime de Kadhafi a, à l’occasion d’un congrès...