Rechercher
Rechercher

Actualités - REPORTAGES

INSTALLATION « Avec ou sans ? » de Nadine Touma au cinéma Strand Les prostituées de la rue Hamra se racontent

 Le cinéma Strand de la rue Hamra abrite jusqu’au 27 novembre une installation de Nadine Touma intitulée Avec ou sans ?. Ouverte au public tous les jours de 14h à 23h, cette installation s’inscrit dans le Projet de la rue Hamra de l’association Achkal Alwan. Le regard est d’abord attiré par une boîte vitrée, sur le trottoir, où dansent des poupées en plastique. On entre dans une salle pas très éclairée. Quelques marches sur lesquelles on peut s’asseoir pour regarder une vidéo de cinq minutes sur… l’hyménoplastie. Sur un coin de mur, plein de photos, et des papiers volants épinglés portant des témoignages en arabe parlé. Un cadre vide. Une mèche de cheveux. Des sandales blanches. Un body et des chaussures pour bébé. Il y a enfin quatre salles, qui contiennent chacune une sculpture abstraite. Au centre de la première – dont le sol est recouvert de sable parsemé de coquilles d’œufs brisées –, une sculpture abstraite en métal et pierre. Dans la deuxième, baignée d’une couleur rouge, une cage en plexiglas et néon ; dans la troisième, un mécanisme à disque qui monte et redescend ; dans la quatrième, une boîte à musique. Et partout, l’œuf, élément symbole qui revient comme une obsession. Des walkmans sont fixés aux murs, qui passent et repassent une histoire que le visiteur est invité à écouter… Avec ou sans ? parle d’un sujet qu’on évite d’aborder en général : les prostituées. Nadine Touma propose une rencontre visuelle, auditive et sensorielle avec ces femmes qu’elle a rencontrées pendant deux mois. «Je n’ai pas de relation à la rue, comme la plupart des gens ; pas de souvenirs, indique-t-elle. Je n’ai donc pas voulu “entrer” dans la rue Hamra comme un parasite, mais plutôt essayer de la connaître à travers le regard de ceux qui y vivent ou qui y travaillent. Et comme j’ai fait des études en anthropologie sociale et travaillé sur la femme et les arts, j’ai pensé réunir toutes ces données. C’est ainsi qu’est née l’idée d’aborder le monde de la prostitution. Qui est un métier comme les autres». Pour bien s’imprégner de son sujet, Nadine Touma a dû vivre une vie nocturne, pendant deux mois. Fréquenter des bars, rester dans la rue, visiter des prostituées chez elles, lorsqu’elles le lui permettaient. «Je ne voulais pas qu’elles croient que je les utilisaient pour un projet», souligne-t-elle. «J’ai voulu qu’elles me racontent leur histoire, et j’étais curieuse de voir quelle image elles avaient d’elles-mêmes. Pour cela, je leur ai distribué des appareils photo en leur demandant de photographier des choses en lesquelles elles se reconnaissent». Si elle a choisi l’installation, «c’est parce que cette forme se prêtait bien à mon sujet. J’ai vécu cette expérience de tous mes sens, souligne-t-elle. Il y a des choses visuelles que j’ai exprimées en photos, en vidéo ou à travers des objets ; des moments où la pensée et l’esprit étaient très forts, que j’ai traduit par des choses abstraites… Pour moi, il était très important d’utiliser des médiums différents, comme la pierre, le métal, le plexiglas». Un sujet tabou Nadine Touma a rencontré 35 femmes, mais n’a finalement travaillé en profondeur qu’avec sept d’entre elles, avec qui l’échange était plus spontané. «Il y a eu comme un épluchage mental». Elle souligne que son installation ne parle pas de sexe. «Je ne prends pas non plus position : la femme n’est pas victime ; l’homme n’est pas accusé. Je pose simplement un questionnement sur un sujet encore tabou». Le travail n’a pas été facile. A-t-elle reçu des menaces ? «Non, mais on m’a adressé des propos pour le moins désagréables, répond-elle. Si j’étais un homme, cela aurait été différent». Elle souligne avoir délibérément choisi de se débrouiller toute seule, sans avoir recours à une association humanitaire ni à la brigade des mœurs, «pour ne pas être étiquetée. Je n’ai compté que sur moi-même. Au début, j’étais terrorisée. C’était la première fois que j’entrais dans un bar. Mais avec le temps, je me sentais plus à l’aise dans ces endroits que dans beaucoup d’autres, parce que j’avais affaire à des gens vrais, authentiques». Nadine Touma se dit ravie des réactions que son installation déclenche. «Comme j’expose dans la rue, tout le monde peut entrer, et j’essaye d’être présente le plus souvent possible». Il vient beaucoup d’hommes et de jeunes, qui reviennent ensuite avec des copains. Cela entraîne des discussions au quotidien. Personne n’«aime» ou n’«aime pas», et cela plaît à l’artiste, «car je ne crois pas que ce soit là la question. L’essentiel est que le public réagisse». L’installation attire aussi des femmes et des enfants. «Les femmes avec qui j’ai travaillé sont également venues. Elles étaient surprises de voir le résultat de nos rencontres». On ne repart pas les mains vides, mais en emportant un petit cahier fuschia contenant sept timbres carrés représentant des photos prises par les prostituées. Un timbre pour chacune d’entre elles, et qui porte son prénom. «J’ai voulu créer un objet-souvenir et j’ai étudié tous les détails de la conception. L’idée du timbre que l’on envoie à quelqu’un, sur une lettre ; l’idée de lécher/coller, et aussi les prénoms de ces femmes à qui j’ai voulu rendre hommage car elles ont été le moteur de mon projet… ». Avec ou sans ? est une installation curieuse qui ne laisse pas indifférent. À découvrir jusqu’au 27 novembre. N.S.
 Le cinéma Strand de la rue Hamra abrite jusqu’au 27 novembre une installation de Nadine Touma intitulée Avec ou sans ?. Ouverte au public tous les jours de 14h à 23h, cette installation s’inscrit dans le Projet de la rue Hamra de l’association Achkal Alwan. Le regard est d’abord attiré par une boîte vitrée, sur le trottoir, où dansent des poupées en plastique. On...