La fondation de Carthage : un récit merveilleux

 Europe et Cadmos ne furent pas les seuls princes tyriens qui eurent, loin du Liban, un destin illustre. Élissa-Didon, qui fonda Carthage et en devint la première reine, occupe dans la légende une place éminente. En vérité, la fondation de Carthage, autour de 814 av. J-C, par des Phéniciens venus de Tyr, est un fait historique incontestable. Mais, comme toujours, la légende s’en est emparé et Virgile – entre autres, car les variantes sont nombreuses – nous en a laissé un récit merveilleux. On sait qu’Élissa, princesse tyrienne, était l’épouse de Sychée, frère de Pygmalion, roi de Tyr. Écœurée par la perfidie du roi qui fit égorger son époux pour s’emparer de ses biens et dégoûtée de la ville où elle ne connut que des déboires, Élissa résolut de s’expatrier au loin. Elle vint s’établir sur la côte d’Afrique où elle repéra – à l’endroit qui deviendra Carthage – un promontoire qui convenait à son dessein. Son arrivée sur la côte de l’actuelle Tunisie donna lieu à un charmant subterfuge. Ayant demandé au roi de la région la permission de fonder une cité sur une partie de son territoire, elle reçut une réponse (nous dirions maintenant diplomatique) qui correspondait à un refus, car le roi lui fit savoir qu’elle pouvait, bien sûr, fonder une ville sur son promontoire, à la condition que celle-ci ne dépassât pas les limites d’une peau de vache. Mais qu’à cela ne tienne ! La Phénicienne n’était pas à court de ressources. Dans la peau de vache de grande taille qu’elle se procura, elle fit découper par le plus habile des artisans une très fine et longue lanière qui pouvait faire, en se déployant, le tour d’un immense territoire. Et c’est ainsi que la princesse put, sans désobéir à l’injonction du roi, construire une vaste et importante cité, qui connaîtra le grandiose destin que l’on sait.