WEB-CURIOSITÉ - Aveux de bêtises et d’amour J’avoue.com

Tout y passe, de la tricherie à l’examen aux pratiques sexuelles solitaires des adolescents. Normal : j’avoue.com est un grand défouloir. Que celui qui a quelque chose à dire donne son nom, son âge, la ville où il habite et envoie tout ce qu’il a à confesser pour affichage public sur le web. Personne n’oblige personne à dévoiler sa véritable identité. Normal : «Tout cela est fait pour rigoler», dit le site... C’est vrai, avouons-le, on rit parfois. Ici, ce sont des messages poétiques, surréalistes. Là, d’autres, pas si joyeux. Il y a de vrais aveux, sous de vrais noms. Et l’on sent des vies torturées à l’autre bout du clavier... De ce mélange de gags et d’honnêteté, de remords et de perversion, de compassion et d’indifférence, naît l’impression bizarre d’une parcelle d’humanité engluée pour de bon dans ses turpitudes. C’est un webmaster de 14 ans qui a lancé j’avoue.com «J’avoue être parfait», Daniel a créé ce site en mai dernier. Selon lui, plus de 5 000 internautes se connectent chaque jour pour dévoiler leurs secrets, expier leurs pires blagues ou déclarer leur flamme. «Mes copains cachaient sans arrêt leurs mauvaises notes à leurs parents. Ce sont eux qui m’ont donné l’idée de lancer un site sur lequel on peut tout avouer», raconte le jeune webmaster. «Je suis allé sur des sites pour apprendre à créer mes propres pages web. Mon père m’a aidé à acheter un nom de domaine, pour que l’idée ne soit pas reprise. Pour le moment, il gère le site tout seul. J’ai aussi un webdesigner. Mais si cela continue, j’aurai besoin de l’aide d’un copain». «J’avoue que, dès que je peux, je regarde La Petite maison dans la prairie, et qu’à chaque fois, je pleure comme une Madeleine» (Solène, 21 ans). «J’avoue avoir couché avec la copine de mon supérieur hiérarchique, et il est toute la journée en face de moi...» (Patrice, 27 ans). «J’avoue que c’est la première fois que j’avoue ce que je vais avouer... Je crois être encore en amour avec Véronique C.» (SyC-77, 23 ans). Les internautes sont de plus en plus nombreux à venir sur Javoue.com pour soulager leur conscience ou pour clamer fièrement leurs frasques. Javoue n’est pas un cyber-confessionnal, mais l’œuvre d’un facétieux collégien de quatorze ans, Daniel, qui cherchait un thème original pour le site Web qu’il avait décidé de construire au printemps dernier. Depuis lors, Daniel a vu défiler des centaines de fourbes honteux, des délurés fiers de l’être, d’indécrottables candides et peut-être quelques affabulateurs. Quand on lui demande ce qui l’étonne le plus dans ce concert d’aveux hétéroclites, la réponse jaillit comme un cri du cœur : «Les fautes d’orthographe ! Certains en font vraiment beaucoup». Les messages délirants le font rire, et ceux qui laissent apparaître duplicité et méchanceté ne semblent pas le révolter : «J’ai créé javoue parce que je suis curieux. Les récits m’intéressent, et lorsque leurs auteurs parlent de choses importantes pour eux, je pense que le fait d’écrire peut les soulager. Il ne faut pas croire que je fais tout ça uniquement pour compter les visiteurs !». Daniel n’est pas le seul à prendre plaisir à la lecture de ces confessions spontanées : javoue.com reçoit désormais entre mille et cinq mille visiteurs par jour. Il a pris de bonnes résolutions pour ne pas se laisser accaparer par la gestion de son site : «Cette année, je rentre en troisième. Ça devient sérieux, j’attendrai le week-end pour faire le tri des textes reçus pendant la semaine». Il reçoit peu de réactions hostiles de lecteurs, tout au plus des remontrances d’adolescents mécontents de voir que leur petit frère ou leur petite sœur ont avoué une bêtise en ligne, penser aux conséquences : «Ils m’envoient des e-mails pour que je retire les aveux du site, mais je le fais rarement». En revanche, Daniel affirme n’avoir encore jamais reçu de messages nécessitant une réaction de sa part, par exemple pour soutenir une personne en difficulté ou avertir les autorités. «J’espère que ça n’arrivera jamais : c’est d’abord un site pour s’amuser». M.G.H.