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Actualités - INTERVIEWS

Drame de Naamé - Les résultats ne seront commes que dans vingt jours Quatre enquêtes pour déterminer les responsabilités

Cinq jours après le drame de Naamé, les unités de sauvetage ont finalement retrouvé la dernière personne portée disparue. Le corps de Najah el-Hamad, 35 ans, a été retrouvé sous les décombres, ce qui porte à dix le nombre des décès. Entre-temps, l’enquête se poursuit, et les divers services concernés s’activent. Toutefois, aucun résultat tangible n’a encore pu être obtenu. Quelles sont les causes de l’effondrement ? À qui incombe la responsabilité lorsque l’on sait que pour ériger un bâtiment, toute une série de documents sont nécessaires, qui impliquent plus d’une autorité ? Interrogé par L’Orient-Le jour, le président de l’Ordre des ingénieurs, M. Samir Doumit, a tenté de cerner la question. Il entame son exposé par cette constatation : «La catastrophe de Naamé est le résultat de la construction anarchique à laquelle nous assistons depuis un certain temps». «Il y a, au départ, un entrepreneur, propriétaire d’un projet criminel, qui avait décidé de faire de l’argent au moindre coût. Voilà l’aboutissement de l’absence d’instances de contrôle», poursuit le président de l’Ordre, en pointant un doigt accusateur en direction des municipalités et des services de l’État «qui se dérobent, d’après lui, à leur tâche de supervision». Mais quels services vise-t-il au juste ? «C’est la direction de l’Urbanisme, entre autres, qui est responsable, affirme M. Doumit. Le nom de cet organisme signifie clairement qu’il s’agit d’un service technique. Par conséquent, il lui incombe clairement de s’assurer, selon la loi, de l’urbanisme civil, de la santé et de la salubrité publique». M. Doumit ira même plus loin, accusant directement la municipalité de Naamé, qui aurait, selon lui, négligé de superviser l’exécution des travaux dans le village. La réponse de la municipalité Questionné à ce sujet, le président de la municipalité de Naamé, Charbel Matar, répond, désinvolte : «D’abord, notre conseil est élu depuis seulement deux ans. Or ces bâtiments ont été construits il y a quatre ans». «En second lieu, poursuit M. Matar, le président de l’Ordre connaît parfaitement la loi et sait très bien que la municipalité n’a aucun droit de regard ni sur les matériaux ni sur l’exécution. Son rôle se limite à vérifier les empiètements sur les biens-fonds et la question du lotissement». Mais que devient le rôle de l’Ordre dans tout cela ? «L’Ordre des ingénieurs n’est pas un outil d’exécution, rétorque Samir Doumit. Outre sa fonction, qui consiste à vérifier l’authenticité du diplôme de l’ingénieur et à s’assurer de l’existence du permis de construction requis, l’Ordre a également pour mission de vérifier que le plan d’exécution existe. Mais sa tâche ne consiste pas à savoir si le plan d’étude est correcte ou non. Il y a une loi pour cela». Sur ce point, un ingénieur constate que cela fut effectivement le cas jusqu’en juin dernier, lorsqu’une législation a été adoptée exigeant de l’ingénieur qu’il soumette les plans d’étude à l’Ordre, lequel doit désormais les approuver avant même que les travaux soient entamés. «Une lettre est même requise de la gendarmerie locale qui accorde le feu vert à l’ingénieur», dit-il. Le problème principal, il convient de le chercher au niveau du suivi, c’est-à-dire une fois que l’ingénieur qui a obtenu son permis de construire «est lâché dans la nature», relève un autre ingénieur. Car, dit-il, «suite au boom de la construction, face à des promoteurs de plus en plus cupides et en l’absence de toute supervision a posteriori de la part des autorités, les ingénieurs sont poussés à exécuter les travaux d’une manière qui n’est pas conforme au plan d’origine qu’ils avaient préalablement signé. Le résultat est évidemment catastrophique comme nous l’a démontré la série noire à laquelle nous avons assisté au cours de ces dernières années». Mais alors à qui incombe finalement la responsabilité ? À l’ingénieur qui oppose sa signature en premier, note cet ingénieur, puisque, selon la loi, c’est lui qui s’engage à exécuter les plans. Au promoteur qui l’a engagé, en second lieu. Enfin, à l’Ordre des ingénieurs, censé surveiller tout ce monde et orchestrer l’opération dans son ensemble. «À quoi sert cette institution si elle n’est capable de remplir son rôle et de surveiller ce que font les ingénieurs auxquels elle impose des charges énormes ?» s’interroge cet observateur. Pourtant, Samir Doumit reconnaît l’existence de lacunes au niveau de la détermination des responsabilités. «C’est d’abord la législation qui doit être modernisée», souligne le président de l’Ordre, qui relève que la loi sur la construction date de 40 ans. Il se fonde sur l’exemple des pays occidentaux où la tâche du contrôle des travaux de l’ingénieur incombe à des bureaux indépendants qui relèvent de grandes entreprises. «Elles sont obligées par la loi de souscrire une assurance. Au cas où il y a une défection quelconque, c’est l’assurance qui assume les frais, d’où une élimination très sévère des risques». M. Doumit s’abstient toutefois de s’avancer sur les raisons techniques qui ont pu provoquer ce drame. Il n’en laisse pas moins entendre qu’elles sont nombreuses et multifactorielles, d’après l’enquête préliminaire effectuée par les ingénieurs de l’Ordre. Il faudra donc attendre une vingtaine de jours pour que les quatre enquêtes parallèles (judiciaire, ministérielle, celle de l’Ordre des ingénieurs et celle de la municipalité) aboutissent avant de pouvoir déterminer les causes et les conséquences de la tragédie. Jeanine JALKH
Cinq jours après le drame de Naamé, les unités de sauvetage ont finalement retrouvé la dernière personne portée disparue. Le corps de Najah el-Hamad, 35 ans, a été retrouvé sous les décombres, ce qui porte à dix le nombre des décès. Entre-temps, l’enquête se poursuit, et les divers services concernés s’activent. Toutefois, aucun résultat tangible n’a encore pu...