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Actualités - ANALYSE

Les services protestent de leur totale soumission à l’autorité politique

Les écoutes. Puisqu’on est dans l’audio, on peut parler de rengaine. Une fois de plus, le mal, que rien décidément ne parvient à enrayer, revient devant les commissions parlementaires. Et dire que la première fois, c’était il y a trente ans, en 1970 ! Président du Conseil à l’époque, Saëb Salam avait effectué une descente à l’hôtel de la Poste, place Riad Solh, pour y démanteler de ses propres mains les tables d’écoute. Suivant cet illustre exemple, c’est également le chef du gouvernement, M. Rafic Hariri, qui, par des déclarations libertaires en flèche devant la Chambre, relance aujourd’hui la question. À la stupéfaction générale, le président de la Chambre, M. Nabih Berry, a surenchéri en révélant que lui-même se sait surveillé. Indiquant qu’il était arrivé à cette conclusion après que des propos secrets tenus au téléphone furent parvenus à de tierces oreilles, qui lui en ont parlé (ce sont des oreilles interactives) sans se douter que de la sorte elles lui mettaient la puce... à l’oreille ! Une situation de fait d’autant plus déplorable que le gouvernement précédent, après de longs et houleux débats à la Chambre, avait fait passer une loi réglementant strictement les écoutes. Une pratique que l’État, pour sa sûreté, ne peut s’interdire totalement mais qui ne doit en aucun cas déborder sur la vie politique, et a fortiori privée, des Libanais. Il a donc été décidé que la surveillance téléphonique serait du ressort d’une seule autorité, à savoir le ministère de l’Intérieur. La réglementation précise en outre qu’en aucun cas, on ne peut mettre sur écoute les trois présidences, les députés, les ministres et les autorités religieuses du pays. Ce qui laisse quand même beaucoup de monde à écouter, si l’on en a la patience. Cette loi, plusieurs indices formels comme plusieurs témoignages semblables à celui de M. Nabih Berry, prouvent qu’elle n’a jamais été respectée. Les différents opérateurs ont continué tranquillement à sévir, car il est difficile de les prendre la main dans le sac, puisque par définition même, ils sont branchés. Et aidés par la foudroyante avancée des technologies. Sans compter que, négligent comme toujours, le gouvernement à omis le principal : publier les décrets d’application de la loi qui est donc restée lettre morte. La commission parlementaire de la défense et de la sécurité a tenté de réagir. Elle a convoqué le ban et l’arrière-ban du staff exécutif concerné : le ministre de l’Intérieur, M. Élias Murr ; le ministre des Télécoms, M. Jean-Louis Cordahi ; le ministre d’État, M. Béchara Merhej ; le procureur général, M. Adnan Addoum ; le directeur de la Sûreté, le général Jamil Sayyed ; le directeur des services de renseignement de l’armée, le général Raymond Azar, et nombre de cadres techniques. Mettant à profit cette confrontation, et à la lumière des prises de position libertaires du président du Conseil, certains parlementaires ont voulu traiter le sujet comme découlant d’un net conflit entre le gouvernement et les services. N’hésitant pas à laisser entendre que ces derniers se montrent sinon rebelles du moins peu attentifs aux consignes de l’exécutif et affichent une nette tendance à n’en faire qu’à leur tête. Les responsables sécuritaires, piqués au vif, ont répondu sur le champ que les services restent totalement soumis à l’autorité politique. Ajoutant qu’ils accomplissent une mission d’ordre purement sécuritaire, en prenant garde à ne pas déborder sur le domaine politique. À cette nuance près qu’une partie de leur travail consiste, comme pour les Renseignements généraux en France, à collecter pour le compte de l’État et au bénéfice de sa sûreté, des informations variées, aussi bien politiques qu’économiques ou sociales. Grandiloquent, l’un de ces cadres s’est exclamé : «En définitive, quand on a une responsabilité de sécurité nationale à assumer, c’est en charge d’âmes, de vies, que l’on se retrouve. Sans une confiance absolue, cela n’est pas possible. Si les dirigeants se méfient, leur devoir est de changer les responsables en place». Vu le système, complexe et délicat, baptisé «partage du gâteau», de telles contre-propositions ulcérées ont toutes les chances de tomber... dans l’oreille d’un sourd. Il n’est pas question, en effet, que les pôles politiques se disputent entre eux pour quelques têtes à faire tomber. D’autant que très vite les loyalistes, sans craindre de se mettre en porte-à-faux par rapport aux déclarations haririennes, se sont pratiquement rangés aux côtés des services. En indiquant que les mises en doute concernant ces derniers sont à leur avis une manœuvre des opposants. Qui tentent de faire croire que le gouvernement de M. Hariri ne parvient pas à contrôler des services qui lui sont hostiles. Pour en revenir aux écoutes, les responsables concernés en reconnaissent volontiers l’existence. En ajoutant, mi-figue mi-raisin, que dans la mesure du possible, apparemment très réduite, ils veillent à faire respecter la loi. Ajoutant qu’en tout cas, tout dépend en définitive de l’éthique des écouteurs, qu’on ne peut à leur tour surveiller un à un. Une éthique qui vu le métier doit sans doute être d’un très haut niveau. Quoi qu’il en soit, les députés ont demandé... à entendre, M. Hariri, mais aussi M. Sleiman Frangié qui a également soulevé le problème des écoutes. Le Cabinet se dit déterminé à mettre fin à des pratiques qui avaient cours sous le gouvernement précédent. Et les services affirment qu’ils vont l’y aider. Philippe ABI-AKL
Les écoutes. Puisqu’on est dans l’audio, on peut parler de rengaine. Une fois de plus, le mal, que rien décidément ne parvient à enrayer, revient devant les commissions parlementaires. Et dire que la première fois, c’était il y a trente ans, en 1970 ! Président du Conseil à l’époque, Saëb Salam avait effectué une descente à l’hôtel de la Poste, place Riad Solh,...