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Actualités - REPORTAGES

Une maladie encore peu connue

Un professeur de neurologie qui a requis l’anonymat retrace l’histoire de l’ESB, cette maladie peu commune et encore très peu connue. Dans sa forme classique, elle a été décrite pour la première fois par Creutzfeldt et Jakob en 1920. Jusqu’à ces dix dernières années, elle était observée avec une fréquence d’un cas par million d’habitants par an. Par ailleurs, l’encéphalopathie spongiforme bovine (ESB), plus connue sous le nom de «maladie de la vache folle», est observée chez les espèces bovines depuis plus d’un siècle. Il existe une ressemblance dans les symptômes et les lésions dans les deux cas : on y remarque des sortes de trous dans la substance cérébrale. «En Angleterre, vers la fin des années 80 et le début des années 90, les cas d’ESB ont augmenté significativement, poursuit-il. On a pensé que c’était dû à la farine animale (déchets d’animaux réduits en poudre et plus ou moins cuits) qu’on faisait manger à ces bovins. On a arrêté de les donner aux bovins, mais on commettrait une erreur, d’après moi, de continuer à les permettre dans les cas des poulets et des poissons. On ne sait jamais». Il faut préciser que le germe qui donne le Creutzfeldt-Jakob n’est ni un microbe ni un virus, mais une particule beaucoup plus petite appelée prion. La structure de ce prion n’a pas encore été déterminée avec précision. Afin de détruire ce germe, il faut chauffer l’autoclave à 140 degrés durant une heure, où tremper le tissu infecté dans de la soude caustique à une forte concentration, et pour le même laps de temps. En Angleterre, poursuit-il, on a commencé à constater quatre ans plus tard, soit vers l’année 1996, une forme nouvelle de Creutzfeldt-Jakob qui a frappé des sujets jeunes (alors que la forme classique apparaissait surtout chez des individus âgés de 60 ans et plus). Coïncidence : la courbe de progression de la maladie de la vache folle montre un point culminant en 1992, avant qu’elle ne commence à décliner, alors que la courbe de progression de cette nouvelle forme de Creutzfeldt-Jakob atteint son plus haut point quatre ans plus tard. Or la période d’incubation de la maladie peut aller de 18 mois à 12 ans, comme ont pu le déterminer des expériences effectuées sur les singes. Les êtres humains atteints en France et en Angleterre avaient passé une période d’incubation de 5 à 10 ans. «Il n’est pas facile de diagnostiquer cette maladie dont les symptômes pourraient ressembler à beaucoup d’autres, dit-il. Elle ne peut être détectée par examen de sang, mais par un test effectué à partir du liquide céphalo-rachidien et dans quelques laboratoires au monde. Toutefois, le seul examen déterminant est celui du cerveau à l’autopsie ou à la biopsie». Le neurologue indique qu’aucun cas de cette forme nouvelle de Creutzfeldt-Jakob n’a été observé au Liban jusqu’à présent. Pour ce qui est de la forme classique, huit cas possibles et deux cas probables ont été recensés sur une période de dix ans, allant de 1988 à 1998, mais aucun cas de la variante liée à l’ESB. Les symptômes de la forme classique se présentent de la façon suivante : altération des fonctions intellectuelles, paralysie ou déséquilibre à la marche ou troubles visuels, secousses musculaires et convulsions, décès en un peu moins d’un an. Dans le cas de la variante de la maladie, reliée aujourd’hui à l’ESB, les symptômes peuvent différer quelque peu : troubles sensitifs (fourmillements, engourdissements...), signes communs avec certaines maladies psychiatriques (nervosité, hystérie…) mais qui se développent en quelques mois, suivis de déséquilibre, secousses musculaires, démence et immobilité aboutissant à la mort. Le spécialiste classe les tissus animaux selon le degré de leur infectivité tel qu’on a pu l’observer jusqu’à présent : 1. La première catégorie qui présente de hauts risques : cerveau, moelle épinière et œil. 2. Risque moyen : rate, intestin, ganglions. 3. Risque faible : riz de veau, moelle osseuse, foie, poumons, pancréas. 4. Pouvoir infectant non détectable (par déduction non par certitude scientifique) : muscle, cœur, reins, testicules, sang, lait. Interrogé sur le risque faible d’infection par la viande, il émet quand même des doutes : «Il existe un risque : lors de l’abattage, quand on découpe l’animal et qu’on lui casse la colonne vertébrale, de petits fragments de moelle épinière peuvent venir se nicher dans les muscles et les infecter. Voilà pourquoi la prudence est de mise en ce qui concerne les viandes qui se trouvent proches de la moelle, comme les côtes par exemple». Sur une potentielle contagion d’un humain à un autre, il fait remarquer qu’aucun cas de maladie n’a été décelé dans l’entourage d’un malade. Il poursuit : il n’existe pas de preuves non plus que quiconque a contracté le Creutzfeldt-Jakob après une transfusion sanguine. Le sang de malades a même été injecté à des singes sans que ceux-ci n’aient été atteints. Cependant, par précaution, les malades suspects ne peuvent être donneurs. Toutefois, des cas de contagion aujourd’hui évités ont été observés par le passé : – Les greffes de certains tissus à partir de cadavres se sont avérées problématiques. Des personnes ayant subi des greffes de dure-mère (méninge) ont développé le Creutzfeldt-Jakob après quelques années. Des cas exceptionnels (trois au total) ont été rapportés il y a longtemps après greffe de cornée, mais ceci n’est plus observé actuellement. Une enquête très sérieuse est effectuée sur les donneurs d’organes, et tous les cas suspects sont écartés. – Certaines interventions chirurgicales où des électrodes avaient été introduites dans le cerveau après avoir été stérilisées de façon ordinaire puis réutilisées sur d’autres malades. Actuellement, toutes les précautions sont prises, en particulier l’utilisation d’électrodes à usage unique. – Extraits d’hormones (dont la fameuse hormone de croissance) à partir de glandes hypophyses extraites de cadavres : ce risque n’existe plus avec l’avènement d’hormones de synthèse. Que conseille-t-il au consommateur ? «En premier lieu, éviter à tout prix la cervelle, la moelle épinière et les yeux, ainsi que, jusqu’à nouvel ordre, les abats, recommande ce neurologue. Par ailleurs, si l’on préfère se prémunir contre tout risque, même minime, il convient de ne pas manger de viande de bœuf provenant de régions où les cas de vache folle sont fréquents».
Un professeur de neurologie qui a requis l’anonymat retrace l’histoire de l’ESB, cette maladie peu commune et encore très peu connue. Dans sa forme classique, elle a été décrite pour la première fois par Creutzfeldt et Jakob en 1920. Jusqu’à ces dix dernières années, elle était observée avec une fréquence d’un cas par million d’habitants par an. Par ailleurs,...