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Actualités - ANALYSE

Que la Syrie fixe elle-même la date de son retrait, suggère un ecclésiastique

Apportant sa pierre à l’intifada qu’anime Bkerké, un prélat de l’Est propose «que la Syrie fixe elle-même la date de son retrait, du moment que les autorités locales en paraissent incapables». C’est dans un esprit de réalisme qu’une telle demande est formulée, «car si l’on s’en tient à Taëf, rappelle cette personnalité religieuse, il y a belle lurette que le dégagement aurait dû se produire. Très exactement, en septembre 1992, au moment où les deux ans suivant les réformes constitutionnelles ont expiré. Dans un premier temps, les forces syriennes devaient se replier sur la Békaa. Et parallèlement, les deux gouvernements auraient dû annoncer la date du départ. Mais, comme on sait, on a pris prétexte de l’occupation israélienne pour contourner Taëf. Maintenant, on prolonge ce même prétexte, en soutenant que le territoire national n’est pas encore libéré, du moment que les hameaux de Chebaa restent aux mains de l’État hébreu. On ajoute, pour faire bonne mesure, qu’il faut également attendre la libération des prisonniers libanais. Plus clairement, certains dirigeants déclarent tout de go que la Syrie ne partira que si elle récupère le Golan, dans le cadre d’une paix israélo-arabe globale. Autant dire jamais, car on ne manquera pas d’inventer de nouveaux prétextes. Par exemple, qu’à cause même de la paix, le Liban a plus que jamais besoin des forces syriennes, pour neutraliser les forces hostiles à un règlement régional». Et de répéter que «dans ces conditions, il est normal de demander à la Syrie une déclaration d’intention. Il faut qu’elle nous dise si elle compte retirer ses troupes après la récupération des hameaux de Chebaa, après celle du Golan ou après le retrait israélien de Jérusalem-Est, dont le dossier concerne tout le monde arabe et islamique». Mais si d’aventure Damas prenait effectivement l’initiative, hautement improbable, d’annoncer qu’il compte quitter le Liban à telle ou telle date, qu’adviendrait-il ? «Il faudrait alors, répond le prélat, que les Libanais se prononcent par référendum. Si la majorité déclare accepter les dates proposées, la minorité n’aurait plus qu’à s’incliner. Inversement, la majorité pourrait estimer qu’il faut modifier le plan chronologique, pour qu’il satisfasse tous les Libanais». Passant à l’argument de régulation des équilibres intérieurs libanais, évoqué par le président égyptien Husni Moubarak dans son plaidoyer en faveur de la présence syrienne, le dignitaire religieux se demande «où et quand aurait-on mis les deux plateaux de la balance à niveau égal, avant ou après Taëf. À la fin des années soixante, une fraction a imposé à l’autre la Convention du Caire conclue avec les Palestiniens. La coexistence a dès lors volé en éclats et la guerre domestique a fait rage pendant quinze ans. Lorsque les forces syriennes sont entrées au Liban, elles ont été applaudies par les uns et conspuées par les autres. Ensuite, les rôles se sont inversés. Puis il y a eu l’accord du 17 mai, soutenu par une frange et combattu par l’autre, qui a réussi à le faire chuter. Taëf devait mettre un terme à ces clivages chroniques et constituer une plate-forme commune pour tous les Libanais, ou leur écrasante majorité. Mais s’il a mis un terme aux combats, il n’a pas été respecté dans ses autres dispositions fondamentales. Qui prévoyaient en premier lieu l’union nationale, confortée par l’instauration d’un État garant des équilibres et de l’égalité. La coexistence devait redémarrer avec vigueur, sur base d’une participation active de tous. Il n’en a rien été et c’est la discrimination qui a prévalu. Contrairement aux principes convenus, il y a bien eu un vainqueur et un vaincu. Et jamais nous n’avons eu de Cabinet d’entente, tout comme le désarmement des milices locales ou étrangères n’a pas été général. Dans le même esprit, l’amnistie a bénéficié à une partie déterminée, tandis que des pôles de l’autre partie se retrouvaient en prison ou en exil. Cela sans compter les détails qui, d’entrée de jeu, ont montré combien peu on respectait Taëf. Comme le fait de porter de 108 à 128 le nombre de députés. Ou celui, plus grave, de produire des lois électorales successives, toutes en violation du nouveau pacte national, taillées pour promouvoir un camp et en étouffer un autre. Le boycott de 92 a atteint les 86 % du corps électoral. Dans tout autre pays, les élections auraient été automatiquement invalidées, car nulle part, sauf ici, on ne peut être élu avec moins de 25 % des électeurs inscrits. Ce qui est élémentaire, car quand on prétend représenter un peuple, il faut le prouver par les chiffres». Revenant au sujet du jour, la personnalité religieuse de l’Est souligne en conclusion que «la partie, qui impose à l’autre le maintien des forces syriennes, interdit également tout dialogue national sur cette question, pourtant primordiale. On ne veut faire danser le Liban que sur un seul pied. Il ne faut donc pas s’étonner s’il tombe un jour». Émile KHOURY
Apportant sa pierre à l’intifada qu’anime Bkerké, un prélat de l’Est propose «que la Syrie fixe elle-même la date de son retrait, du moment que les autorités locales en paraissent incapables». C’est dans un esprit de réalisme qu’une telle demande est formulée, «car si l’on s’en tient à Taëf, rappelle cette personnalité religieuse, il y a belle lurette que le...