Attieh, le redoutable compagnon de nuit

 Fadi Chammati a battu le record : 34 arrestations sur une période de 6 ans. L’enfer au quotidien. Il a expérimenté toute la gamme et tous les instruments de la torture. Toutes les facettes de la cruauté humaine. Il en aura vu de toutes les couleurs. Fadi parle de Attieh, son bourreau, comme d’un compagnon de voyage, celui qui l’a escorté durant tous ces cauchemars, durant ces moments de douleurs ultimes. «C’était aussi les seuls instants où j’avais une clarté d’esprit inhabituelle, et une sérénité difficile à décrire. C’est dans cet endroit où j’arrivais à prier le plus intensément». «La première fois où j’ai été retenu, raconte Fadi, je suis resté de jeudi à dimanche les lèvres enflées, ne pouvant pas mettre un morceau sous les dents». Fadi connaît bien les signes précurseurs et les rouages infernaux de cette machine. «Tant que les mains sont liées derrière le dos, cela signifie que le danger nous guette. Quoi que l’on fasse, il faut rester debout au moins 7 à 8 heures les jambes écartées. Mais dès que les mains sont détachées, Attieh comprend que son job est terminé». Fadi se souvient des multiples fois où il s’est évanoui sur le Balanco, «de cette douleur innommable que l’on ressent dans les épaules», surtout lorsque Attieh vient lui tirer les jambes pour le réanimer, afin de lui faire revivre, une seconde et une troisième fois, le supplice. Fadi recommence à parler, et les souvenirs s’égrènent à nouveau. Rien n’est effacé de sa mémoire. Attieh et tous les Attieh du pays le hanteront pour un bout de temps encore. Sa vision du monde et de la politique s’est certes modifiée, peut-être même affinée, mais rien ne semble avoir altéré ses certitudes, ni sa foi en la liberté.