Moins on en dit, mieux c’est

 Un autre choix de titre, pour évoquer l’affaire Joumblatt, aurait pu être «Un silence éloquent». Comme on le voit, sans l’entendre, en diverses occasions, enterrements compris, le mutisme est plutôt contagieux. Pour l’éviter, sans verser dans le verbiage, tournons-nous un moment vers les chroniqueurs français, à la faconde intarissable. Ces valeureux plumitifs s’amusent souvent à comparer les définitions du Larousse et du Robert. Copions-les, en choisissant un mot au hasard, cet anti-dieu : «Aposiopèse». L’encyclopédie Larousse indique que ce vocable traduit l’«interruption d’une phrase par un silence brusque». Et cite l’avare de Molière quand il s’exclame : «Dix mille écus en or chez soi est une somme assez…/Ô ciel ! je me serai trahi moi-même». Dans cette version, l’aposiopèse, signalée par trois points et une barre, serait une sorte de hoquet du discours, sans plus. Le Petit Robert par contre voit les choses sous un angle à la fois plus stratégique et plus tragique. À l’en croire, le terme consulté signifie une «interruption brusque d’une construction traduisant une émotion, une hésitation, une menace». Ce dico ne cite aucun exemple. Mais on peut lui en fournir un tout de suite, gratis pro Deo, comme diraient les prélats maronites qui prennent aujourd’hui la défense de Moukhtara. On aura compris, bien sûr, que rien n’illustre mieux l’aposiopèse version violente que le brusque rideau que M. Joumblatt se voit obligé de tirer sur son interview et sur sa conférence à l’USJ. Symbole s’il en est de notre spécificité face à l’invasion…/(là, aposiopèse de mise) de la culture anglo-saxonne. J.I.