Rechercher
Rechercher

Actualités - REPORTAGES

SOCIÉTÉ – Depuis trois générations, le site de Manara est habité, de père en fils, par les Chebli Histoire de phare, histoire de famille

Manara. Ou, si vous préférez, phare en français. D’où le nom de la fameuse avenue qui longe le bord de mer. Construit en 1845, l’imposant phare de Manara a traversé les époques, les guerres et les invasions, pour faire partie intégrante de notre patrimoine culturel. C’est d’ailleurs le seul phare de la capitale. Son originalité ? Il a toujours été habité par la même famille, les Chebli, qui s’occupent de leur «bébé» depuis plus de 150 années! Situé à droite de l’autoroute qui mène au centre-ville, cet édifice orné de bandes noires et blanches est presque englouti par la multitude d’immeubles et de maisons qui l’entourent. Antoun, Joseph et maintenant Victor. Soit trois générations. Les Chebli habitent le phare de Manara depuis plus d’un siècle et demi. Le visage fier et blasé, Victor, l’héritier et père de cinq enfants, nous raconte avec passion ces 150 années d’histoire marquées par de nombreux événements : «Tout commença en 1845 lorsque les Turcs convoquèrent une entreprise française pour construire le phare ici, près de Raouché. Son rôle était et est toujours, d’ailleurs, d’accompagner jusqu’au port de Beyrouth grâce aux lumières qu’il projette tout bateau de commerce ou autres désirant s’y rendre. En 1850, les dirigeants turcs avaient besoin d’un bon mécanicien, ils firent alors appel à mon grand-père, Antoun. Ce dernier, arrivé de Bickfaya, avait pour mission de s’occuper du phare et de l’entretenir. C’est ainsi qu’il s’y installa et ne le quitta plus jamais». «À l’époque, nous n’avions pas les technologies d’aujourd’hui , le phare fonctionnait au gaz et son entretien était difficile. Mon grand-père était obligé de grimper plus de 25 mètres dans le noir malgré le froid et les tempêtes en hiver, et plusieurs fois par jour, avec deux ou trois bonbonnes de gaz à la main pour remplir le réservoir vide». Antoun Chebli eut onze enfants. Tous l’aidèrent dans sa tâche. Il vit la fin du règne des Ottomans, avant d’assister à la Première Guerre mondiale et à la presque totalité du mandat français. En 1940, il passa le relais à son fils Joseph, père de Victor. Celui-ci, avec l’aide de son frère Michel, connut une période difficile. En 1952, il fut accusé par le gouvernement français d’avoir, par négligence, provoqué le naufrage du fameux bateau de croisière de l’époque le Champollion près de Ramlet el-Beida. Après avoir été interrogé pendant un mois, il fut relâché et vit son phare s’élever de plus de cinquante mètres sur l’initiative commune des Français et du gouvernement libanais. Les travaux prirent fin en 1957. Il fait actuellement 75 mètres de hauteur. Joseph s’occupa ainsi du phare jusqu’en 1975, année du début des événements. «Pendant plus de 16 ans, le phare est resté éteint. Nous avons reçu des menaces de toutes sortes. Outre les obus qui détruisirent notre maison et la quasi-totalité du phare, on m’a kidnappé plus d’une fois !», précise Victor, le regard dans le vide. «Malgré tout cela, nous n’avons pas quitté ce phare, il représente tout pour nous. C’est une question de fierté», ajoute - il. Bon exemple de fidélité en tous cas ! En 1994, et grâce aux investissements d’une société française qui s’est engagée dans le renouvellement du phare, ce dernier a repris du service et est actuellement en fonctionnement. Doté de quatre projecteurs pivotants, le phare envoie une lumière d’une portée de 33 milles, 60 km à peu près. Cet édifice appartient désormais à l’État libanais. «C’est le gouvernement qui s’occupe du financement et de tout ce qui est entretien. Moi je ne fais que consigner cela dans un rapport». Avec l’évolution de la technologie, ce n’est plus au gaz qu’il fonctionne, mais à l’électricité et à l’aide de panneaux solaires. Un générateur est également prévu en cas de coupure de courant et les données sont aussi sauvegardées sur ordinateur... Bref, Victor, salarié de l’État (c’est d’ailleurs le seul employé du phare), héritier d’une longue tradition familiale, travaille dans des conditions plus confortables que celles auxquelles ont eu droit ses aînés. Mais il le fait avec autant de plaisir et de passion. Si vous vous dirigez vers Saïda, sur la route de Manara, ce n’est pas la peine de regarder à votre droite, c’est à dire du côté de la mer, vous ne trouverez pas de phare. Ce serait pourtant logique parce qu’on associe tous l’idée de phare à celle de bord de mer. Et le fait de le voir carrément à gauche de la route, loin de la mer et entouré d’immeubles qui ont pratiquement sa taille, peut étonner plus d’un. En fait, ce phare a été construit sur une colline et, jadis, aucune construction ne l’entourait. À l’époque, la visibilité était donc nettement meilleure et la présence du monticule sur lequel se trouve l’édifice a certainement été d’une grande utilité pour les constructeurs. Raji GABRIEL
Manara. Ou, si vous préférez, phare en français. D’où le nom de la fameuse avenue qui longe le bord de mer. Construit en 1845, l’imposant phare de Manara a traversé les époques, les guerres et les invasions, pour faire partie intégrante de notre patrimoine culturel. C’est d’ailleurs le seul phare de la capitale. Son originalité ? Il a toujours été habité par la...