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Actualités - ANALYSE

Un message haririen porteur d’espérances

On attendait un mot de clôture banal, à l’image du gouvernement et de sa déclaration ministérielle, mais il n’en a rien été. Dans son mot devant la Chambre, le président du Conseil est largement sorti des sentiers battus. Il a pris des positions en flèche par rapport à certains problèmes sensibles, tel que l’abus de pouvoir et les «services», tout comme s’il était le chef de file de l’opposition. Il n’a d’ailleurs pas hésité à menacer, dès à présent, de s’en aller si ses directives de retenue et de strict respect de la légalité n’étaient pas suivies. Ce qui est une façon à peine voilée de mettre en garde d’autres pôles influents contre la tentation de lui mettre des bâtons dans les roues, dans son effort de défense des libertés comme de la démocratie bien comprise. M. Hariri n’a pas caché que sa traversée du désert, qui a duré deux ans, a modifié sa façon de voir les choses. Ce qui est assez normal : pour la première fois, lui qui a accédé au pouvoir d’entrée de jeu, sans jamais avoir eu encore de mandat électif, a pu en tant qu’opposant toucher du doigt certaines réalités. Et comprendre, par exemple, combien il est nocif d’interdire et de réprimer des manifestations pacifiques, estudiantines notamment. Ou encore de s’amuser à disloquer un corps social comme la Confédération générale des syndicats en s’immiscant dans ses élections. Dès avant les dernières législatives, du reste, au cours d’un meeting oratoire organisé le 6 mai, M. Hariri avait battu sa coulpe, pour promettre de ne pas recommencer les mêmes erreurs. On aurait pu penser alors que ses propos étaient d’ordre purement électoral. Aujourd’hui, il persiste et signe. Ce qui a d’ailleurs beaucoup étonné les députés. Ils reconnaissent en chœur qu’ils ne s’attendaient pas du tout à ce que le chef du gouvernement attaque les services occultes de front au sujet des arrestations arbitraires. Car cette question, à part le fait qu’elle touche aux principes, va très loin en profondeur. Dans ce sens que depuis Taëf, beaucoup de Libanais se demandent si le système n’est pas en train de glisser petit à petit vers le modèle totalitaire que suivent plusieurs pays de la région. M. Hariri semble vouloir freiner ce mouvement d’assimilation. Et du coup les partisans les plus acharnés des décideurs commencent à le regarder d’un drôle d’œil, en se demandant si leurs patrons n’ont pas misé cette fois sur le mauvais cheval. Dans ce contexte, certains politiciens tirent leur chapeau au milliardaire. L’un d’eux le félicite ainsi «pour son incroyable subtilité». «M. Hariri, s’émerveille cette personnalité, a en effet à la fois défendu la présence syrienne, en termes ouverts, quoique vagues ; et apporté de l’eau au moulin du camp qui soutient le manifeste de Bkerké par son réquisitoire contre des méthodes policières copiées chez le voisin». «De plus, relève ce pôle, M. Hariri en a profité pour prendre la défense, à peine camouflée, du général Aoun. Le président du Conseil n’a-t-il pas, en effet, souligné qu’aucun dossier judiciaire ne sera ouvert pour des raisons politiques ?N’a-t-il pas ajouté qu’il n’y aura aucune mesure de vindicte à l’encontre de personne ? Au passage, il s’est cependant offert lui-même une petite fleur de vindicte anodine, en promettant que son Cabinet ne retombera pas dans les égarements rancuniers de l’équipe Hoss. Le président du Conseil a donc jeté une pierre dans le jardin de son prédécesseur, mais on peut penser que sa soif de revanche n’ira pas plus loin». D’autant que selon certaines sources généralement fiables, le président du Conseil a affiché ses positions en pleine coordination avec le régime qui, après tout, avait largement couvert le gouvernement précédent. La question des abus a été abordée au cours de leurs séances de travail et ils sont convenus d’y mettre un terme sans tarder. Ces mêmes sources confirment ce que nous avions indiqué au lendemain des élections. À savoir que Baabda a mis au travail une équipe pour faire le bilan concret et rationnel des deux dernières années, afin d’en tirer un enseignement utile. Les spécialistes mobilisés viennent donc de remettre leur rapport informel aux autorités supérieures. Ils y détaillent les différentes causes de l’érosion subie au niveau du prestige par le régime. D’après ces analystes, la faute en incombe surtout au fait que le chef de l’État a dû payer de son crédit la branlante gestion du gouvernement précédent. Mais l’apport négatif de certains proches du premier cercle n’est pas négligé dans ce réquisitoire. Ces conseillers ou ces collaborateurs se trouvent de la sorte accusés d’avoir à maintes reprises dissimulé ou travesti les réalités au président de la République. Ils lui auraient notamment fait croire que les médias lui étaient systématiquement hostiles, provoquant un fossé qu’actuellement les loyalistes tentent de combler. Quoi qu’il en soit, au stade actuel, les présidents Lahoud et Hariri semblent résolus à travailler la main dans la main, pour corriger la trajectoire. En faisant, au besoin, sauter des têtes. Et en centrant leurs efforts conjoints sur la crise économique, pour l’enrayer dans les prochains mois. Philippe ABI-AKL
On attendait un mot de clôture banal, à l’image du gouvernement et de sa déclaration ministérielle, mais il n’en a rien été. Dans son mot devant la Chambre, le président du Conseil est largement sorti des sentiers battus. Il a pris des positions en flèche par rapport à certains problèmes sensibles, tel que l’abus de pouvoir et les «services», tout comme s’il était...