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Actualités - BIOGRAPHIE

VIENT DE PARAÎTRE - Le nouvel ouvrage de Michel Fani Beyrouth comme métaphore

Conservateur à la Bibliothèque nationale de France, Michel Fani a déjà publié, aux éditions de l’Escalier, deux ouvrages sur la photographie au Liban (Liban 1880-1914 à l’Atelier de Beyrouth) ainsi qu’un Dictionnaire de la peinture au Liban. Aujourd’hui, il propose son Alphabet de Beyrouth. Parfois il semble marcher à côté de ses mots. Tel un funambule il se balade sur le fil d’une mémoire bilingue dans une ville qui n’existe plus, avec en filigrane la guerre qui détruit tout et l’ironie qui sauve de presque tout. Place des Canons, Cafés, Plombier, Germaine, Hôtel, Photo, Désir, Donatien, Jardinier, Escalier, Schéhadé, Négoce, Névrose, Cinéma, Gibran, Lumière, Mort, Le cray, Cadastre... Un inventaire de radeau de survie à usage d’exilé sommé de n’emporter que l’essentiel. Les chapitres se suivent sans chronologie particulière. La mémoire de Michel Fani est un souk savamment désordonné où le plus infime détail révèle mine de rien l’essentiel, et son Alphabet de Beyrouth* est comme l’inventaire d’une vieille maison de famille trop aimée et perdue, qui appartient à tous et à personne. On peut le lire comme un conte ou comme un règlement de compte. Mais en aucun cas comme un guide touristique... Ce pourrait être au fond un abrégé à la libanaise de L’Intermédiaire des Chercheurs et Curieux, ce formidable recueil d’informations imaginé en 1864 pour «les littérateurs et gens du monde, professeurs, artistes, amateurs, bibliophiles, érudits, collectionneurs, archéologues, généalogistes, numismates etc». On découvre en effet dans cet Alphabet très personnel comment se perpétue, de la plus innocente manière, la mémoire du marquis Donatien de Sade à Beyrouth grâce aux sœurs de Charité de Saint-Vincent ; comment à une certaine époque «un Libanais sur dix en avait tué un autre, et un sur cinq blessé un autre» ; on croise en pleine guerre des Beyrouthins paumés, incrédules, et des «journalistes d’actualité arrivistes de la vérité». Mais il y a aussi la peinture d’une ville qui n’est plus, avec Abou Nizar le bouquiniste qui vendait pour 100 LL un Coran de voyage en maroquin orange au coin de la rue, les petits hôtels borgnes autour de la place des Canons, avec le marchand de journaux à l’angle du Regent Hotel, les extravagants gâteaux de la Pâtisserie Suisse, hantée par «une petite société de retraités d’avance», les matins de Beyrouth, toujours chiffonés, et toujours cette lumière qui, «à mesure que la journée avance provoque un état d’hébétude, une manière de tellement détailler les choses qu’on ne les voit plus». Par petites touches, l’auteur tire les fils de la mémoire à la manière d’un entomologiste penché sur son ouvrage avec une loupe retournée. Le trait reste précis mais il y a cette distance qui le trouble, et parfois trouble aussi le lecteur. Un peu de mélancolie, pas mal de recul et d’humour, une connaissance encyclopédique du passé de la ville et des petits réveils difficiles entre les chapitres Détresse, Mort, Désastre. La plupart des gens habitent une ville sans trop savoir pourquoi. D’autres, comme Fani, sont habités par une ville ou plutôt par une absence de ville... Mais les mots sauront-ils jamais combler l’absence de la terre ? Au terme de cet Alphabet à la musique douce aiguë la question reste posée. Mais le charme de cette langue totalement libre et bilingue reste. *«Alphabet de Beyrouth» Éditions de l’Escalier
Conservateur à la Bibliothèque nationale de France, Michel Fani a déjà publié, aux éditions de l’Escalier, deux ouvrages sur la photographie au Liban (Liban 1880-1914 à l’Atelier de Beyrouth) ainsi qu’un Dictionnaire de la peinture au Liban. Aujourd’hui, il propose son Alphabet de Beyrouth. Parfois il semble marcher à côté de ses mots. Tel un funambule il se balade...