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Actualités - REPORTAGES

Enquête - Les jeunes souhaitent que leurs priorités soient celles du gouvernement Divisés sur le dossier syrien, les étudiants se retrouvent sur le volet économique

Ils voudraient que leurs priorités soient celles du gouvernement. Ils souhaitent que le Premier ministre, Rafic Hariri, apprenne à voir les choses avec leur regard et non avec le sien. Dans la définition des priorités que le gouvernement devrait avoir, le clivage est évident entre les étudiants chrétiens et musulmans. Ces étudiants, nous les avons rencontrés dans six grandes universités du pays, à savoir l’AUB, l’USJ, Haïgazian, l’Usek, ainsi que l’UL de Fanar et de Sanayeh. Indiscutablement, les universitaires de l’Est vivent dans l’espoir du départ des troupes syriennes, imputant la crise économique à l’hégémonie syrienne, alors qu’à l’Ouest, ils attendent d’abord du gouvernement qu’il trouve une solution rapide et durable à la crise économique. Les divergences sont réelles, mais à l’unanimité, les jeunes espèrent que l’action du gouvernement se situe au niveau de «l’homme avant la pierre», car, indépendamment de leur appartenance communautaire, ils craignent tous le chômage, l’exil, le départ forcé de cette patrie qu’ils aiment par-dessus tout… Le leitmotiv des étudiants chrétiens est que la souveraineté du pays devrait constituer la priorité essentielle du nouveau gouvernement. Les mêmes phrases sont répétées, inlassablement, comme une litanie. «Que l’armée syrienne quitte le pays, et le peuple reprendra confiance. C’est alors que l’émigration cessera». dit Marianne, étudiante en lettres françaises, à l’Université libanaise de Fanar. Joignant le geste à la parole, elle montre du doigt le campement de l’armée syrienne, situé dans l’enceinte même de l’université, ajoutant que «celle-ci est présente partout, même à l’intérieur de l’université, et qu’elle exerce d’importantes pressions à tous les niveaux». Étudiant en théologie à l’Usek, et licencié en droit, Milad pense que le retrait syrien devrait être envisagé dans le cadre du dialogue national, «une solution qui dissuaderait les chrétiens de se tourner vers une formule fédérative». À l’AUB, Nicolas, étudiant en génie mécanique, ne mâche pas ses mots : «Que ce gouvernement mette la Syrie dehors et le pays se remettra sur pieds». Parallèlement, dans les universités de l’Ouest, seules quelques voix insistent sur le «redéploiement de l’armée syrienne, conformément aux accords de Taëf». Pour Khalil, étudiant en droit à l’UL de Sanayeh, l’urgence est de trouver une solution rapide et efficace à la crise économique. Anxieux de leur avenir, les universitaires appréhendent de se retrouver au chômage, une fois leurs études terminées, insistant sur la menace de l’émigration. «La priorité du gouvernement ? résoudre la crise économique, bien sûr», répondent en chœur Sally, Houssam et Samer, tous trois étudiants à l’AUB. «À l’heure actuelle, seuls les riches travaillent, alors que le petit peuple est au chômage. Et le fossé se creuse de plus en plus entre les classes sociales. Si le gouvernement parvient à enrayer la crise économique, nous serons moins tentés d’aller à l’étranger pour y trouver du travail», reprennent-ils, sceptiques. Pour Garbis, étudiant à l’université Haïgazian, seule une politique d’ouverture aux investissements pourra favoriser un redressement économique et l’empêcher de rejoindre son frère aux États-Unis. «Mes racines sont là, dit-il, et je tiens à rester au pays». Shoghig, étudiante en éducation à la même université, parle du marasme qui l’a contrainte à fermer ses deux boutiques. «J’étais envahie par les factures d’électricité, de téléphone, de municipalité…alors que le travail allait mal. C’est la raison pour laquelle j’ai dû fermer boutique», déplore-t-elle. Mais confiante, elle ajoute : «Que le gouvernement s’occupe de résoudre la crise économique et nous ferons le reste…» Cependant, l’avis de Wassim, étudiant en sciences politiques à l’USJ, résume les attentes de la majorité des étudiants chrétiens. Il assure que le départ de l’armée syrienne, le désarmement des Palestiniens du Liban et de toutes les milices, le retour des déplacés ainsi que la participation de l’ensemble des Libanais à la vie politique entraîneront indiscutablement la résolution de la crise économique du pays. Malgré les divergences sur le dossier syrien, l’entente nationale semble préoccuper une grande partie des universitaires, mais là aussi, le clivage est net. Les étudiants parlent, certes, de passage de la coexistence à la véritable entente nationale et de participation de tous les Libanais à la vie politique. Mais pour certains, comme Ali, étudiant en droit à l’UL de Sanayeh, l’entente nationale passe d’abord par l’abolition du confessionnalisme politique alors que pour d’autres, comme Wassim, elle ne peut avoir lieu sans le retour des leaders et chefs de partis politiques, exilés ou emprisonnés, et le vote d’une loi d’amnistie. La liste de leurs priorités, ils n’en finissent pas de l’égrener : que le gouvernement dissocie la justice de la politique, que les capacités priment le clientélisme, que l’intérêt national passe avant les intérêts personnels, dans le respect de la démocratie. Mais aussi que ce gouvernement se penche sur les problèmes quotidiens des régions défavorisées, qui n’ont toujours pas l’eau courante, l’électricité, ou un réseau routier viable, comme l’explique Rachel, étudiante en lettres françaises à l’UL de Fanar. Qu’il révise les taxes à la baisse, ainsi que le prix de l’essence, avant de développer aéroports et routes internationales… Et sur toutes les lèvres, ce même souhait, cette même phrase qui dénonce le malaise de tous les étudiants, sans exception : «Que le nouveau gouvernement s’occupe de l’homme avant la pierre et des gens qui commencent à avoir faim». Anne-Marie EL-HAGE
Ils voudraient que leurs priorités soient celles du gouvernement. Ils souhaitent que le Premier ministre, Rafic Hariri, apprenne à voir les choses avec leur regard et non avec le sien. Dans la définition des priorités que le gouvernement devrait avoir, le clivage est évident entre les étudiants chrétiens et musulmans. Ces étudiants, nous les avons rencontrés dans six grandes...