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Actualités - CHRONOLOGIE

Le débat - marathon pourrait se prolonger jusqu’à lundi Moukheiber brise un tabou place de l’Étoile : « L’armée syrienne doit s’en aller »

Le débat de confiance au Parlement est l’indispensable préambule au vote du même nom. Un vote qui, sauf un improbable coup de théâtre de derrière les fagots en dernière minute, viendra sanctionner positivement le second gouvernement du mandat Lahoud, le quatrième de Rafic Hariri en huit ans. Une certitude : ce débat va certainement ressembler à un marathon, un vrai, et qui risque bien de s’étendre jusqu’à lundi : 62 députés ont demandé à prendre la parole, soit près de la moitié des députés. Deux absences remarquées au banc des ministres : Sebouh Hovnanian et Sleiman Frangié n’étaient pas là. Issam Farès non plus, mais lui est en voyage. Et puis il y a certaines constantes qui ne changent pas, comme une superstition peut-être : Fouad Siniora et Bahige Tabbarah ont repris chacun exactement la même place qu’ils occupaient durant les trois premiers mandats Hariri. Et c’est Ali Ammar, le député Hezbollah de Beyrouth, qui interpelle en premier le président de la Chambre Nabih Berry : «Va-t-on débattre pour donner la confiance aux Trente, ou bien le partage du gâteau n’est pas encore terminé ?» Berry rétorque que l’on n’en reparlera que le cas échéant. Misbah Ahdab enchaîne, et annonce haut et fort qu’il démissionne de toutes les commissions au sein desquelles «on a fait figurer son nom.» Omar Karamé renchérit sur la préfabrication, Georges Kassarji de même, «il faut deux ministres arméniens dans ce Cabinet», à qui l’amuseur public numéro un du Parlement, Omar Karamé, répond : «Il en faut 60 !» Nabih Berry : «Ce Parlement sans toi, il n’est pas beau...» Georges Kassarji monte alors sur ses grands chevaux, critiquant Karamé sans le nommer et tous «ceux qui se moquent ouvertement de sa revendication». Nabih Berry, péremptoire et catégorique comme il sait l’être, lui rappelle la différence entre «la plaisanterie et la moquerie», Ghounwa Jalloul, en retard, traverse, sous le regard de l’assemblée, tout l’hémicycle pour rejoindre sa place, et Nassib Lahoud, Walid Joumblatt ou Pierre Gemayel ne sont pas là. Rafic Hariri peut commencer la lecture de la déclaration ministérielle – l’objet de tous les débats. Dehors, on manifeste pour les prisonniers libanais en Israël, dedans, Karim Racy et Émile Lahoud jouent avec leurs cellulaires dernier cri, et Rafic Hariri termine sa déclaration sous un tonnerre d’applaudissements. Évidemment. Nabih Berry peut alors donner la parole au premier intervenant. Il s’agit du vieux lion : c’est Albert Moukheiber qui débute. Et il l’improvise son discours le vieux lion. Il lâche sa bombe. Digne, attendrissant et ferme, malgré quelques hésitations. Un mythe, malgré son dernier faux-pas électoral. L’assistance tout entière l’écoutait, certains souriaient aux anges, d’autres désapprouvaient ostentatoirement. Les mots d’Albert Moukheiber n’ont surpris personne, et ont hébété tout le monde, Mahmoud Hammoud, le nouveau ministre des AE, en tête. Dans tous les cas, depuis plus de dix ans, aucun député n’avait publiquement et ouvertement mis en cause la présence syrienne au Liban sous les lambris du Parlement. Ils étaient éloquents les mots, assénés, du vieux lion. «Cette déclaration ministérielle est très jolie, mais elle ne peut s’appliquer sans une réelle couverture politique. Personne plus que moi n’est attaché aux relations syro-libanaises, mais sommes-nous vraiment indépendants ? Et si nous ne le sommes pas, à quoi sert de développer ces relations ? Il faut que celles-ci soient de nature diplomatique, je voudrais qu’on me dise pourquoi l’on refuse un échange d’ambassadeurs ? Si les Libanais s’élèvent contre la présence syrienne, c’est parce qu’ils craignent de voir perdurer ce mandat – un mandat illégal». Et Albert Moukheiber de demander au gouvernement le retrait des forces syriennes, «leur présence est un terreau fertile pour tous les carriéristes et puis cela nous mènera tout droit à une guerre, surtout après la mise en garde de Kofi Annan (“le danger est permanent à la frontière libano-israélienne”). Nous souhaitons à la Syrie la liberté, la libération de son territoire, nous sommes à ses côtés, mais que ceux qui ont fait de l’outrance et de la surenchère un métier à part entière, eh bien qu’ils nous permettent une chose : que personne ne nous impose la présence militaire syrienne au Liban». Quant au second point évoqué par Albert Moukheiber, c’est l’absence de l’armée à la frontière libano-israélienne. «La guerre des pierres a repris de nouveau à la frontière, je voudrais savoir si nous sommes prêts pour un nouveau conflit avec Israël ?» Inutile de dire qu’il votera la défiance et inutile de dire que pas un seul applaudissement n’a retenti. Il n’empêche, ceux de certains yeux suffisaient amplement. Hariri répond Rafic Hariri n’a pas attendu, comme le veut la tradition, la fin de toutes les interventions, «c’est un sujet extrêmement sensible et important», il a répondu tout de suite à Albert Moukheiber. En gros, il a catégoriquement refusé l’idée d’Israël agressé, «c’est lui le seul et unique agresseur, c’est lui qui se justifie et refuse la paix.» Acharné dans sa défense de la Syrie, Rafic Hariri n’a pu faire autrement qu’abonder de nouveau dans l’éternelle polémique, «sans la Syrie, et avec tous les problèmes internes qu’a connus le Liban, cela aurait été la catastrophe. Elle nous a aidés et continue de le faire. Et si elle voulait vraiment contrôler notre pays, la Syrie aurait tout fait pour affaiblir notre armée. Or ce n’est pas le cas. Le président Assad a réagi très positivement, lors de mon entretien avec lui, quant à un développement des relations bilatérales, serait-ce au détriment de la Syrie et au profit du Liban». Et avant que Jean Obeïd ne prenne la parole, Albert Moukheiber demande à Nabih Berry la permission de répondre à Rafic Hariri. «Non !» «Mais je voulais le remercier...» L’éclat de rire est général. Fattouche, Boueiz et les autres... Le député de Tripoli, Jean Obeïd, s’est cru obligé de faire un véritable dithyrambe de la Syrie. Reprenant à son compte les propos du Premier ministre, il a rendu un vibrant hommage au ministre des Finances, Fouad Siniora, «il était opposé à la signature du contrat avec les Italiens, c’était la volonté de MM. Berry, Hariri et Murr. Sa renomination est un satisfecit.» Boutros Harb : «Satisfecit par rapport à quoi ?» Véritable avocat de la défense de tous ceux qui ont eu maille à partir avec la justice, Jean Obeïd a encensé l’ancien ministre de l’Industrie et du Pétrole, Chahé Barsoumian, «qu’on le ramène au gouvernement lui aussi», a ironisé, mi-figue mi-raisin, Georges Kassarji, et comparant Élias Murr, le fils de, à Farès Boueiz, le gendre de, le député du Nord a souhaité au premier de faire ses preuves «aussi bien que l’avait fait le second». Rafic Hariri s’étranglait de rire, Sélim Saadé vient fixer le micro, et Jean Obeïd conclut, sans surprise, «nous voterons pour une chance nouvelle». C’est le député du Akkar, Mikhaïl Daher, qui enchaîne, beaucoup de députés sortent. Il commence son discours en défendant la présence syrienne au Liban, poursuit sur la déclaration ministérielle, «je n’y ai trouvé que des grands titres lus et relus dans la presse et ressassés dans les autres déclarations depuis plus de dix ans : c’est une déclaration qui ne sied pas à un gouvernement où se côtoient autant de ministres et autant de vétérans». Redynamiser les libertés publiques, élargir la participation populaire, approfondir la pratique démocratique, encourager toute forme de débat, préserver les institutions constitutionnelles : «Cette déclaration ne contient que des slogans creux, archi-rabâchés». Une seule certitude, Mikhaïl Daher donne beaucoup plus sa confiance aux membres du gouvernement qu’à ce dernier. Bref, Mikhaïl Daher s’éternise bien au-delà des trente minutes qui lui sont imparties, Nabih Berry le rappelle à l’ordre une première fois, à la deuxième, le député de Kobeyate fait un gros malaise. Nayla Moawad et Omar Karamé n’arrêtent pas, comme d’habitude, d’échanger leurs impressions, Ghounwa Jalloul, croisée dans les couloirs du Parlement, avoue regretter ce portefeuille qu’elle n’a jamais eu, et assure que sa priorité, outre la technologie, ce sont les Beyrouthins défavorisés. Mohammed Yéhia est le quatrième à prendre la parole, son discours s’articulant principalement autour du triangle de la désolation, à savoir Akkar-Denniyé-Bécharré. Il est immédiatement suivi par le député grec-catholique de Zahlé, l’innénarrable Nicolas Fattouche. Et pendant toute la durée des débats en matinée comme en soirée, deux hommes se distingueront par leur sérieux, et leur constance dans le travail : le ministre des Finances, Fouad Siniora et le député de Baabda, Salah Honein. Impressionnants. Les ministres Bahige Tabbarah et Fouad el-Saad ne sont pas, eux non plus, en reste. Et c’est l’ancien ministre des AE, Farès Boueiz, qui clôt, avec son discours, la session du matin. Les « non » de Khazen, Tok et Issa el-Khoury La soirée a vu le retour du président Hariri, qui s’est assis parmi les députés, aux côtés de Mohsen Dalloul, ainsi que la présence, toujours parmi les députés, du ministre contestataire de la Jeunesse et des Sports, Sebouh Hovnanian. Le premier à s’exprimer, vers 18h15, a été le secrétaire général du bureau de la Chambre, Farid el-Khazen. «La marginalisation politique de vastes franges de Libanais, le refus d’assumer ses responsabilités en se cachant derrière son petit doigt et le non-respect du rôle des institutions ont mené à la formation de ce Cabinet – formation basée sur le partage du gâteau (...) Parce que nous refusons le suicide, nous décidons de ne pas accorder la confiance au gouvernement». Même son de cloche pour Gebrane Tok, qui après avoir accueilli chaleureusement le nouveau Premier ministre, «le plus apte à gérer l’étape actuelle», a affirmé qu’«en harmonie avec la position des Libanais de la première circonscription du Liban-Nord, nous sommes forcés de dénier la confiance au gouvernement». Son co-listier de Bécharré, Kabalan Issa el-Khoury, a eu exactement les mêmes arguments, il a donc pris la même décision. Quant à Misbah Ahdab, Ali el-Khalil – après moult critiques, Farid Makari – après de nombreuses remarques fondamentales, Mohammed Hajjar, Wajih Baarini, Abdellatif Zein, Nazem Khoury, Mohsen Dalloul et Saleh Kheir, ils voteront, eux, la confiance. Dans tous les cas, l’atmosphère était bien plus détendue en soirée et Nabih Berry a même rappelé à l’ordre le président Hariri, en pleine conversation potache au fond de l’Assemblée avec plusieurs députés. Et les éclats de rire complices entre les présidents Berry et Hariri ont été légions hier. Rendez-vous demain, 18 heures, pour l’acte II. Ziyad MAKHOUL
Le débat de confiance au Parlement est l’indispensable préambule au vote du même nom. Un vote qui, sauf un improbable coup de théâtre de derrière les fagots en dernière minute, viendra sanctionner positivement le second gouvernement du mandat Lahoud, le quatrième de Rafic Hariri en huit ans. Une certitude : ce débat va certainement ressembler à un marathon, un vrai, et qui...