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Actualités - ANALYSE

Déjà des spéculations sur la viabilité des Trente

Avec une équipe forte, la question ne se poserait sans doute pas. Mais avec la fragilité manifeste des Trente, les cercles politiques spéculent déjà sur leur viabilité ministérielle. Ce Cabinet a-t-il des chances d’aller jusqu’à l’élection présidentielle de 2004 ? Tous les professionnels en doutent. Mais soulignent que sa durée de vie – neuf mois, un an ou deux – est directement liée à son taux de réussite. Lequel se trouve à son tour conditionné par les éléments suivants : – La bonne harmonie entre les ministres, président du Conseil compris, et la bonne entente de ce dernier avec le chef de l’État. Sans une étroite cohésion du corps exécutif, ni le redressement économique, ni un traitement efficace de l’épineux dossier régional ne seraient possibles. La coopération pourrait être menacée, assez rapidement, par les divergences de vues concernant la relance économique, l’épongement de la dette, la réduction du déficit budgétaire et la réforme administrative. Mais aussi, et peut-être surtout, par les conflits d’intérêts classiques qui relèvent du partage du gâteau et se manifestent, par exemple, à l’occasion de nominations ou de permutations administratives. – La persistance de l’accord parmi les dirigeants est également nécessaire sur le front du Liban-Sud et par rapport à la ligne qu’il convient de suivre dans le cadre du processus de paix. Il s’agit notamment de la question de l’envoi de l’armée dans la zone méridionale. L’obstination mise à s’y refuser laisse la porte ouverte aux risques de dérapage des incidents quotidiens entre les manifestants frontaliers, libanais ou palestiniens, et les Israéliens. Les États-Unis, mais également les Nations unies enjoignent au Liban d’assumer ses responsabilités à cet égard, en déployant l’armée. On sait que les autorités locales, malgré ces pressions, ont adopté sur ce point une décision négative. Sous divers prétextes, dont le moindre n’est pas qu’il faut laisser le front semi-ouvert jusqu’à la libération de Chebaa mais aussi du Golan. Mais le choix de Beyrouth signifie pour commencer qu’il se met lui-même en première ligne, face aux menaces israéliennes. Et qu’il se prive, par voie de conséquence directe, des assistances espérées pour la reconstruction de la région, comme pour entamer le redressement économique du pays. Or, un gouvernement Hariri sonne toujours, par définition, comme un gouvernement à vocation économique. Ses éléments actifs devraient avoir plus de mal que leurs prédécesseurs de l’équipe Hoss à admettre l’idée que le Liban puisse volontairement se priver d’une aide étrangère susceptible de le remettre économiquement sur pieds. Sans compter que le maintien de la tension au Liban-Sud affecte également la stabilité intérieure, la tranquillité d’esprit et le taux de confiance locale nécessaires à la relance. Sans être grand clerc, on peut d’ores et déjà prévoir des dissonances entre l’aile politique du gouvernement, qui soutient bien évidemment les choix convenus avec les décideurs, et la frange économique. Pour qui il n’y a pas de raison qu’on ne déploie pas l’armée au Liban-Sud afin que la situation y devienne aussi calme qu’au Golan. Certes, les frictions sur ce point viendraient difficilement au jour. Mais il est assez difficile d’imaginer que M. Hariri ne tente pas quelque chose pour un réexamen des choix opérés sur le terrain. Il en a donné un tout premier indice, en allant plaider d’entrée de jeu à Damas la rectification des rapports économiques entre les deux pays. – Théoriquement, mais théoriquement seulement car l’Est n’est pas représenté au sein du gouvernement, il peut y avoir également des litiges politiques au sein du nouveau pouvoir exécutif au sujet de Taëf. Plus précisément, au sujet de la non-application de certaines de ses clauses majeures, comme le redéploiement syrien, réclamé par le manifeste de Bkerké, et l’abolition du confessionnalisme politique. À dire vrai, les divergences se feraient jour entre les responsables non pas directement sur cette question chronique, mais sur la façon de réagir aux attaques et aux critiques qu’elle provoque. La manière forte ? L’intervention de M. Hariri auprès du parquet pour qu’on cesse immédiatement de l’employer est très significative. Il n’est donc pas certain qu’un jour ou l’autre il ne se heurte aux orientations, toujours répressives apparemment, d’autres pôles décideurs. D’autant que le problème divise les Libanais et compromet les chances, déjà réduites par le maintien des discriminations ministérielles, d’une entente nationale. – Par ailleurs, en cas de débordements palestiniens provoqués au Liban par une aggravation de la situation régionale, les responsables pourraient ne pas partager les mêmes vues sur la conduite à suivre à l’égard des camps. – Enfin, et surtout, si le gouvernement n’engage pas sans tarder une action bien étudiée pour assainir les finances publiques et relancer l’économie, il ne ferait pas long feu. Émile KHOURY
Avec une équipe forte, la question ne se poserait sans doute pas. Mais avec la fragilité manifeste des Trente, les cercles politiques spéculent déjà sur leur viabilité ministérielle. Ce Cabinet a-t-il des chances d’aller jusqu’à l’élection présidentielle de 2004 ? Tous les professionnels en doutent. Mais soulignent que sa durée de vie – neuf mois, un an ou deux –...