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Actualités - ANALYSE

Le catholicos Kéchichian relance Hariri

La collectivité arménienne prend très à cœur cette histoire de deuxième ministre. Non pas pour les avantages de la fonction, puisqu’il ne s’agirait que d’un ministère d’État, mais pour la consécration de son ancrage civique. Et pour le respect des accords de Taëf qui lui reconnaissent un statut de communauté principale, aux côtés de six autres (maronite, sunnite, chiite, grecque-orthodoxe, druze et grecque-catholique). Comme on sait, les Arméniens ont prié M. Sebouh Hovnanian, nommé ministre de la Jeunesse et des Sports, de suspendre sa participation au Cabinet, en attendant que la communauté obtienne un second maroquin. Des contacts intensifs sont développés pour régler cette affaire. Et, de l’étranger où il se trouve, le catholicos de Cilicie, SS Aram Ier Kéchichian, a pris instamment contact au téléphone avec le chef du gouvernement pour lui demander un portefeuille supplémentaire, qui irait éventuellement au parti Tachnag. Le président du Conseil a répondu, d’après des sources informées, qu’en tout état de cause, s’il devait y avoir un deuxième ministre arménien, il ne pourrait être Tachnag, aucune raison statistique n’autorisant plus cette formation à truster la représentativité arménienne. On sait en effet qu’aux dernières élections législatives, les députés arméniens élus sur les listes Hariri, qui ont tout raflé à Beyrouth, n’étaient pas Tachnag. Selon les mêmes sources, il n’y a pas eu accord entre le président Hariri et le catholicos, mais l’entretien s’est terminé sur une note courtoise, laissant la porte ouverte à un règlement à l’amiable. Les néoloyalistes ne cachent pas leur embarras. «Nous sommes pris dans un dilemme difficile, dit l’un d’eux. D’une part, il est difficile de se mettre à dos la communauté arménienne, déjà que notre assise au niveau chrétien n’est pas bien solide. Et d’autre part la combinaison pléthorique que nous avons mise sur pied, déjà bien faible, deviendrait tout à fait paralytique si nous devions la porter à 32. Trop lourde, elle ne pourrait plus tenir sur ses pieds. De plus, cela créerait un précédent redoutable. À chaque changement de Cabinet, il faudrait désormais prévoir un maximum de désignations et il n’y aurait plus de plafond. Le pays se retrouverait de la sorte ingouverné. Plus aucune communauté n’accepterait d’être tenue à l’écart, si les Alaouites devaient obtenir un portefeuille. Chacune des nombreuses autres collectivités qui sont classées au chapitre «minorités» voudrait avoir un ministre bien à elle». Ce constat désabusé prouve, si besoin était, que l’on a eu tort de former un gouvernement en base d’un double principe bancal : le partage du gâteau entre les grands ; et le souci de faire le moins de mécontents possible, pour compenser la faiblesse organique de l’équipe par une forte majorité automatique à la Chambre. Le néoloyaliste cité répond cependant qu’«il a fallu, et il faudra toujours, veiller aux équilibres. C’est ce qui fait que le plafond de la sélection ministérielle a dû être relevé». Un argument contestable dans la mesure, considérable, où le souci des équilibres n’a pas empêché le pouvoir de tenir l’Est soigneusement à l’écart. Ce n’est donc pas d’équilibres à l’échelle nationale qu’il s’agit, mais bel et bien d’une balance des rapports d’influence entre les tenants locaux, ou parachutés, du système géré depuis Taëf par les décideurs. Pour en revenir aux Arméniens, les archives parlent pour eux. «Dans les cas de Cabinets élargis, indique un vétéran, les accords de Taëf prévoyaient un seul maroquin aux arméniens-orthodoxes et un autre, qui peut échoir à un Arménien non orthodoxe, aux minorités. Ainsi dans le gouvernement Karamé qui a suivi Taëf, le regretté Khatchig Babikian représentait les arméniens-orthodoxes ; mais M. Jacques Jokhadarian, qui est arménien-catholique, représentait pour sa part les minorités. Cependant, dans un précédent Cabinet Hariri, deux arméniens-orthodoxes, MM. Chahé Barsoumian et Hagop Démerdjian, avaient effectivement été nommés. Les autres communautés avaient alors protesté, mais on avait réussi à les faire patienter». «En tout cas, ajoute ce même vétéran, c’est bien l’actuel président du Conseil qui a créé le précédent autorisant les arméniens-orthodoxes à disposer de deux sièges dans tout gouvernement élargi. La communauté considère que désormais c’est un droit acquis. Il reste à savoir si elle ne serait pas disposée à un sacrifice, pour donner l’exemple dans le rejet du système de partage du gâteau, d’une part. Et d’autre part, pour s’éviter des dissensions internes, car beaucoup de courants arméniens ne voient pas pourquoi les deux portefeuilles iraient au Tachnag». Une autre source informée croit savoir que «les Arméniens tiennent surtout à marquer le coup. En pratique, ils pourraient accepter une compensation au niveau d’un poste administratif de première catégorie». Quoi qu’il en soit, les ponts ne sont pas rompus, à preuve que M. Hovnanian n’a pas démissionné mais s’est simplement mis en réserve du gouvernement. Aux dernières nouvelles, les médiateurs proposent le rajout de deux sièges gouvernementaux. L’un pour les Alaouites, qui serait attribué à M. Ahmed Hbous. Et l’autre qui pourrait aller à M. André Tabourian qui a , semble-t-il, le soutien du catholicossat, ou à M. Hagop Démerdjian. Ou encore à M. Serge Ter-Sarkissian, favori évident du camp haririen. Philippe ABI-AKL
La collectivité arménienne prend très à cœur cette histoire de deuxième ministre. Non pas pour les avantages de la fonction, puisqu’il ne s’agirait que d’un ministère d’État, mais pour la consécration de son ancrage civique. Et pour le respect des accords de Taëf qui lui reconnaissent un statut de communauté principale, aux côtés de six autres (maronite, sunnite,...