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Actualités - ANALYSE

Les milieux officiels s’alarment de la tournure que prennent les polémiques

En cette fin d’année (et de siècle), la vie politique locale se trouve marquée par une tension issue en droite ligne du kaléidoscope de polémiques qui opposent les loyalistes aux opposants, les loyalistes aux loyalistes et les opposants aux opposants. Pour tout résumer, personne n’est d’accord avec personne. Un exemple entre mille : les partisans de Baabda montent en première ligne pour défendre la présence militaire syrienne ; mais en même temps, ils se sentent nettement plus concernés par l’affaire des disparus que les haririens. Qui pour leur part aimeraient bien mettre ce dossier sous le coude. Toujours est-il que d’escarmouche en escarmouche, les positions se radicalisent de jour en jour sur les divers fronts qui sont ouverts. Le pouvoir commence à s’en rendre compte et redoute, signale un responsable, «que l’on en vienne bientôt à la généralisation d’un discours fanatisé, de nature confessionnelle. Ce qui pourrait avoir de dangereuses conséquences au niveau de la rue». Une lucidité, louable en soi, qui reste malheureusement théorique. Car le pouvoir, qui cache mal ses propres divisions, fait montre d’une étrange apathie pour colmater les brèches. Ainsi, l’illustre cheikh Soubhi Toufayli, qui fait l’objet de multiples mandats d’arrêt par défaut, s’active de nouveau au grand jour dans la Békaa. Il y multiplie les harangues enflammées et les prêches incendiaires devant des milliers de partisans, sans que nul ne songe à s’en inquiéter, et encore moins à inquiéter le trublion. Et ceci, à proximité flagrante des positions des forces dites de sécurité, locales ou fraternelles, comme on dit. Cependant, la même personnalité officielle relève que «le ton du discours sur la scène locale ne sert pas la marche vers un État des institutions et de droit. Les passes d’armes verbales affectent la stabilité politique du pays et risquent, à terme, de mettre en péril sa stabilité sécuritaire». Ce préambule pour justifier l’option de retenue haririenne concernant le dossier des disparus, «car l’intérêt national, indique ce cadre, commande qu’on mette une sourdine à tout sujet épineux rejailli des pages sombres de notre histoire. Il faut, en cette période cruciale de mutation sur le plan régional, dépassionner à tout prix le débat. Un thème comme celui des disparus ne peut que réveiller les vieux démons de la rancœur interne fondée sur des sentiments et des ressentiments, de nature essentiellement confessionnelle». Dès lors, cet officiel préconise «une campagne médiatique soigneusement préparée pour étouffer dans l’œuf tout risque d’incendie, en propageant un discours modérantiste. Ce qui ne peut se faire qu’en tournant le dos aux dossiers récurrents de la guerre, dont le traitement doit se faire dans un cadre uniquement humanitaire, et sans tapage». Cette personnalité ajoute qu’une fois un sujet ouvert, il est difficile de le contrôler ou de le limiter à un aspect déterminé. «Ainsi, souligne cette source, à partir de la libération par les Syriens de Libanais qu’ils détenaient chez eux, on a commencé par parler des éléments portés disparus lors de l’opération du 13 octobre 1990 et l’on a fini par réclamer tous ceux, Libanais ou Palestiniens, dont on reste sans nouvelles depuis le déclenchement de la guerre domestique le 13 avril 1975. Parallèlement, la controverse sur la présence militaire syrienne a produit des réactions extrêmes. Il y a eu d’abord les attaques et les menaces de M. Assem Kanso contre M. Walid Joumblatt. Puis il y a eu les communiqués incendiaires, contre Bkerké, des ulémas et des présidents de municipalités du Akkar qui ont usé de termes quasi insultants à l’égard du patriarche Sfeir. On peut donc toucher du doigt les effets pervers de la polémique qui occupe chez nous le devant de la scène, alors que nous devrions nous inquiéter de ce qui se passe dans la région». – «Mais, répond un opposant, le Akkar n’est-il pas un district bien tenu en main ? La même chose ne peut-elle pas se dire de Brital, le bourg de la Békaa où Toufayli a fait sa réapparition ? Ces phénomènes auraient-ils été laissés sans forte répression s’ils s’étaient produits dans d’autres régions ? Qui donc jette de l’huile sur le feu et à quelles fins ? Ne serait-on pas devant une nouvelle illustration de la devise : diviser pour régner ?». Peut-être, mais le principe des vases communicants implique sans nul doute que la pugnacité sans précédent de la campagne lancée par Bkerké au sujet de la présence militaire syrienne provoque en face un net durcissement. C’est ce que les haririens soulignent inlassablement, en appelant à la modération. Ils affirment qu’une polémique comme celle portant sur le sort des disparus entrave la bonne marche du gouvernement. Et que le climat ambiant porte gravement préjudices aux intérêts bien compris du pays, à une heure où il attend d’être fixé sur son sort sur le plan régional. Les partisans du président du Conseil, qui lui-même lance un appel pour que l’on transcende les litiges, concluent en souhaitant une réconciliation générale, en vue de l’entente nationale. Oubliant sans doute qu’ils ont eux-mêmes raté le train, lors de la formation du Cabinet, dont le camp chrétien s’est encore une fois trouvé exclu. Les partisans du régime, répétons-le, ne sont d’ailleurs pas sur la même longueur d’onde que les haririens. Ils répètent en effet qu’il faut traiter à fond, et en toute transparence, au cas par cas, le dossier douloureux des disparus. Il reste que les uns et les autres affirment que les divergences de vues portent sur l’approche technique et non sur le fond. Ils nient donc qu’il y ait litige entre Baabda et le Sérail. Philippe ABI-AKL
En cette fin d’année (et de siècle), la vie politique locale se trouve marquée par une tension issue en droite ligne du kaléidoscope de polémiques qui opposent les loyalistes aux opposants, les loyalistes aux loyalistes et les opposants aux opposants. Pour tout résumer, personne n’est d’accord avec personne. Un exemple entre mille : les partisans de Baabda montent en...