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Actualités - CHRONOLOGIE

PARLEMENT - Trente-six projets de loi devant les députés Disparus, implantation, développement. Et la bombe Sabeh

Bassem Sabeh est député chiite de Baabda, élu il y a près de quatre mois sur la liste parrainée par Walid Joumblatt. Il fait ainsi partie, dans la composition du nouveau Parlement, du bloc que préside le leader du PSP. Il a pour compagnons de travée, par exemple, Akram Chehayeb, Salah Honein, Abdallah Farhat ou Antoine Ghanem, un banc 100 % joumblattiste donc. Mais Bassem Sabeh est d’abord, et surtout, un haririen pur souche, un haririen convaincu. Et convaincant. Et ce n’est pas le déprécier, loin de là, que de dire qu’il n’occupe, dans le landernau politique libanais, qu’un rôle de second plan. Parce que l’intervention qu’il a faite, hier, place de l’Étoile, lors de la première séance plénière de la nouvelle Chambre, a été sinon le seul, du moins l’un des rares moments forts de cette journée parlementaire. Pourquoi ? Parce que le député de Baabda, en s’en prenant, mais sans le nommer, à l’un des personnages omnipotents du pouvoir – le directeur de la Sûreté générale Jamil Sayyed – a lâché une véritable petite bombe, entre ironie acerbe et dénonciation musclée, au sein de l’hémicycle. Nabih Berry lui a même demandé de reprendre, alors qu’il l’avait déjà bien entamé, son texte. «Du début... Je n’ai pas entendu», s’est «excusé» le sémillant président de la Chambre et Bassem Sabeh ne s’est pas privé d’obtempérer. Et pour cause... La mascarade «Nous n’allons pas nous apesantir sur les incitations au réveil des morts, sur des velléités confessionnalistes, sur une façon bien subjective d’appréhender le dossier des disparus et des morts, ni sur ces écrans qui viennent combler le vide politique avec force hurlements et lamentations, comme si le pays était plongé dans des funérailles qui n’en finissent plus. Mais nous sommes tombés net il y a quelques jours sur un exposé adressé à la presse libanaise à partir d’un des centres de la Sûreté générale à Beyrouth et à travers lequel le général-orateur a directement interpellé les journalistes, les gens de lettres, les poètes et les analystes politiques. Cet exposé a en fait pris la forme d’une leçon, un mode d’emploi consacré à l’exercice des libertés politiques et celles des médias. Cette leçon, elle a fixé un plafond à cet exercice de la liberté, elle est carrément digne de figurer dans le programme d’enseignement des facultés d’information, tant au Liban que dans le reste du monde, notamment dans les démocraties où les expériences ayant trait à la corrélation sûreté-liberté n’ont pas encore atteint leur maturité. «Elle est là la mascarade politique en tant que telle. Existe-t-il plus grande mascarade que lorsque l’espace de libertés politiques et journalistiques ne fait plus qu’un avec celui des inaugurations de prisons et l’apologie des règles sécuritaires ? Existe-t-il plus grande mascarade que lorsque l’on utilise un discours fait à la presse, aux journalistes ou aux poètes comme un moyen d’intimidation exercé à leur égard, pour leur porter atteinte ? Existe-t-il plus grande mascarade que celle qui consiste à convier l’ensemble des médias libanais à couvrir l’inauguration d’une prison, à l’aube de l’an 2001 ? «Ce spectacle, en soi, est une injure à la réputation du Liban, à la dignité des Libanais. Que dire lorsque ce même spectacle est destiné à la presse, à ses intellectuels ? Vous savez que la liberté, au Liban, revêt exactement la même importance que la coexistence ou la paix civile, et qu’il est indispensable de ne réduire en rien cette importance ? L’unité nationale n’est pas plus chère, au cœur des Libanais, que la liberté. Nous mettons alors en garde tous ceux qui veulent faire injure à cette liberté, tout comme “on” met en garde la presse contre toute atteinte aux institutions. «Investir dans la liberté, c’est le seul moyen de sauver le Liban, quels que soient le génie et l’intelligence de ceux qui s’opposent à cette volonté. Investir dans les prisons, voilà le moyen de se débarrasser du Liban, d’un Liban-tribune de liberté. Nous espérons que ne vienne pas le vaincre la culture des geôliers. «Oh, ils étaient sans doute en train d’inaugurer une faculté ou une université...». Comme à son habitude, Nabih Berry ne s’est pas privé – pointe d’humour, acquiescement tacite ou volonté de dédramatiser – de commenter les propos du député de Baabda qui faisaient référence, rappelons-le, à l’inauguration il y a quelques jours, par Jamil Sayyed et le ministre de l’Intérieur Élias Murr notamment, dans le secteur de Adlié, d’une nouvelle prison destinée aux détenus étrangers. Dans tous les cas, les députés que nous avons croisés dans les couloirs du Parlement ont tous applaudi le discours de leur collègue de Baabda. Polémique autour d’une nomination Excepté le discours de Bassem Sabeh, il y a eu quoi ? Eh bien, pas grand-chose – ou presque. La première séance plénière de la nouvelle législature s’est partagée entre les interventions de 17 députés et puis la lecture de 33 projets de loi, datant tous de l’ère Hoss, ainsi que de trois autres textes ne figurant pas à l’ordre du jour, revêtus du caractère de double urgence. Elle avait commencé par une minute de silence à la mémoire d’un nombre d’anciens députés décédés, dont Mohsen Slim, Zaki Mazboudi et Ara Yérévanian. Ensuite, les juges et les députés membres de la Haute Cour chargée de juger les présidents et les membres du gouvernement ont prêté serment. Nabih Berry a enchaîné en appelant à la nomination, en remplacement du nouveau député Nasser Kandil, d’un nouveu membre du Conseil national de l’audiovisuel. L’ancien président de la Chambre, Hussein Husseini, est intervenu à ce moment, réclamant que les noms soient d’abord annoncés pour qu’ensuite les députés votent pour l’un d’entre eux, «et non pas, comme le veut la coutume, que chacun vote pour qui veut...». Refus de Nabih Berry, qui a proposé comme premier nom Abdel Hadi Mahfouz et pour lequel la majorité des députés a levé la main. Le député de Aley, Akram Chehayeb, s’est immédiatement opposé à cette nomination, «au nom de la Rencontre démocratique», le bloc parlementaire de Walid Joumblatt, estimant que cette désignation est le fruit de décisions préfabriquées prises en haut lieu. Nabih Berry a réfuté les accusations d’Akram Chehayeb, ainsi que les allégations parues dans la presse et selon lesquelles les trois présidents aient été d’accord sur le nom de M. Mahfouz. Hariri : Stop à l’exploitation politique Le premier parlementaire à avoir pris la parole est Boutros Harb. Le député de Batroun a réitéré son opposition à l’implantation des réfugiés palestiniens au Liban – Nabih Berry lui a d’ailleurs demandé d’élaborer une recommandation en ce sens. Il a ensuite fermement appuyé la demande réclamant l’ouverture d’une enquête sérieuse pour que toute la lumière soit faite sur le sort des disparus. «Il est inadmissible que soit clos, par exemple, le dossier des deux moines qui ont été enterrés près du ministère de la Défense. Il y a des tentatives qui visent à semer, dans notre pays, la discorde», a déploré M. Harb, qui a également évoqué le dossier de l’autoroute meurtrière de Minyé, appelant le gouvernement à régler ce problème. Quant au député Hezbollah Ibrahim Bayan, il s’est intéressé, lui, au dossier de l’environnement et de la sauvegarde des espaces verts. Le député Ali el-Khalil a appelé à l’octroi d’une avance du Trésor à la Régie du tabac et des tombacs, ainsi qu’à une réduction des taxes sur le tabac. Il a également rappelé que le Liban officiel et populaire refusait l’implantation, affirmant qu’il «ne voyait pas la nécessité d’une recommandation parlementaire en ce sens puisque la Constitution libanaise refuse cette implantation». Le député de la Békaa, Sami Khatib, s’est surtout penché sur les dossiers de l’agriculture et du mazout, «le mazout étouffe les Libanais au quotidien», a-t-il déclaré. Même son de cloche pour le député du Koura, Fayez Ghosn : «Prendre soin de l’agriculture et de l’industrie agricole, n’est-ce pas favoriser la croissance et suivre les orientations du gouvernement ?», s’est-il demandé. Le Premier ministre Rafic Hariri est alors intervenu, notamment au sujet des disparus, déclarant que «personne n’avait appelé à la clôture de ce dossier. C’est l’arrêt des surenchères et de l’exploitation politique de cette question que nous avons demandé. L’exploitation par certains courants politiques engendrera un effet boule de neige et nous nous retrouverons plongés dans la même ambiance que celle des années de guerre», a averti Rafic Hariri. Les embrassades de Michel Murr Et pendant que le député de Bécharré, Gebran Tok, rendait justice aux familles des disparus et hommage à la position du Conseil des ministres, ainsi qu’à l’initiative du président syrien Bachar el-Assad, l’ancien ministre de l’Intérieur, Michel Murr, officiait en véritable maître de céans. Il a fait le tour de l’ensemble des travées parlementaires, des bancs du gouvernement ainsi que du perchoir du président de la Chambre, embrassant celui-là, saluant celui-ci, discutant avec un troisième, etc. Il a même serré la main de son collègue du Metn, Nassib Lahoud, au grand étonnement de celui-ci. Les lambris de l’hémicycle s’en souviendront longtemps... Le député Hezbollah de la Békaa a ensuite pris la parole, insistant sur la poursuite du combat contre Israël, remettant également en question une décision de l’ancien ministre de l’Éducation nationale concernant le retrait de certaines leçons et photographies ayant lien avec la guerre libano-israélienne. L’actuel ministre, Abdel Hamid Mrad, lui a assuré qu’il avait annulé cette décision. Il a également abordé le dossier de l’agriculture. Akram Chehayeb a insisté sur la nécessité de redynamiser le développement de la montagne, en soutenant l’agriculture, et en évoquant le problème de la surutilisation des voitures, ainsi que celui du mazout. Mohammed Kabbara a demandé l’ouverture de la route pétrolière entre le Liban et l’Irak. Quant au vice-président de la Chambre, Élie Ferzli, après avoir demandé à Rafic Hariri, assis entre les parlementaires, si l’envie lui reprenait de ne plus quitter les bancs des députés, a insisté auprès du Premier ministre pour que le gouvernement soumette à la Chambre une proposition qui trancherait la polémique autour de l’article 70 de la Constitution (relatif au mécanisme de la Haute Cour). Et après le discours du député du Liban-Sud, Abdel Latif Zein, son collègue de la Békaa, Robert Ghanem, a réaffirmé, lui aussi, son refus de l’implantation et a évoqué, à l’instar de Boutros Harb, le dossier de l’autoroute de Minyé, ainsi que celle reliant Zebd à Saghbine. Ont pris également la parole, les députés Georges Najm (au sujet de Jezzine et des attentats de l’est de Saïda), Sélim Saadé (pour la crise de l’olive au Koura), Mohammed Berjaoui (concernant les prisonniers encore en Israël et ceux qui en sont revenus), ainsi que Abbas Hachem (pour sa région de Kesrouan-Jbeil). Quant à la seconde partie – l’essentiel des cinq heures de cette séance plénière –, elle a été consacrée à l’étude de 33 projets de loi inscrits à l’ordre du jour, ainsi que de trois autres, présentés avec le caractère de double urgence. Un double constat : le sérieux avec lequel la majorité des députés a discuté ces propositions d’une part, et le peu d’importance – relatif évidemment, notamment au regard de l’actualité et des préoccupations majeures des Libanais – des projets traités hier. Deux choses encore : l’absence remarquée du seigneur de Moukhtara, Walid Joumblatt. Et certains députés, dont Albert Moukheiber et Nayla Moawad, qui n’ont pas pu s’exprimer, officiellement pour cause de manque de temps. Le député du Metn voulait mettre en garde contre les dangers auxquels s’expose le Liban – et notamment, selon des sources parlementaires, «le risque de voir se perdurer la présence armée syrienne», il voulait également s’élever contre l’oubli de la convention judiciaire en faveur des personnes arrêtées arbitrairement, et pour laquelle l’ancien ministre Nasri Maalouf et lui-même avaient combattu. Quant à la députée du Nord, elle aurait souhaité, selon les mêmes sources, mettre l’accent sur le sort des enfants palestiniens tombés sous les balles israéliennes, sur les incidents «à caractère confessionnel au Liban-Nord», ainsi que sur les manquements du gouvernement qui, «s’il avait mis sur pied une sérieuse commission d’enquête au sujet des disparus, aurait évité toute exploitation politique de ce dossier». Le temps, parfois, pour certains, fait bien les choses, étouffe ce qu’ils n’ont pas envie d’entendre... Ziyad MAKHOUL
Bassem Sabeh est député chiite de Baabda, élu il y a près de quatre mois sur la liste parrainée par Walid Joumblatt. Il fait ainsi partie, dans la composition du nouveau Parlement, du bloc que préside le leader du PSP. Il a pour compagnons de travée, par exemple, Akram Chehayeb, Salah Honein, Abdallah Farhat ou Antoine Ghanem, un banc 100 % joumblattiste donc. Mais Bassem Sabeh...