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Actualités - REPORTAGES

restauration - La vieille ville de Tripoli Un patrimoine en péril

Des maisons serrées, des souks qui s’étendent sur des kilomètres, les hammams, les medressas et les mosquées donnent à Tripoli ce contexte oriental unique au Liban. Cette ville a traversé des siècles et des siècles tout en conservant son identité sociale et historique. Les monuments centenaires dans ses ruelles sont dans un tel état d’abandon que leur survie est en danger si une restauration n’a pas lieu. Toutefois, celle-ci présente de grands risques. En fait, si elle n’est pas réalisée selon le contexte propre à la ville ces monuments seront dédiés à une mort certaine. En 1957, Tripoli a été classée «ville historique» par décret présidentiel. Depuis lors c’est une zone protégée où nul n’a le droit d’effectuer des modifications dans les édifices sans l’accord et la supervision de la Direction générale des antiquités. Certes, cette règle n’est pas toujours appliquée à la lettre, mais la vieille ville est considérée comme étant sauvegardée. En effet, elle regorge de monuments d’une beauté rare dont quarante-trois figurent sur la liste du patrimoine national. Mais ces édifices se trouvent aujourd’hui dans un état de dégradation avancée. Les fissures dans les murs, les pierres rongées de maladie, les toits qui constituent une menace réelle pour leur existence. «La dégradation de ces monuments est due en premier lieu au manque d’entretien, explique l’archéologue responsable du Liban-Nord à la DGA Samar Karam. En fait, ce sont en majorité des édifices privés, et leurs propriétaires n’ont pas les moyens d’assurer les réparations nécessaires, surtout qu’ils ne sont pas exploités et ne sont donc pas rentables». Certes, la restauration de ces monuments classés est un must, mais elle doit être opérée selon les règles. Il faut trouver une nouvelle fonction aux bâtiments pour leur redonner vie, effectuer leur réhabilitation et ouvrir leurs portes. «C’est une forme de projet pilote qui sera par la suite repris par tous les habitants de la ville. C’est le début d’une grande phase de restauration» souligne Antoine Fichfich architecte restaurateur travaillant sur Tripoli. Toutefois, avant de procéder à ces démarches sur le terrain, il faut amender un article, dans la législation de la restauration des anciens bâtiments, qui précise que l’enduit des murs doit être enlevé. «Nous sommes souvent confrontés à ce problème, certaines personnes restaurent en suivant la loi sans se rendre compte que cette technique est complètement dépassée et qu’elle est nuisible à la pierre», assure Mlle Karam. La plupart des monuments de Tripoli sont édifiés en pierre «ramleh» qui est en général sablonneuse, absorbant l’humidité du sol et la pollution. Elle s’effrite donc très vite et se teinte en noir ; c’est le début d’une dégradation rapide. Les dommages causés au cours du siècle L’état délabré de la vieille ville de Tripoli n’est pas récent. Mais remonte en effet aux années 50, suite à la crue du fleuve Abou Ali. Certains édifices ont été détruits pas les eaux du fleuve et d’autres squattés par les «réfugiés». Ainsi le khan el-Askar est habité depuis par une cinquantaine de familles. Toutefois, les dommages ne se limitent pas à cela. La vieille ville a été morcelée par le percement des routes. Les souks qui étaient reliés sont désormais séparés les uns des autres et les maisons qui constituaient une entité à l’intérieur de la ville sont isolées. Il semble que la raison de ce démantèlement est d’ordre sécuritaire. La vieille ville était un ghetto habité par les hors-la-loi et les forces de l’ordre n’y avaient aucun pouvoir. La dernière guerre a aussi laissé des séquelles dans ces ruelles centenaires. Afin d’aménager de nouveaux immeubles et des parkings, d’anciennes bâtisses ont été détruites. Nécessité des études urbaines Tripoli est une ville vivante. Du matin au soir, des centaines de personnes affluent aux souks afin d’effectuer leurs achats. Les gens se retrouvent dans ces lieux oubliés parfois sales à l’odeur nauséabonde mais ayant un charme particulier. Certes, les souks ne sont plus spécialisés, on retrouve toute sorte de produits étalés les uns à côté des autres, mais la clientèle est satisfaite. «La restauration de ces souks est un projet à grands risques, note M Fishfich. Car si elle n’est pas réussie ces ruelles vivantes aujourd’hui seront vouées à l’oubli et à la mort. Il faut aménager les lieux pour attirer une nouvelle clientèle tout en gardant l’actuelle. Il faut conserver le cachet des lieux. Dans cet objectif, il faut réaliser des études urbaines à but social et culturel avant de toucher à la pierre et de procéder à des changements architecturaux. Une fois l’étude urbaine réalisée, il faut alors envisager de nouveaux projets combinant la vie authentique des lieux et les exigences de la société consommatrice du XXe siècle sans tomber dans le folklore» poursuit l’architecte restaurateur. Deux souks de Tripoli ont été dernièrement restaurés, et depuis, ils sont de moins en moins fréquentés. Le khan el-Khayattin n’attire que quelques touristes et les réalisateurs des spots publicitaires cherchant «l’ancien». Quant au souk des joailliers, il ressemble à un îlot tout neuf implanté dans la vieille ville. Ses murs en pierre sablonneuse ont été nettoyés à jet d’eau, l’enduit enlevé, des poutres en bois fixées au-dessus des portes et même des lames ont été ajoutées. Le souk a perdu son identité, son attrait, et son cachet oriental. Les gens y circulent de moins en moins. Actuellement, la prise de conscience de l’importance de ce patrimoine tripolitain en péril est forte. Les démarches effectuées doivent être encadrées par des professionnels de la restauration. Toujours est-il que la capitale du Liban-Nord est le lieu de l’unique D. E. S. S du pays où les architectes travaillent sur la vieille ville. Il faut pousser les études sociales et archéologiques concernant Tripoli pour que ses ruelles grouillant de vie ne se transforment pas en un musée mort ou des lieux folkloriques sans aucun apport historique. Joanne FARCHAKH
Des maisons serrées, des souks qui s’étendent sur des kilomètres, les hammams, les medressas et les mosquées donnent à Tripoli ce contexte oriental unique au Liban. Cette ville a traversé des siècles et des siècles tout en conservant son identité sociale et historique. Les monuments centenaires dans ses ruelles sont dans un tel état d’abandon que leur survie est en danger...