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Parlement 2009 - ANALYSE

TRIBUNE Dette et croissance

Dans un précédent article publié dans notre édition du 2 décembre 2000, l’auteur s’était attaché à démontrer la pertinence de la récente décision gouvernementale de réduire les taxes douanières et la nécessité de libérer l’économie de ses contraintes. Si cette mesure est favorable, sa répercussion au niveau des recettes de l’État est lourde de conséquences cependant que le pays est accablé de dettes et le budget largement déficitaire. L’objet du présent article est d’aller plus loin dans la réflexion et d’analyser dans leurs grandes lignes les choix économiques qui se présentent aujourd’hui. Quand le budget d’un État, d’une institution ou d’un simple ménage est déficitaire, la mesure qui s’impose à l’évidence est de chercher à réduire le niveau des dépenses. Le gouvernement de M. Sélim Hoss, entré en fonctions en 1998, a commencé par crier à qui voulait l’entendre qu’il héritait d’une situation désastreuse, son prédécesseur ayant engagé le pays dans des investissements disproportionnés qui ont entraîné un endettement important. Nul ne peut contester cette réalité. Cependant, la dette est là et la discussion académique sur l’opportunité de ces investissements peut se prolonger longtemps, elle ne changera rien aux données existantes. Le gouvernement de M. Hoss, qui s’était donné comme objectif la réduction des dépenses de fonctionnement de l’État, n’a en fait rien pu réaliser de significatif sur ce plan. La dette dont il a héritée en début de mandat s’élevait à 18 milliards de dollars, celle qu’il a léguée au second gouvernement de M. Hariri en novembre dernier dépassait les 23 milliards sans compter les arriérés et les échéances reconduites qu’il faudra honorer tôt ou tard. Une bonne partie des dépenses du secteur public étant typiquement superflue et improductive, il faut reconnaître que seul un consensus politique et multiconfessionnel permettrait d’entreprendre leur assainissement. La construction libanaise est complexe, les intérêts politiques et communautaires s’équilibrent sur la base de compromis et l’idée d’un État influent et omniprésent reste profondément ancrée dans l’esprit de la caste politique dirigeante. Dans ce contexte, nul n’a pu sérieusement entamer la réforme indispensable du secteur public qui reste en proie à la bureaucratie et au gaspillage. Dans une optique économique pragmatique, il faut savoir utiliser la politique de ses moyens. La réduction drastique des dépenses du système libanais, bien qu’inévitable et de plus en plus urgente, nécessite une décision politique qui est loin d’être d’actualité. Ce n’est donc pas de ce côté de la balance qu’on peut agir dans l’immédiat pour redresser le déséquilibre budgétaire. Si on ne peut diminuer les dépenses pour équilibrer un budget, on doit tenter d’en développer les recettes. C’est une démarche théoriquement rationnelle qu’ont tenté d’entreprendre sans succès les deux gouvernements précédents. La hausse des taxes douanières, des redevances à l’État, des impôts directs, le tout associé à un gel des dépenses d’infrastructure ont eu des conséquences désastreuses sur l’activité économique du pays. C’est que cette politique contraignante avait sous-estimé la fragilité du tissu économique libanais fortement ébranlé par une conjoncture défavorable. La mise en application de ces mesures coercitives a littéralement étouffé la vie économique favorisant dépression, chômage et émigration. Les volumes brassés, tous secteurs confondus, ont dramatiquement baissé et, les recettes fiscales – plutôt que de croître – ont accusé une chute sensible (de 10 % à 20 %). Priorité à la croissance Rigidité des dépenses, incapacité du système à générer plus de recettes, que reste-t-il comme levier pour parer au déficit budgétaire ? Le président Hraoui, au cours d’une intervention télévisée, avait, avec sa bonhomie naturelle, comparé l’État à une bonne vache que tous les intervenants voulaient traire à gogo. La vache épuisée, le lait naturellement ne coulait plus. La priorité à la croissance, c’est la priorité donnée au fait d’engraisser la vache… pour pouvoir la traire plus tard. C’est mener une politique qui consiste à redonner vigueur et confiance à tous les secteurs économiques, à encourager l’activité et l’esprit d’entreprise et, de là, l’emploi et l’investissement. C’est donner la priorité à la croissance du Produit national brut et prendre toutes les mesures susceptibles de la favoriser sans trop se soucier de la répercussion à court terme de ces mêmes mesures sur le niveau des recettes. Aussi, et d’un point de vue général, à qui pensez-vous qu’un créancier prêterait plus aisément de l’argent : à un chômeur ou à un salarié productif ? Avec le premier, il n’a aucune chance de se faire rembourser ; avec le second – et quelle que soit la disproportion entre le volume du prêt et le revenu de l’intéressé – tous les espoirs sont permis. Ce qui est valable pour les individus l’est autant pour les nations. Les créanciers de l’État libanais sont rassurés quand le pays connaît une croissance plutôt qu’une récession, et cette croissance est bel et bien l’élément fondamental pour envisager le recours à des prêts supplémentaires et permettre leur remboursement à moyen terme. Il faut souligner enfin – et pour convaincre les sceptiques – que ce choix est bien le seul qui reste à tenter ; les deux autres (baisse des dépenses, augmentation des recettes) s’étant prouvés inadaptés aux circonstances. Nous n’avons donc d’autre option que d’épouser cette solution. Stratégiquement, et par la conjonction d’une position géographique et d’un peuple entreprenant et cultivé, nous sommes voués à être riches et prospères. Cette période difficile de notre histoire devrait être considérée comme accidentelle, et la conséquence d’un long conflit dont nous sommes sortis démunis des aptitudes requises pour gérer une situation nouvelle dans un monde en pleine mutation. Dix ans ses sont écoulés, c’est beaucoup et c’est peu. Au stade où nous en sommes aujourd’hui, l’erreur dans les mesures à appliquer n’est plus permise. Il faut désormais agir vite et bien. Guy Sorman, écrivain et économiste, après avoir enquêté dans 18 pays du tiers-monde à la recherche des causes du sous-développement et des conditions de la prospérité, écrivait : «La pauvreté des nations n’est pas fatale, mais plutôt la conséquence de mauvaises politiques fondées sur une idée fausse qui revient toujours à considérer que les dirigeants politiques et tout ce qui valorise l’État et sa puissance constituent un facteur de progrès». Combien de temps encore 3 millions de citoyens pourront-ils continuer à financer un service public de 25 ministères, 78 directions générales, près de 80 établissements publics, des forces armées, une politique agricole, industrielle et sanitaire… ? Il est évident qu’une fois la croissance lancée, elle devra être suivie d’un assainissement du secteur public. Dans un scénario de forte croissance et d’embauche, cet assainissement sera facilité. Il permettra tant le règlement d’indemnités généreuses que le recyclage du capital humain disponible dans des secteurs porteurs et en développement. Ainsi, la formule à adopter est claire : Moins de contraintes = croissance ; croissance et moins d’État = prospérité.
Dans un précédent article publié dans notre édition du 2 décembre 2000, l’auteur s’était attaché à démontrer la pertinence de la récente décision gouvernementale de réduire les taxes douanières et la nécessité de libérer l’économie de ses contraintes. Si cette...