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Actualités - OPINION

Parfum de liberté

 Inexplicablement désavoué par Damas au lendemain de sa démarche auprès du patriarcat maronite, assigné depuis à une rigoureuse et contrite abstinence verbale, Nabih Berry aura quand même tenu parole. Ils commencent à émerger du néant en effet, ces détenus qui croupissaient sans jugement dans les geôles syriennes et dont le président de l’Assemblée, du perron de Bkerké, avait annoncé le prochain retour au pays. Ils retrouvent enfin leurs noms sur les listes communiquées à Baabda, ces morts-vivants dont aucun responsable libanais ne voulait entendre seulement parler ces dernières années. Et encore moins en parler lui-même aux autorités syriennes. Qu’est-ce qui a donc changé depuis ? Deux choses essentielles, capitales, et dont l’expérience a prouvé qu’elles étaient interdépendantes. Ce qui a changé en Syrie, c’est une incontestable volonté d’ouverture manifestée par le président Bachar el-Assad qui libère par centaines les détenus politiques, qui transforme en musée la sinistre prison de Mezzé, qui autorise l’ouverture de banques privées et de journaux non affiliés au parti Baas : toutes options méritant le plus vaste encouragement et soutien de la part des Syriens eux-mêmes, mais aussi des Libanais et de la communauté internationale tout entière. Les bonnes dispositions du jeune raïs vont-elles jusqu’à une émancipation, même par étapes, de son protectorat libanais ? Si tel est le cas réussira-t-il à vaincre la formidable force d’inertie dont reste capable la vieille garde héritée de trente années de règne de Hafez el-Assad ? Et les dissonances apparues ces derniers jours à propos du Liban ne montrent-elles pas que les diverses tendances qui ont toujours existé au sein du régime syrien attendent encore de (re)trouver un catalyseur suprême à l’autorité absolument incontestée ? Toutes ces questions sont actuellement de mise, avec leurs inévitables prolongements régionaux. C’est dire la prudence à laquelle est tenu le chef de l’État syrien, notamment sur le terrain libanais ; c’est dire aussi la nécessité, soulignée par plus d’un médiateur, de ménager autant que possible les forces du renouveau en Syrie, d’éviter de les acculer à une voie de retraite qui ressemblerait à une déroute : ce qui n’aurait d’autre résultat que de porter un coup fatal à cette même volonté de renouveau. Ce message semble avoir été capté d’ailleurs par la hiérarchie religieuse maronite, dont le communiqué d’hier est d’un ton nettement plus conciliant que ceux qui l’ont précédé, sans que soient édulcorées pour autant les justes revendications de Bkerké. La deuxième chose qui a changé en effet, au Liban cette fois-ci, c’est que les tabous sont levés, que les Libanais sont de plus en plus nombreux à demander tout haut, sans peur ni complexe, qui un rééquilibrage et qui une franche redéfinition des relations, tant politiques qu’économiques, avec le voisin syrien. Ce phénomène est irréversible : l’ignorer, ou chercher à le contrecarrer, ne pourra que l’exacerber désormais. On admettra volontiers que, par souci d’efficacité, les démarches en cours devront se poursuivre dans les coulisses, plutôt que sous les feux de l’actualité. Mais en aucun cas le débat autour de cette question ne devra être étouffé, escamoté, sous prétexte que l’affaire est du ressort exclusif des deux États. Car l’hégémonie syrienne ne tient pas au seul stationnement sur notre sol de quelques dizaines de milliers de soldats ; elle est, par essence, éminemment discutable, et il n’est que naturel qu’elle soit enfin matière à discussion. Comment l’opinion publique syrienne accueillerait un éventuel désengagement, même relatif, du Liban n’est guère notre propos. Mais nous voulons croire que dans un pays comme le nôtre, que même dans le Liban d’aujourd’hui, nul ne peut ôter aux citoyens le droit de se plaindre. Nous allons jusqu’à croire que de telles plaintes sont bénéfiques pour l’État, qu’elles lui confèrent force et substance dans son inégal dialogue avec l’allié syrien, qu’elles l’aident à tracer les limites précises de l’acceptable. Après plus d’une décennie d’immobilisme, lequel en effet de nos deux États se serait-il donc avisé d’offrir même une promesse de changement si, entre-temps, les appréhensions et aspirations libanaises n’avaient été rappelées avec autant de constance et d’obstination par des instances aussi prestigieuses que représentatives, si ces plaintes ne s’étaient muées en véritables scies, en entêtants refrains de liberté ? Que Damas, avant Beyrouth et même au prix de quelques fausses notes, ait appris la musique, est évidemment surprenant. Que les dernières démarches auprès du patriarcat maronite aient été la cible de tirs croisés, puis l’objet de fébriles tentatives de récupération entre les divers pôles du pouvoir libanais, est navrant. On se consolera tout de même à l’idée que l’émulation joue, cette fois, pour la bonne cause. Et qu’il reste bien des grilles à ouvrir, bien des murs à abattre pour occuper tout ce bel entrain. 
 Inexplicablement désavoué par Damas au lendemain de sa démarche auprès du patriarcat maronite, assigné depuis à une rigoureuse et contrite abstinence verbale, Nabih Berry aura quand même tenu parole. Ils commencent à émerger du néant en effet, ces détenus qui croupissaient sans jugement dans les geôles syriennes et dont le président de l’Assemblée, du perron de...